EGSCHIGLEN – Gereg

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EGSCHIGLEN – Gereg
(Heaven & Earth / L’Autre Distribution)

Egschiglen_Gereg

Pour son cinquième album, le groupe mongol EGSCHIGLEN arbore fièrement en guise d’illustration de pochette son « gereg », soit sa plaque d’identification, son passeport en quelque sorte, tel qu’il était utilisé du temps de Gengis KHAN. Renvoyant à un passé nomade, ce gereg fait ici office de symbole de toute une culture musicale qu’EGSCHIGLEN s’applique à restituer sous une forme contemporaine qui rassemble tous ses éléments distinctifs tant sur le plan instrumental que vocal. Vièles morin-khuur, dulcimer yoochin, contrebasse ih khuur, percussions, chant féminin et bien sûr chant guttural khöömei élaborent des harmonies onctueuses et envoûtantes et donnent ainsi un coup de jeune à des mélodies qui remontent quand même pour certaines à… plusieurs siècles.

Avec ses arrangements soignés, la musique d’EGSCHIGLEN, toute enracinée qu’elle est dans la tradition, prend volontiers des allures de musique de chambre ethnique, et sait aussi adopter la forme de l’envolée lyrique, quand elle ne se fait pas littéralement fiévreuse, dès lors qu’elle est portée et rythmée par les galops du cheval, animal de prédilection de la culture nomade asiatique. Cultivant le souffle épique autant que la tirade mélancolique, EGSCHIGLEN fait avec cet album bien mieux que de nous montrer ses « papiers », il déploie une carte richement illustrée qui pointe divers aspects de la musique mongole, pensée ici et maintenant, sans cependant avoir recours à une instrumentation occidentalisée.

Gereg est une magnifique expédition au cœur de la topographie escarpée et rugueuse de la Mongolie en même temps qu’une plongée abyssale dans la représentation animiste du monde qui sous-tend la tradition du pays. Le cheval, les montagnes, les steppes, les esprits de la nature, les personnages historiques, les rituels et les relations amoureuses forcément difficiles y sont célébrés par des boginoo duu (chants courts), des magtaal (cantiques) ou des urtyn duu (chants longs), parfois transformés en besregs (chants longs raccourcis, à ne pas confondre avec les chants courts – ça va, vous suivez ?).

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EGSCHIGLEN nous balade même d’un extrême temporel à l’autre, pouvant interpréter une chanson datant du troisième siècle avant J-C (Hunuu) comme l’adagio d’un ballet (Uran Has) écrit durant la période socialiste-soviétique au XXe siècle, ce qui n’est pas moins rare dans un disque dit de musique traditionnelle.

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De plus, avec Gereg, EGSCHIGLEN nous fait découvrir des pièces provenant des répertoires de peuples mongols peu connus, comme les Darhads et les Dörvöds, et s’aventure même chez ses voisins de la République de Touva, reprenant un thème émouvant (Jaran Zagaan Aduu) déjà popularisé par HUUN-HUUR-TU et autres YAT-KHA sous les titres Sixty Horses in my Herd et Kongurei.

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À la fin de l’album, le décalage exotique produit par la musique d’EGSCHIGLEN se réduit considérablement, en même temps que se dissolvent les frontières culturelles, avec cette reprise humoristique d’une chanson folklorique de Franconie, clin d’œil adressé par nos fiers Mongols à la tradition de cette Allemagne bavaroise où ils ont élus domicile. À chacun sa Route de la soie, après tout…

Stéphane Fougère

Site : www.egschiglen.de

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