Festival Interceltique de Lorient 2015 : Année de la Cornouailles et de l’Ile de Man

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FESTIVAL INTERCELTIQUE 2015

Année de la Cornouailles
et de l’Ile de Man

Fil-2015-badgeAprès l’Irlande en 2014, le Festival Interceltique de Lorient (FIL), pour sa quarante-cinquième édition, a choisi de mettre en avant les deux plus petites nations celtes, en termes de taille, la Cornouailles et l’Île de Man. C’est aussi la première fois que ces deux pays, sans doute les moins connus du monde celtique, étaient ainsi mis à l’honneur.

Cela n’a visiblement pas été un frein à la fréquentation de l’édition 2015. Même si les chiffres définitifs seront connus plus tard, les premières estimations annonçaient entre 750 000 et 800 000 festivaliers.

Plusieurs spectacles se sont joués à guichets fermés : la cotriade au Port de pêche, la soirée d’ouverture des deux pays invités, les concerts de Carlos NUÑEZ et celui du Bagad de Vannes ainsi que la soirée de clôture qui programmait CELTIC SOCIAL CLUB et SIMPLE MINDS. D’autres spectacles ont également très bien fonctionné : Charlie WINSTON, Denez PRIGENT ou Sharon SHANNON.

Le parcours de la Grande Parade des Nations Celtes qui avait déserté le centre-ville depuis deux ans a été inversé. Il démarrait sur l’Avenue de la Perrière, à proximité du Port de Pêche, pour se terminer à nouveau au Stade du Moustoir. Environ 70 000 spectateurs ont profité du défilé le long des rues et plus de 10 000 personnes se trouvaient dans les gradins du stade.

La vente d’un badge de soutien (5 € cette année) qui permet d’accéder entres autres aux classes de maître chaque matin au Palais des Congrès et le soir aux différents pavillons des Pays Celtes a dépassé les 50 000 unités.

L’an dernier, une joute musicale (et amicale) qui avait opposé le Bagad de Lorient et deux disc-jockeys, Raymond LAZER et SAMIFATI, s’était soldé par un match nul. Les deux parties ont été à nouveau conviées à livrer bataille et, cette fois encore, il n’a pas été possible de les départager. Le public a par contre été enthousiasmé et a soutenu les « combattants ».

Le Championnat des Bagadou a connu quelques mouvements importants. En première catégorie, le BAGAD CAP CAVAL de Plomeur a maintenu sa première place, acquise à Brest en février, et a remporté le concours en devançant le BAGAD KEMPER. Le Bagad de Saint Nazaire, qui était descendu l’an dernier remonte parmi l’élite en compagnie du Bagad BRO DREGER de Perros-Guirec, qui a remporté le titre. Le Bagad de Lorient devra encore attendre, sachant que l’an prochain la compétition sera une fois de plus très rude. En effet, les bagadou de Pommerit le Vicomte et, plus étonnant, Saint Malo, qui était pourtant un des piliers de la première catégorie, descendent à l’étage inférieur.

Fort de son succès, après avoir remporté l’édition 2015 de l’émission La France a un incroyable talent, Le Bagad de Vannes était très attendu. Si elle n’a obtenu qu’une modeste huitième place au concours des bagadou, la formation morbihannaise a en revanche réussi l’avant-première de son nouveau spectacle Contrechamp devant un auditoire comblé.

En 2016, comme ce fut le cas en 2006, le Festival Interceltique se tournera vers l’Océanie en conviant l’Australie, qui sera cette fois accompagnée de la Nouvelle Zélande.

PLATON disait « Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique. » Le Festival Interceltique de Lorient demeure donc, depuis quarante-cinq ans l’un des meilleurs moyens de découvrir qui sont les Celtes.

Fil-2015-affiche

COMPTE-RENDU

* LUNCH NOAZH

LUNCH NOAZH existe depuis 2011 et s’est formé à l’initiative de Julien VRIGNEAU (saxophone), membre entre autres du TRIO VIRTUEL, tout comme Xavier GARABEDIAN (batterie) et Maël GUEGO (guitares). Lauréat du Grand Prix du disque 2015 organisé par Produits en Bretagne, LUNCH NOAZH s’est présenté sur la scène de l’Espace Bretagne le tout premier soir. Le public, qui n’était pas venu spécifiquement pour le groupe, a pu être au départ déconcerté par une formation qui ne proposait pas de la musique traditionnelle à danser ou à écouter mais une fusion réussie et très aboutie entre musique pop et jazz.

On se laissait alors vite absorber par cet univers mélangeant guitare, basse, batterie, violoncelle, harpe et saxophone dans lequel le chant en breton, porté par la jolie voix de Maela AR BADEZET, trouvait sa place et où les improvisations n’étaient pas interdites.

Entretien avec LUNCH NOAZH

Comment le groupe s’est-il formé ?

Julien : On a commencé en 2011 à l’occasion du Taol Lans, le concours de chansons en breton. On était quatre à ce moment-là. C’était vraiment le début, on n’avait que trois morceaux. Cela nous a donné l’occasion de jouer aux Vieilles Charrues.

Je ne concevais pas le groupe sans jouer avec des amis. Cela me paraissait un des éléments essentiels. On avance gentiment, on a déjà défini pas mal de choses. L’album est une étape dans le travail et maintenant, il reste encore beaucoup d’idées à concrétiser.

Il est difficile de coller une étiquette : pop, jazz, musique bretonne. Comment peut-on vraiment qualifier LUNCH NOAZH ?

Julien : Pour qualifier de manière très simple, je dirais que LUNCH NOAZH est une rencontre entre chanson pop et jazz. Le terme musique bretonne, on peut le dire. On vit en Bretagne. On fait les choses en Bretagne. Il y a une harpe. Maël et moi, on fait et on a fait beaucoup de festou-noz. On est pas mal imprégné de cette culture-là. D’autres musiciens du groupe n’ont pas autant cette culture et c’est justement ça qui est bien, ça amène un peu de vent frais. C’est toujours délicat de définir. Cela m’embête de plus en plus. Je pense que ce n’est pas l’affaire des musiciens.

Mais de manière générale, si on dit pop-jazz, ça me va !

Maël : Et si on te dit musique actuelle ?

Maela : C’est le grand débat entre nous.

Maël : C’est un terme qui ne convient pas trop à Julien.

Maela, tu es la voix du groupe. Quel est ton parcours avant de rejoindre LUNCH NOAZH ?

Maela : Je suis originaire de Lorient. Je me suis formée à la harpe celtique et au chant lyrique. Ensuite, j’ai eu un parcours de formation à la pédagogie puisque j’enseigne aussi la musique. Cela fait quatre ans que j’ai rejoint LUNCH NOAZH, avec les compositions de Julien.

Et toi Maël ?

Maël : J’ai commencé la guitare plutôt en acoustique. Ce qui m’a donné envie de faire de la musique, c’est le rock des années 70. Après, j’ai passé un DEM (Diplôme d’études musicales) traditionnel. Je jouais dans des groupes de fest noz comme EIEN et LE TRIO VIRTUEL et il y a deux ans, Julien m’a demandé d’intégrer LUNCH NOAZH. Sinon, j’ai un parcours autodidacte.

Qui sont les autres membres sont groupes ?

Julien : Il y a Victor SIMON à la basse, qui joue dans IMG et LA TCHOUTCHOUKA, Xavier GARABEDIAN, batteur de jazz qui aime bien tous les rythmes un peu tordus et Pauline HUBLET au violoncelle. C’est l’équipe actuelle.

Il y a une chose intrigante : que signifie le nom du groupe ?

Julien : Cela vient de The naked lunch écrit par William S. BURROUGH, qui était un des trois écrivains de ce qu’on appelait la Beat Generation, avec Jack KEROUAC et Alan GINSBERG. KEROUAK disait que le nom ne veut rien dire, mais c’est une manière de se référencer. BURROUGH écrivait ses textes sous l’effet de la drogue et après, il redécoupait dedans. KEROUAC, c’était au kilomètre, un peu comme André BRETON. Leur façon de faire est clairement influencée par tout ce qui est dada ou surréaliste et par le jazz. Ils cherchaient quelque chose. William S. BURROUGH a écrit un autre livre qui s’appelait The Soft Machine qui est le nom d’un groupe anglais des années 70 qui mélangeait rock, jazz, chansons et qui faisait les choses sans complexes. C’est une référence à tout ça.

Maël : Mot à mot, ça veut dire « le repas nu ».

Vous tournez beaucoup en Bretagne ou même ailleurs ?

Julien : Pas trop en fait. On a tourné un peu dans le sud de la France. Le groupe n’est pas connu. On vit dans un système ou les gens aiment bien engager des groupes qui sont bien connus et qui flattent leur ego. Comme on fait les choses tranquillement, le fait d’avoir le Grand Prix du disque, c’est super. La reconnaissance d’un jury de journalistes ou de directeurs de festivals, ça fait plaisir et ça donne aussi une vue. Tu peux faire la musique que tu veux, si les journalistes ne parlent pas de toi à l’unisson, il ne se passera jamais rien. C’est un peu négatif de dire qu’on n’a pas beaucoup de dates. En même temps, cette année on a le Cornouaille et Lorient.

Maela : On prend le temps de construire la musique, d’avoir une démarche réfléchie.

Vous êtes des musiciens professionnels ?

Julien : Moi, oui. Je suis intermittent du spectacle. On est quelques intermittents, sinon ceux qui ne le sont pas sont professeurs de musique ou intervenants comme musiciens. On est tous dans la musique.

Vous composez tous, vous apportez des idées ou il y a un leader ?

Julien : Il n’y a pas de leader, mais c’est moi qui compose tout (rires) ! En général, je compose tout dans ma tour d’ivoire. Mon premier jury, c’est moi ! J’essaie que la mélodie me plaise, que les textes soient calés, qu’il y ait un minimum de grilles d’accords de base qui soient proposées. Les arrangements, par contre, on les fait tous ensemble. Quelquefois, entre l’idée que j’avais, le rythme peut se trouver bousculé, passer du binaire au ternaire. La grille d’accords peut bouger. Après, on fait la sauce ensemble.

Et le choix de la langue ?

Julien : Ce n’est pas un choix de défense de la langue. Le principe de faire du jazz en breton, du rock en breton, tout faire en breton, ça ne m’intéresse pas. Il y a un attachement affectif déjà parce que c’était la langue de mes grands-parents. La sonorité me plaît. Je trouve que la poésie qu’on peut faire dedans est chouette. C’est une des langues du pays dans lequel on vit tous. Si j’habitais en Chine, je pense que je commencerais à m’intéresser au chinois et à composer dans cette langue. Le but n’est pas de mettre le breton en avant, ce qui compte, ce sont les idées.

Vous avez appris le breton ?

Julien : Maël a appris le breton à Diwan, donc imprégné depuis sa tendre enfance. Moi, j’ai fait une formation de six mois à Gourin. Pour mes autres projets de musique, ça commençait à être gênant de ne pas avoir cet outil-là, d’être un peu désemparé et de ne rien comprendre. J’ai encore du travail à faire, je n’ai pas encore l’expérience de Maël. Apprendre une nouvelle langue, c’est toujours chouette, surtout que dans celle-là, il y a plein de choses qui sont différentes du français. J’ai fait cette étape-là et j’en suis bien content.

Maela : Je ne suis pas locutrice, mais je suis en train de m’y mettre sérieusement. J’ai du coup un travail à faire sur la prononciation, que je fais avec Maël et Julien, qui ont parfois des visions différentes. On essaie de faire un travail précis sur la diction de la langue.

Pour en revenir au style, entre pop et jazz, le public n’est-il pas un peu déboussolé ? Vient-il vous interroger après vos spectacles ?

Julien : Cela dépend de l’endroit où on joue. Par exemple, quand on a joué au Pixie à Lannion, les gens savaient ce qu’ils venaient écouter et on a eu un public attentif. Quand on joue dans un festival qui n’est pas ciblé jazz ou un truc très précis, le public peut être décontenancé au début. Mais en général, on entend dans les applaudissements qu’il y a une partie qui accroche. Ce n’est pas ce à quoi il s’attendait. L’été, le public veut du folklore mais il reste quand même.

Maela : Avec l’influence soul-jazz, on voit des gens qui rentrent corporellement dans la musique et se mettent à danser. On n’est pas dans le fest-noz, c’est une autre forme de danse, mais on sent que ça peut aussi parler au corps. Cela nous intéresse d’aller vers ça.

Julien : Le sens des textes est important forcement, surtout pour ceux qui les ont écrits. Cela veut dire quelque chose, il y a vraiment des émotions. On essaie de construire la musique de sorte que les non-brittophones soient accueillis. Il ne s’agit pas d’exclure. Si on ne comprend pas la langue, on peut apprécier la narration musicale.

Vous avez des projets à court ou long terme ?

Julien : Il y aura certainement un projet de disque. Là pour l’instant, on ne se penche pas dessus. On travaille quand même sur les nouveaux morceaux.

Comment cela se passe-t-il avec les radios ? Vous êtes diffusés ou cela freine-il encore ?

Julien : Cela dépend. On a envoyé le disque à pas mal de radios locales en Bretagne. Certaines l’accueillent bien et le diffusent. D’autres le boycottent en disant que c’est nul. Une radio m’a dit que le disque était très mauvais et qu’il ne serait pas diffusé. La diffusion n’est pas toujours facile parce qu’il y a des morceaux qui peuvent être un peu longs ou avec de l’improvisation. Les radios n’aiment pas trop et ça peut bloquer.

Maela : Il y a un travail de remix qui a été fait, un peu électro. Cela a pu intéresser les radios qui diffusaient des choses différentes.

Julien : DJIBRIL, qui est le machine des PLANTEC, nous a fait un remix du morceau Breudeur ha c’hoarezed 2. C’est une ramification. Il y a le projet principal et il y a des choses qui se passent autour, qui aboutissent ou pas. On a fait un petit projet de disques qui n’a été envoyé qu’aux radios pour l’instant avec peut-être un projet de disque entier de remixes. On verra. Effectivement, certaines radios qui ne diffusaient pas le premier disque diffusent par contre les remixes (rires).

Vous avez tenté en dehors de Bretagne ?

Julien : J’ai tenté le groupe Radio France, mais je n’ai pas trop bruiné là-dedans car je savais que c’était le premier disque d’un groupe inconnu. Même les médias comme France 3 bloquent. Cela fait deux ou trois ans que j’essaie de venir jouer à leur émission en breton le Dimanche. C’est peut-être pour des raisons techniques aussi puisqu’il faudrait venir à cinq ou six musiciens.

Maela : On espère que cette date au Festival permettra de nous faire connaître et donnera envie à des programmateurs de nous inviter durant l’année.

Julien : On était déjà programmé au Fil avant le Grand Prix. J’étais assez content évidemment.

CD : Breudeur ha c’hoarezed
Site : http://malgven.wix.com/lunch-noazh

* BRIEG GUERVENO

Brieg GUERVENO fait lui aussi partie des lauréats du Grand prix du disque Produits en Bretagne 2015. A ce titre, Brieg (guitares) et ses deux musiciens, Xavier SOULABAIL (basse) et Joachim BLANCHET (batterie), ont également été conviés à se produire lors de la première soirée. C’était en quelque sorte, une manière pour le festival de renouer avec un passé, pas si ancien, lorsque le FIL s’ouvrait avec la traditionnelle soirée rock. Car c’est bien de rock dont il s’agit avec le groupe de Brieg GUERVENO, du rock à la frontière entre métal et progressif, chanté essentiellement en breton.

Outre les compositions de Brieg, le groupe s’est fendu d’une reprise de Emgann Kergidu de Bernez TANGI qui fut à la fin des années 70, le chanteur de STORLOK, le premier groupe à proposer du rock en breton qui se détachait de la musique traditionnelle.

Les spectateurs qui ne connaissaient pas ont sans doute été surpris par une musique à laquelle ils ne s’attendaient pas. Mais ceux qui ont fait l’effort de rester écouter les musiciens ont ainsi pu découvrir un groupe exaltant et original.

Entretien avec BRIEG GUERVENO

Brieg, peux-tu te présenter ?

J’ai trente-deux ans, bientôt trente-trois. J’ai commencé la musique vers huit/neuf ans au Bagad de Pommerit le Vicomte. J’y ai appris la caisse claire. Très tôt, vers dix/onze ans, je me suis intéressé à la guitare. Je voulais être batteur, mais il n’y avait ni la place, ni les moyens à la maison, donc j’ai choisi la guitare et je me suis très vite intéressé au rock, puis au métal, puis au métal extrême. Vers treize/quatorze ans, j’ai eu mes premiers groupes de métal, de black métal. Ensuite, j’ai mis un frein sur la musique vers l’âge de dix-neuf/vingt ans. J’ai fait autre chose, j’ai travaillé, j’ai rencontré quelqu’un, j’ai fait des enfants, etc.

En 2006, j’ai voulu me lancer dans une carrière à mon nom pour proposer un projet artistique de rock en langue bretonne. J’étais entouré de trois autres musiciens. On a fait un album qui s’appelle Noziou Deiou qui était un panel de tous les titres que j’avais composé entre 2006 et 2011. C’était un album plutôt folk. Je n’étais pas très satisfait du résultat, du coup j’ai reformé un trio et j’ai voulu me diriger plus vers le rock. On a sorti un EP Bleuniou an distruj en 2012 qui a été primé aux Priziou, le prix du meilleur disque en langue bretonne. On a sorti Ar Bed Kloz en 2014, qui est un disque avec de grosses influences de rock progressif, qui clos un premier chapitre des balbutiements de ma carrière, pour se diriger prochainement vers quelque chose de beaucoup plus métal et beaucoup plus progressif encore avec des influences assez diverses et variées. On va dire que ça va artistiquement de groupes comme ULVER pour le côté un peu dark, la scène progressive anglaise, ANATHEMA, PORCUPINE TREE et d’autres influences que j’ai moi, dans mon bagage de musicien.

Y-a-t-il des groupes de musique bretonne qui t’ont influencés malgré tout ?

Alan STIVELL, c’est quelqu’un qui m’a influencé, dans le milieu de la musique bretonne. En tant qu’auteur, Bernez TANGUY du groupe STORLOK et les albums solos qu’il a fait. J’ai été beaucoup influencé par le groupe GWERZ avec Erik MARCHAND. J’ai suivi ce qu’il a fait avec le TARAF DE CARANSEBES. J’apprécie sa vision et sa façon de faire de la musique bretonne et de chanter la langue bretonne.

La musique bretonne n’est pas forcement ce que j’écoute, mais je suis assez curieux donc je suis l’activité.

Tu chantes essentiellement en breton. C’est simplement une démarche artistique ou y-a-t-il aussi une volonté, non pas identitaire, mais plutôt de défense de la langue ?

Il y a un peu des deux ! A la base, j’ai chanté en breton parce que dans le black métal ça sonnait mieux que l’anglais ou le français. Il y avait des consonances qui étaient à propos avec la musique. Comme j’ai commencé assez tôt, vers quatorze/quinze ans, je n’avais pas encore à l’époque de conscience politique. C’est venu plus avec l’âge. Je dirais que maintenant, c’est artistiquement et c’est une façon de défendre la langue bretonne le plus possible, à l’étranger et aussi en Bretagne, parce qu’il y a encore ici beaucoup de gens qui ont des à priori, des jugements, des raccourcis sur l’identité, la culture. C’est très compliqué. Je pense que l’avenir, c’est de décloisonner tout ça. C’est pour cela que je suis très content d’être au Festival parce que justement c’est la preuve, au-delà du fait que ce soit moi qui joue, que quelque chose est en train de se passer. On commence à avoir des bons groupes qui émergent en langue bretonne et qui peuvent proposer autre chose que de la musique traditionnelle.

Justement, jusqu’à présent le rock en Bretagne et en breton, c’était du rock celtique. Il n’y a pas eu beaucoup de groupes proposant des musiques extrêmes ou simplement du rock en breton alors que cela existe pour la chanson. Comment peux-tu expliquer cela ? Serait-ce un manque d’audace ?

C’est compliqué. Déjà, c’est lié à l’histoire de la Bretagne et de la langue bretonne. Il y a quand même un grand fossé qui s’est creusé après-guerre entre les générations avec la transmission de la langue qui ne s’est pas faite. Il y a toute une génération qui est passé à côté de ça. Puis ça revient avec ma génération de trentenaires et celle qui viendra après. La langue bretonne et la culture se sont aussi épanouies dans la musique traditionnelle. C’est différent au pays basque par exemple.

Pourquoi le rock celtique s’est lié à la langue bretonne ? C’est ce qui s’est passé au milieu des années 90 et au début des années 2000 avec des groupes de rock celtique qui ont émergé comme MATMATAH, il y a toute une scène rock celtique qui s’est faite. Mais moi, quand j’étais adolescent, j’ai trouvé ça cliché parce que j’ai grandi dans la langue bretonne et dans l’identité bretonne et à chaque fois qu’on me parlait de ma culture et de ma langue, on me renvoyait une image assez négative. Ma motivation était de briser ça et d’élever la langue bretonne à autre chose que BECASSINE. Cela a toujours été ma volonté première et c’est pourquoi je chante en breton. C’est affirmer qu’on est un peuple, qu’on a une langue et, comme les islandais qui proposent des groupes de métal en islandais, on est tout à fait capable ici de proposer des musiques en langue bretonne qui peuvent s’exporter et qui renvoient une image positive de la Bretagne pour essayer de reconstruire parce que beaucoup de choses y ont été cassées. Il faut qu’on arrive à affirmer des choses positives sur notre identité.

Qu’est-ce qui influence ton écriture ? Comment écris-tu ?

J’écris beaucoup de poèmes en langue bretonne. C’est assez sombre. C’est aussi lié à la musique que je compose qui a souvent un propos assez sombre. C’est également lié à ma vie personnelle, aux choses qui m’entourent et artistiquement, j’aime bien évoquer tout ce qui est la part sombre de l’être humain. Il y a pas mal de choses à dire là-dessus.

C’est mon héritage musical, le rock progressif. Les groupes de rock progressif n’écrivaient pas des chansons joyeuses. C’est lié à ce bagage musical. C’est cette musique-là qui m’a fait grandir, donc forcément ça m’influence dans mes textes et dans la façon de mener mon projet.

Les événements, parfois très graves, qui ont eu lieu dans le monde depuis le début de l’année pourraient t’influencer ?

Je suis un petit peu l’actualité. Je m’en suis détaché. Étant donné que j’ai eu par moments un tempérament assez dépressif, j’évite de regarder l’actualité parce que je désespère de voir comment le monde tourne. Cela ressort dans certains de mes écrits mais ce sont des métaphores, c’est assez caché. L’écriture est une thérapie pour relâcher certaines choses assez sombres. L’actualité ne m’intéresse pas trop en fait ! Je préfère ne pas la regarder.

Qui est le public qui vient à tes concerts ?

On a envie de dire que c’est un peu toutes les générations. Pendant un moment, certains programmateurs ont pu penser que des musiques comme la mienne, ces musiques rock, n’étaient dévouées qu’à un public jeune et chevelu. Ce n’est pas le cas puisque la génération de nos parents arrive à soixante/soixante-dix ans et ils ont pour certains grandi avec LED ZEPPELIN ou BLACK SABBATH et, du coup, la musique qu’on joue sur scène, ça leur parle aussi. Ce qui n’était pas le cas avec le rock il y a vingt ans l’est maintenant. On a un peu tous les âges.

Quand on a joué à Perros-Guirec, il y avait une personne d’une soixantaine d’années qui ressemblait plutôt au papy du coin et qui avait un t-shirt BLACK SABBATH sous son pull et ça nous a fait sourire. Il connaissait les groupes qu’on écoutait et ça nous a surpris.

La France déjà n’est pas un pays rock, un pays métal, contrairement à l’Allemagne ou aux Pays Scandinaves. En Norvège, dans un festival, tu vas voir un groupe de pop et après un groupe de black métal et ça ne choque personne. Tu verras les gens avec leurs enfants parce que c’est ancré dans la culture. Ici, c’est encore un peu dur. Les festivals vont miser sur un groupe de rock festif ou un DJ. C’est plus de l’animation. Je me suis fait bouler de lieux où on aurait pu jouer parce que les gens trouvaient que c’était trop rock. Mais le public est prêt à cette énergie-là. C’est juste que c’est un travail qui est long, ça prend du temps pour convaincre.

En Allemagne, en Belgique, il y a des festivals ou on mélange le folk et le métal. En France, ça n’existe pas.

En France, il y a un héritage qui est celui de la chanson française. Alors, il y a des choses très bien, mais tout est lié avec les paroliers et tout ça. C’est ancré dans la culture française. Le métal ne commence à se démocratiser en France que depuis peu. Quand j’écoutais du métal extrême, même dans les magazines de métal, ils ne parlaient pas des groupes que j’écoutais parce que c’était trop violent. Les gens se rendent compte que le Hellfest se passe bien, qu’il n’y a pas de débordements. Ce sont toutes les générations qui vont écouter cette musique-là. La France n’est pas un pays rock, elle n’a pas ça dans ses racines. C’est la chanson française ici, c’est ça le problème !

Tu as déjà participé au Hellfest ?

Non, on n’y a jamais joué. Peut-être que ça viendra un jour. Sur l’album Ar Bed Kloz, c’est peut-être encore un peu trop folk. Ce n’est pas encore très à-propos. Mais on se dirige vers quelque chose de plus sombre et plus métal. Alors ce ne sera pas du métal à-proprement dit. Je puise dans les influences métal mais ça reste très progressif. Il n’y a pas forcement de chant hurlé ou ces choses-là.

Il y aura du growl ?

Il y en aura peut-être sur quelques chansons à venir.

Toujours en breton ?

Toujours en breton ! (rires)

Peux-tu présenter les deux musiciens qui t’accompagnent ?

Xavier SOULABAIL à la basse et Joachim BLANCHET à la batterie et aux claviers. On est des potes de longue date, on se connaît depuis presque vingt ans. On a commencé la musique ensemble. On travaille ensemble depuis trois ans. On a les mêmes racines musicales, même si chacun a ses propres influences. On n’écoute pas tous la même chose. Ils écoutent des choses que je n’aime pas et vice-versa. C’est ce qui fait la richesse dans l’échange. Je compose la trame des morceaux et eux ils viennent aux arrangements. Il y a parfois des choses qu’on compose à trois.

Avec l’évolution du groupe, envisages-tu l’arrivée d’un nouveau musicien, aux claviers par exemple ?

Cela a été envisagé un moment mais pas pour l’instant. On utilise des bandes et ça nous va comme ça. On ressentira peut-être le besoin mais je n’ai pas envie de perdre mon temps avec ça. L’énergie du trio fonctionne bien, ce n’est pas le moment de rajouter quelqu’un. Il y a plein de guitaristes, mais les bons guitaristes ne sont pas faciles à trouver et il faut que la personne soit dans le propos, dans le discours. Je ne préfère pas m’ennuyer avec ça pour le moment.

L’accueil des médias, presse ou radio, est-il bon ?

Alors, le fait de chanter en breton ouvre des portes auprès des radios régionales, c’est sûr ! Cela m’a aidé et m’aide encore, je ne vais pas le cacher. Maintenant, ça ne fait pas tout ! Je ne fais pas de la musique pour être diffusé quinze fois par jour à la radio. Je considère la création musicale comme un art, au sens noble du terme, et l’art n’est pas fait pour tous.

Alors Je ne veux pas qu’on se méprenne sur mes propos. L’ouverture de l’art pour tous, c’est nécessaire. Que chacun puisse accéder à l’art, c’est tout à fait normal. C’est le propos même d’une démocratie. Par contre, quand on est un artiste, créer dans le but de plaire à tout le monde, faire de l’art pour tous, c’est faire de la « merde ». Dès qu’on commence à faire des compromis dans ses choix artistiques, c’est ce qu’on fait ! Je refuse de rentrer là-dedans, de me dire qu’il faut que je fasse des morceaux de trois minutes cinquante pour passer à la radio. Ce qui y passe, je n’écoute pas cette musique-là et je ne vois pas pourquoi j’irais la faire. Faire des morceaux longs ne m’empêche pas de faire Carhaix ou l’Interceltique. Les gens qui viennent me voir recherchent autre chose. Ils recherchent une énergie et des ambiances.

Tu joues aussi à l’étranger ?

On a eu quelques dates. On a joué au Japon l’année dernière. On a joué en Belgique, en Angleterre, en France, au Pays Basque. J’espère qu’à l’avenir, on pourra aussi jouer sur d’autres continents. J’aimerais bien le Québec. J’aimerais bien tourner là-bas un jour. Cela se fera sans doute. Partout où on peut jouer, on ira. Après, c’est toujours le problème des conditions, ce n’est pas facile. Tourner à l’étranger demande beaucoup de moyens. Je pense que le développement qu’on fait en Bretagne nous servira plus tard pour aller jouer ailleurs. On a besoin d’une bonne assise ici, en fait !

Ton dernier album est encore récent, mais as-tu déjà commencé à penser au prochain ?

Je suis en train de l’écrire. Il y a déjà des morceaux assez aboutis. Il y a encore pas mal de choses à revoir dessus. Cela s’annonce plutôt pas mal. Il y a de belles influences. Je reviens un peu aux sources, c’est beaucoup moins folk et beaucoup plus dark. Plus métal, en fait !

CD : Ar bed kloz
Site : http://www.briegguerveno.com

* THE CHANGING ROOM

THE CHANGING ROOM est un quintet qui s’est formé début 2014, à l’initiative de Sam KELLY (guitare, chant) et de Tanya BRITTAIN (accordéon, chant). Le premier est un des grands espoirs de la scène folk anglaise et il tourne également avec un trio à son nom. Ses origines irlandaises l’ont amené à s’intéresser au gaélique et ensuite à d’autre langues menacées comme le cornique. La seconde est depuis une trentaine d’année dans le milieu du folk anglais et vit désormais en Cornouailles. Les deux compères se sont rencontrés en studios et ont entraîné avec eux trois autres musiciens (banjo, harpe, bodhran) pour finaliser THE CHANGING ROOM. Le nom du groupe vient du fait qu’ils aiment inviter régulièrement des musiciens à venir jouer avec eux.

Sur scène, par contre, c’est sous la forme originale du quintet que le combo s’est présenté. Cela ne nuisait en rien à la musicalité de l’ensemble. L’instrumentation singulière alliée à un savoir-faire indéniable avait véritablement de quoi séduire. Le groupe interprétait ses compositions originales résolument folks. Même sans le soutien du chœur POLPERRO FISHERMAN’S CHOIR, Row Boys Row, un des titres phares de leur album, restait très entraînant.

CD : Behind the Lace

* DENEZ PRIGENT

Après plus de dix ans sans enregistrement, Denez PRIGENT s’est retrouvé sous les feux de l’actualité depuis le printemps dernier après la parution d’un nouvel album, Al Liorzr Vurzhudus, unanimement salué par les médias. Si l’artiste s’était fait discret sur le plan discographique, il avait en revanche continué à se produire régulièrement sur scène et sa précédente apparition au FIL remontait à l’année 2011. Nouvel album oblige, Denez était très attendu. Il n’a pas manqué son retour et a offert un spectacle extrêmement abouti et d’une exceptionnelle charge émotionnelle.

Le dernier CD fait la part belle aux sonorités des musiques du monde. Accompagné par six excellents musiciens (contrebasse, guitare, violon, accordéon-biniou, bombarde-duduk-saxophone et un subtil jeu de percussions) c’est à un voyage musical que Denez a convié son public, navigant entre orient et occident, entre Europe du Sud et de l’Est. Le concert a d’ailleurs débuté par le bien nommé Beajet m’eus (j’ai voyagé). Le dernier opus servait évidement de trame au concert et une large part de ses titres ont été présentés (Gwechall gozh, An tri amourouz, Eostig Kerchagrin). Sur An Tri Seblant, long morceau progressif, Alain PENNEC a troqué son accordéon pour un biniou, offrant ainsi un très beau duo avec Cyrille BONNEAU au saxo.

Denez ayant, pour le moment, renoncé à habiller ses chansons de sons électroniques, il était intéressant de voir de quelle manière il allait pouvoir présenter ses titres plus anciens, pour les rendre conforme au ton acoustique désormais souhaité. E Garnison qui préfigurait déjà ce nouvel habillage n’a rien perdu de sa vitalité et plusieurs danseurs n’ont pas hésité à suivre le rythme en esquissant quelques pas. Beaucoup plus retenue, la Gwerz Kiev qui relate la famine de 1930 en Ukraine orchestrée par Staline, sonnait terriblement actuelle.

Gortoz a Ran, qui avait été utilisée pour la BO du film de Ridley SCOTT, La chute du faucon noir, associait le chant et l’accordéon, bien loin des nappes de claviers de la version originale, mais tout aussi poignante.

Enfin, dans les rappels, c’est à cappella que l’artiste est venu interpréter le classique Ti Eliz Isa qui donnait toujours autant de frissons.

Avant de quitter la scène, Denez a remercié Stéphanie PONTFILLY, sa compagne décédée, devant un public émus et conquis qui ne voulait pas le laisser partir.

CD : An enchanting garden – Ul liorzh vurzhudus
Site : Denez sur Coop Breizh

* Grande Nuit de la Cornouailles et de l’Ile de Man

La grande nuit du pays invité est toujours un des temps forts de chaque édition. Cette soirée permet de présenter aux spectateurs un aperçu de la production artistique de chacun des pays.

Cette année, il y avait un saut dans l’inconnu car, sans chercher à faire preuve de condescendance, il est certainement plus évident de mettre en place une grande nuit de l’Irlande ou de la Bretagne et cela est également plus parlant pour le public.

Les deux nations ont cependant su relever le défi et ont offert un spectacle de qualité.

C’est à l’Ile de Man qu’incombait la lourde tâche de débuter la soirée. Sous le regard bienveillant d’une statut du légendaire souverain, le dieu-guerrier MANNANÀN MC LIR, le public a pu découvrir un panorama de la culture mannoise.

MEC LIR est un groupe fondé l’an dernier pour venir à Lorient et qui se retrouvait là propulsé sur la plus grande scène. Le quatuor, Tomas CALLISTER (violon), Adam RHODES (bouzouki, guitare) David KILGALLON (claviers) Greg BARRY (batterie) proposait une musique traditionnelle, aux sonorités modernes, à la fois hypnotique et dansante.

Les deux premiers membres sévissent également dans BARRULE. Ils ont donc ensuite été rejoints par l’accordéoniste Jamie SMITH, régulièrement présent au FIL ces dernières années avec une formation différente (MABON, ALAW), et ponctuellement par le trompettiste Russell GILMOUR pour une session plus acoustique.

MEC LIR tout comme ensuite BARRULE ont été accompagnés par les danseurs et danseuses de NY FENNEE. Cette proximité permettait aux formations de fusionner volontiers et de proposer de très beaux tableaux associant le son et l’image.

Découverte avec le groupe folk NISH AS RISH et présente l’an dernier lors de la soirée Femmes Gaéliques, Ruth KEGGIN est dans un premier temps venu chanter seule sur scène avant de rejoindre la chorale mixte CAARJYN COOIDJAGH, pour des instants plus calmes et solennels.

Les pipe-bands ne font pas partie de la tradition mannoise. Sur l’île, les fanfares sont privilégiées. Le RUSHEN SILVER BAND est arrivée sur scène après avoir traversé les allées parmi les spectateurs. Une fois la surprise passée, face à un ensemble qu’on imagine plus volontiers dans les cultures flamandes ou germaniques que celtiques, les spectateurs se sont laisser conquérir par une formation expérimentée et convaincante.

Ce fut ensuite au tour des artistes de Cornouailles de se présenter, mais dans une optique différente, car chaque formation est entré en scène à tour de rôle.

Les membres de DALLA sont des habitués. Ils étaient déjà présents en 2013 et les retrouver alors que leur pays était à l’honneur paraissait une évidence. Leur musique acoustique (accordéon, saxo-clarinette, percussions, violon, mandoline) et leur univers particulier entre traditionnel et folk progressif demande toutefois une plus longue audience pour en apprécier toute la saveur.

KEZIA est une toute jeune artiste de vingt-deux ans. Elle s’est présentée seule sur scène en s’accompagnant simplement d’une guitare pour interpréter ses propres chansons oscillant entre folk et blues. Elle fait assurément partie des artistes à surveiller.

AGGIE BOYS CHOIR est bien une chorale, mais contrairement à ce que son nom indique, elle accueille aussi des filles en son sein. La formation, à géométrie variable, s’est spécialisée dans ce que le anglo-saxons, appellent les Shanties, qui sont un équivalent des chants de marins. Si le chant est l’élément principal, la guitare et le violon accompagnaient les voix dans un répertoire entièrement original issu de la plume du meneur de la troupe, Samuel STEPHENS. En toute logique, le groupe avait également été un des animateurs de la Cotriade au Port de Pêche le premier soir.

On sait que les trois mousquetaires étaient en réalité au nombre de quatre, il en est de même pour les membres des 3 DAFT MONKEYS (guitare-flûte, violon, basse, percussions et chant) qui ne sont du reste pas non plus des « singes stupides ». Tous ceux qui s’intéressaient aux groupes venant de Cornouailles dans les années 90 ont pu reconnaître une manière de jouer, une attitude voire des visages qui ne leur étaient pas inconnus. Trois des membres des 3 DAFT MONKEYS ont en effet appartenu au groupe le plus fou du pays, LORDRYK/MOONDRAGON. Certes, les musiciens se sont quelques peu assagis depuis, mais il subsiste encore par moments des espaces d’extravagance.

Tout comme l’Ile de man, la Cornouailles ne possède pas de bagadou, mais des fanfares dont CAMBORNE TOWN BAND qui a fait le voyage pour Lorient. Les danseurs de KESKOWETHYANS dont le nom signifie « partenariat », sont issus des différents cercles et se sont associes spécialement pour faire découvrir leurs danses au public lorientais.

Tous les protagonistes se sont enfin retrouvés pour terminer une soirée qui restera pour eux une première et surtout une fierté d’avoir pu faire découvrir la tradition de leur pays, qu’elle soit conventionnelle ou plus évolutive. D’un point de vue émotionnel et esthétique, le choix de l’Ile de man de faire se croiser les artistes a sans doute été un plus.

Ile de Man :

MER LIR –  CD : Not an EP – site : http://www.meclir.com/

BARRULE – CD : Manannan’s Cloak – Site : http://www.barruletrio.com/

RUTH KEGGIN –  CD : Sheear – Site : www.ruthkeggin.com

CAARJYN COOIDJAGH – CD : Skellyn – Site : https://www.facebook.com/CaarjynCooidjagh

RUSSEL GILMOUR – Site : http://www.russellgilmour.co.uk/

Cornouailles :

DALLA – CD : K5 – Site : http://www.dalla.co.uk/

KEZIA – CD : Kezia – Site : https://soundcloud.com/keziaofficial

AGGIE BOYS CHOIR – Site : https://www.facebook.com/aggieboyschoir

3 DAFT MONKEYS – CD : Live At The Princess Pavilion
Site : http://www.3daftmonkeys.co.uk/

CAMBORNE TOWN BAND – Site : http://www.camborneband.com/

* KILA

Les irlandais de KILA n’était pas venus à Lorient depuis 2005, l’année ou leur pays était mis à l’honneur. Ils étaient par contre absents pour l’année de l’Irlande en 2014. Les revoir enfin constituait donc un immense plaisir et le concert livré par le combo n’a pas fait mentir la longue attente.

KILA est aujourd’hui un collectif de huit musiciens à l’instrumentation riche et variée (guitare, basse, batterie, bouzouki, violon, flûtes, saxo, uillean pipe, ukulélé) menée tambour battant, sans jeu de mot, par Ronan Ó SNODAIGH, le joueur de bodhran. Il est très difficile de classer le groupe dans une catégorie précise et son peu de médiatisation expliquait la moindre affluence. Pourtant KILA fut à la hauteur de sa réputation et a conquis l’Espace Marine grâce à un spectacle survolté.

On reproche régulièrement un manque d’évolution chez les musiciens traditionnels irlandais. Les membres de KILA, bien qu’ils chantent en gaélique et qu’ils maîtrisent parfaitement les codes de la musique irlandaise, n’hésitaient pas à se défaire de ces derniers pour offrir aux spectateurs une musique hors-norme, aux forts accents tribaux et aux influences multiples, tout en conservant malgré tout une part de tradition vernaculaire. Ils n’ont eu pour cela qu’à piocher dans leur copieuse discographie et proposer des titres issus de leurs différents albums. Des moments plus calmes étaient cependant de mise grâce aux titres issus du superbe dessin animé Le chant de la mer de Tomm MOORE (Brendan et le secret de Kells). KILA a participé à l’élaboration de cette bande originale signée par Bruno COULAIS et des passages du film étaient diffusés sur les écrans retransmettant le concert, renforçant ainsi le caractère envoûtant de la musique.

En fin de spectacle, pour prouver l’attachement du groupe à la Bretagne et au FIL, le flûtiste et saxophoniste Colm Ó SNODAIGH s’est présenté sur scène avec le Gwenn ha du, le drapeau breton.

CD : Suas Síos
Site : http://kila.ie/

* CALAN

A l’approche de leur dixième anniversaire, les gallois de CALAN célébrait cette année leur déjà cinquième participation au FIL. Cette invitation leur permettait également de lancer officiellement leur troisième CD.

Si on excepte un changement de guitariste, l’ossature du groupe est restée stable. Le quintet (guitare, violon, violon-cornemuse, harpe, accordéon) a su conserver l’esprit qui est le sien depuis le départ en proposant un répertoire acoustique de mélodies traditionnelles galloises alternant avec des compositions s’inspirant de la tradition. CALAN est régulièrement dépeint comme un groupe produisant un son frais et dynamique. Cette énergie se vérifiait dans les instrumentaux (reels et jigs). Les chansons, en anglais ou en gallois, prenaient des allures plus nostalgiques, mais comme le groupe l’a précisé, les chansons d’amour sont souvent tristes au pays de Galles. Pour un titre, un interprète est même venu traduire la chanson en langue des signes. Le morceau phare du dernier album Tale of the two dragons-Chwedl y ddwy Ddraig, était par contre plus rythmée, même sans la présence d’une batterie comme sur le CD.

La harpe était légèrement en retrait. Par contre, l’apparition de la cornemuse, chose rare chez les musiciens gallois, apportait des couleurs différentes. Le groupe se présentait aussi à géométrie variable sur scène, parfois simplement en trio (deux violons et une guitare) tandis que l’accordéoniste, Bethan WILLIAMS-JONES, exécutait quelques pas de danses à claquettes.

CALAN n’a rien à envier aux meilleurs groupes irlandais ou écossais. Lorsqu’ils se sont produits sous le chapiteau du Pays de Galles, l’ambiance qui y régnait était aussi intense que celle du Pavillon acadien.

CD : Dinas
Site : http://www.calan-band.com/

* BANDA DE GAITAS EL TRASNO

La Banda de gaitas EL TRASNO est né en 1999 au sein de l’École de Musique Traditionnelle de la commune de Coaña dans les Asturies, avec la contribution et le soutien de deux professeurs, José Manuel et Javier TEJEDOR, les deux membres du groupe éponyme. La Banda de gaitas s’est produite à l’occasion des Nuits Interceltiques dans le Stade du Moustoir, mais il a également été possible d’apprécier l’ensemble sur une plus longue durée et une plus grande proximité lors d’un concert donné un après-midi à l’Espace Marine.

La formation a joué de nombreuses pièces instrumentales issues de la musique traditionnelle asturienne. Elle a néanmoins réservé quelques chansons en conviant la chanteuse du groupe TEJEDOR, Silvia QUESADA, dont la superbe voix et la présence ont apporté une grâce supplémentaire au concert. On réentendra sûrement parler d’elle dans les prochaines années.

En fin de spectacle, la banda a interprété le titre Lunasa qui est une combinaison d’un morceau du célèbre groupe irlandais du même nom, Absent friends, et d’un plinn appris auprès du bagad de Lorient.

Le vif succès remporté par EL TRASNO s’est confirmé à l’issue du spectacle. De nombreux spectateurs se sont alors rués vers le stand ou le CD était vendu.

CD : Axeitin
Site : https://www.facebook.com/pages/Banda-Gaitas-El-Trasno/619834611425733

* DANU

DANU est un des groupes de musique traditionnelle les plus en vue en Irlande. Il célébrait cette année à Lorient ses vingt ans d’existence. Cet anniversaire était particulier puisque c’est justement après la prestation du groupe au Festival Interceltique en 1995 que les membres d’alors ont décidé de s’y consacrer concrètement.

La physionomie de DANU a régulièrement changé depuis les débuts si bien que seuls deux membres d’origine sont encore présents aujourd’hui. La formation est désormais composée de six musiciens émérites dont la flûtiste et chanteuse Muireann NIC AMHLOIBH, à la voix envoûtante, est en quelque sorte la meneuse et l’atout charme.

DANU a proposé un répertoire de chansons anciennes en anglais et en gaélique alternant avec les immuables reels et jigs. La musique était entièrement acoustique, présentant quasiment tous les instruments du folk irlandais (guitare, bouzouki, violon, flûte, accordéon, bodhran). Même si l’ensemble demeurait classique, les musiciens de DANU réussissaient par leur virtuosité à captiver les spectateurs et à les faire entrer dans leur univers.

CD : Buan
Site : http://www.danu.net/

* SHOOGLENIFTY

Les écossais de SHOOGLENIFTY n’étaient pas venus à Lorient depuis 2003 et leur retour coïncidait avec un anniversaire, celui des vingt-cinq ans d’existence du groupe. SHOOGLENIFTY est une formation atypique dans le paysage musical écossais. On ne croise pas de cornemuse ou d’accordéon. Ici, c’est le violon, tenu par Angus R. GRANT qui mène les débats tandis qu’à ces côtés, guitares (acoustique et électrique), basse, batterie, mandoline et banjo apportent des sonorités entre folk et rock.

Le début du concert présentait une formule classique, avec en invitée, la chanteuse folk Kaela ROWAN, qui excellait dans l’art du « puirt a beul », ce chant typique de la tradition écossaise.

Puis, les musiciens ont ensuite été rejoints par les quatre batteurs du DHOL DRUMMERS OF RAJASTHAN pour une fusion entre Écosse et Inde. Cette rencontre a déjà eu lieu en janvier 2015 lors du Festival Celtic Connection à Glasgow devant un public enthousiaste. Les batteurs étaient divisés en deux binômes, l’un des musiciens portait le tambour tout en jouant et son vis-à-vis tapait sur l’instrument. La musique prenait alors des allures hypnotiques et tribales. Elle se faisait envoûtante. SHOOGLENIFTY en a profité pour revisiter Venus in Tweed, le titre phare du premier album.

On ressentait bien une réelle communion entre les musiciens. Tout était donc organisé pour que la scène finisse par bouillir. Pourtant, une certaine froideur régnait dans la salle. Les musiciens ne communiquaient que trop peu avec le public et ils n’ont pas réussi à transmettre leur élan. Il a juste manqué l’étincelle qui fait que certains concerts finissent par exploser.

CD : The untied knot
Site : http://www.shooglenifty.com/

* CEREZAL et ALIENDA

On a pu le constater depuis leur arrivée dans la grande famille interceltique il y a trente ans, les artistes asturiens ont toujours cherché à proposer une musique évolutive creusant dans les racines celtiques de leur pays tout en n’hésitant pas à les confronter à des rythmes plus modernes (rock, électro) à l’instar de ce qui se fait en Bretagne ou en Écosse. Comme pour ces deux derniers pays, on voit aussi venir en Asturies une nouvelle génération de musiciens qui puise dans leur héritage pour l’ancrer dans le présent.

CEREZAL, dont le nom signifie « cerisier », (une toile représentant l’arbre se dressait d’ailleurs derrière les musiciens), est une formation fondée en 2013. Le groupe est composé de cinq musiciens (guitare-bouzouki, violon, gaïta-flûte, batterie et chant) bénéficiant pour l’occasion du renfort d’un bassiste. Certains membres ont déjà eu l’occasion de se produire à Lorient au sein d’autres groupes (PATRIBAND FOLK ORCHESTRA, LOS GATOS DEL FORNU ou des Bandas de Gaitas) d’où une maturité assurée en matière de musique folk. Si quelques pièces étaient traditionnelles, la plupart des titres proposés étaient des compositions, principalement l’œuvre du violoniste Gonzalo PUMARES. La chanteuse Andrea ÁLVAREZ avait une vraie présence sur scène. Le batteur ne forçait pas sur son instrument et savait varier les rythmes en passant parfois à de simples percussions.

Le concert s’est terminé par une reprise en anglais de la célèbre chanson Thriller de Mickael JACKSON, arrangée à la manière d’un traditionnel asturien, qui a fait son effet sur l’auditoire. Leur album Camin a obtenu le prix du meilleur CD cette année au AMAS, qui est une célébration des victoires de la musique en Asturies.

ALIENDA s’est constitué en Janvier 2013. Formé par des étudiants, il a remporté en 2014 le concours de musique traditionnelle de l’Université d’Oviedo et le prix de la meilleure chanson pour leur titre Rucaures au AMAS 2015. Le nom du groupe peut se traduire par « respirer ». Pour découvrir ALIENDA, il fallait se rendre sur le Pavillon des Asturies ou encore sur le Pavillon de la Bretagne à l’occasion du Trophée Loïc RAISON. La musique proposée par le groupe restait profondément ancrée dans la tradition asturienne mais en proposant un aspect folk-rock (guitare, chant et violon, bouzouki, batterie, basse et gaïta). Le jeune âge des musiciens n’entamaient en rien la qualité de la prestation. Une batterie alerte et une basse bien présente démontraient une volonté de sonner plus rock. Là encore, la chanteuse et violoniste Barbara GONZALEZ-QUEVEDO PEDRAYEZ assurait une brillante présence vocale.

CEREZAL
CD : Camin
Site : https://www.facebook.com/cerezalfolk

ALIENDA
CD : Alendando
Site : https://www.facebook.com/Alienda-512118235518821/timeline/

* THE FRIEL SISTERS

Comme son nom l’indique, THE FRIEL SISTERS est un groupe composé de sœurs, Clare (violon, flûtes, chant) et les jumelles Anna (flûtes, chant) et Sheila (cornemuse irlandaise, flûtes, chant). Bien qu’elles soient écossaises, leurs attaches familiales se trouvent dans le Donegal en Irlande et c’est bien comme représentantes de la verte Erin qu’elles ont été programmées au FIL.

Accompagnées par leur guitariste Hajime TAKAHASHI, les trois sœurs proposaient certes une musique de facture classique, mais leur charme et leur maîtrise emportaient amplement l’adhésion du public. Qu’elles interprètent des instrumentaux ou un chant à trois voix, soutenu simplement par la guitare, leur naturel et leur aisance faisaient mouche. Sur un morceau, Sheila s’est même servi d’un bol tibétain comme d’un instrument de musique pour en retirer un son singulier.

Les musiciennes savaient également jouer sur l’image. A un moment, les deux jumelles soufflaient dans leur flûte mais leurs doigts jouaient les notes sur la flûte de l’autre. Le jeu de l’éclairage a, durant quelques instants, projeté un halo vert sur la scène, recouvrant les trois sœurs et rappelant ainsi leur pays d’origine.

Le public en redemandait, même après que le groupe eut quitté la scène.

Entretien avec THE FRIEL SISTERS

Vous êtes irlandaises ou écossaises ?

Sheila : Nous sommes nées à Glasgow en Écosse et notre famille est originaire d’Irlande. Quand nous étions petites, nous avons fait des allers-retours entre les deux pays. Nous sommes un mix. Nous avons le passeport irlandais, mais nous vivons en Écosse.

La musique est-elle un héritage familial ?

Sheila : Il y a des grandes tantes qui jouent du violon et beaucoup de chanteurs dans la famille. Des grands oncles jouent des flûtes. Mais il n’y a aucun joueur de cornemuse, je suis la première.

Vous composez ou vous faites du collectage ?

Sheila : Nous collectons beaucoup. Nous essayons de trouver des morceaux anciens et nous essayons de les rejouer tel qu’ils étaient à l’origine. Mais depuis quelques temps, Claire et moi essayons d’écrire de nouveaux morceaux ensemble. C’est un nouvel exercice pour nous et c’est également intéressant.

Anna : Nous essayons de collecter le maximum de chansons anciennes, avant qu’elles ne disparaissent, afin de les retranscrire et de les chanter. C’est important. Notre famille en a aussi interprétées énormément, donc nous les chantons aussi. Ce serait dommage de les laisser mourir.

Il est facile de trouver des chants qui n’ont pas encore été interprétés ?

Sheila : Il est assez difficile de trouver des chansons anciennes. C’est pourquoi nous nous efforçons d’en trouver qui n’ont pas été très souvent entendues ou enregistrées. Le Donegal en possède beaucoup.

Vous chantez en anglais ou en gaélique ?

Sheila : Les deux ! Principalement en anglais parce que c’est notre première langue. Nous essayons de plus en plus de reprendre des chansons irlandaises du Donegal en langue irlandaise. Nous l’étudions aussi puisque nous sommes nées et avons grandi en Écosse, donc nous n’avons pas pu l’apprendre comme si nous étions en Irlande. Mais nous espérons connaître de mieux en mieux la langue afin de mieux comprendre les chansons.

La plupart des chansons du Donegal sont en irlandais donc nous avons beaucoup de travail à faire pour apprendre la langue et pour les chanter.

Qu’est-ce qui influence votre musique, L’Irlande ou l’Écosse ?

Sheila : Nous devrions dire les deux ! Nous jouons principalement de la musique irlandaise. Nos chansons viennent particulièrement du Donegal. Mais il y a une connexion particulière entre cette région et l’Écosse puisque beaucoup de population du Donegal a migré vers l’Écosse. Nous faisons un peu de musique écossaise mais elle est influencée par le Donegal. Il y a des échanges.

Vous utilisez un instrument étrange. Pouvez-vous nous en parlez ?

Sheila : L’étrange instrument que nous utilisons est peut-être le uillean pipe, la cornemuse irlandaise ? Mais notre nouvel instrument est plutôt le bol tibétain. A l’origine, il n’est pas destiné à faire de la musique, mais est utilisé pour la méditation. Quand Anna et moi avons eu notre diplôme de dentiste, nous avons eu ce bol comme cadeau. Nous l’avons pris sur la route et depuis nous l’apprécions.

Vous êtes musiciennes professionnelles ?

Sheila : Je suis professionnelle depuis peu. J’ai arrêté mon travail juste avant de venir au Festival. Je suis dentiste et j’arrête pour quelques temps afin de me consacrer complètement à la musique. Anna est aussi dentiste mais après le Festival, elle va démarrer un nouveau travail comme chirurgien facial. Clare, qui est plus jeune, est toujours étudiante en pharmacie et biochimie. Quand elle aura terminé ses études, nous espérons pouvoir nous consacrer plus à la musique.

Finalement, c’est le bien-être grâce à la musique

Sheila : Ou le contraire ! La musique peut fatiguer (rires).

Le fait de travailler en famille n’est pas un problème ?

Clare : Non, pas du tout. On n’y voit que des avantages. Dès qu’il y a un petit problème, il est tout de suite compris et résolu. C’est toujours un plaisir de se retrouver. Comme nous sommes sœurs, nous pouvons échanger nos vêtements. Un coup d’œil et tout se sent.

C’est votre première participation au Festival. Étiez-vous déjà venu en tant que spectatrices ?

Clare : Nous n’étions jamais venues au Festival. C’est absolument fantastique ! C’est aussi notre première visite en Bretagne. Nous rêvions depuis très longtemps de venir jouer à Lorient et nous sommes très heureuses d’avoir été invités par la délégation. Nous espérons revenir dans les prochaines années.

Avez-vous pu découvrir la musique bretonne ?

Anna : On a adoré découvrir les danses bretonnes, la musique et les costumes. Nous avons entendu de fantastiques joueurs de flûtes bretons

Sheila, tu as participé au concert de Carlos NUÑEZ durant le Festival. Comment l’as-tu rencontré ?

Sheila : Nous avons rencontré Carlos NUNEZ il y a quelques années durant le Festival Celtic Connections à Glasgow. Il jouait avec THE CHIEFTAINS. Il y a quelques semaines, j’ai reçu un e-mail de Carlos me demandant de venir jouer de l’uillean pipe sur scène avec lui. J’ai été très heureuse d’avoir été invité à venir jouer à l’Espace Marine et j’espère encore pouvoir jouer avec lui à l’avenir.

Pour-vous nous dire quelques mots sur votre guitariste ?

Sheila : Notre guitariste est Hajime TAKAHASHI. Il est japonais. Il habite en Irlande depuis cinq ans. Il a été quatre ans à Limerick pour étudier la musique traditionnelle à l’université. Il vit à Dublin depuis l’année dernière. Notre rencontre est une histoire assez drôle. Nous l’avons rencontré l’année dernière alors que nous avions un concert en Belgique. Un de nos amis devait venir jouer avec nous mais à la dernière minute, il n’avait pas pu venir. Nous avions deux jours pour trouver un guitariste en Belgique. Nous ne trouvions personne. Aussi, notre ami a réussi à faire venir Hajime. C’était une chance pour nous dans ces circonstances. Donc, la première fois que nous avons joué ensemble fut sur scène. Cela a fonctionné et nous l’avons gardé avec nous.

CD : The Friel Sisters

Site : http://frielmusic.com/

* CARLOS NUÑEZ

La précédente apparition de Carlos NUÑEZ au FIL se situe en 2011 alors qu’il était invité au spectacle donné par les CHIEFTAINS, mais sa dernière venue en tant que tête d’affiche remontait à l’édition 2009. Ce soir-là, le concert s’était déroulé sous un chapiteau plein et entièrement acquis à la cause du célèbre joueur de gaïta. Il semblerait que l’histoire aime à se répéter car six ans plus tard, le contexte était exactement le même. La soirée était annoncée complète depuis un mois. Il faut aussi reconnaître que l’affiche se révélait attrayante. Carlos et ses musiciens, parmi lesquels on a pu reconnaître son frère Xurxo à la batterie et aux percussions ainsi que Pancho ALVAREZ au bouzouki, partageaient en effet la scène avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne. La soirée se voulait une célébration entre musiques classique et celtique. Cette formule a déjà été jouée entre autre à Vienne, au célèbre Musikverein, là où se déroule chaque année le concert du nouvel an, ou encore fin 2014 à Rennes, cette fois-là aussi avec l’orchestre breton.

L’osmose entre les musiciens s’est faite immédiatement et la musique a d’emblée profondément touché les spectateurs (Concerto de Aranjuez).

Moins exubérant que d’ordinaire, mais pas impavide pour autant et parlant naturellement avec le public, Carlos s’est fait le chantre de l’Interceltisme, notion à laquelle il croit à fortement. A ce titre, le galicien a convié de nombreux invités à s’associer à cette soirée, le violoniste canadien Jon PILATZKE qui a joué avec les CHIEFTAINS, l’irlando-écossaise Sheila FRIEL (uillean pipe) ou encore l’asturienne Andréa JOGLAR (gaïta). Le Bagad de Lorient était également présent à plusieurs reprises sur Marcha do entrelaçado de Alhariz, Mar ardentro, Aires de Pontevedra et l’incontournable Andro St Patrick qui a achevé de mettre le feu sur l’Espace Marine.

Pour parfaire la soirée, il fallait noter que le son était parfaitement maîtrisé et tous les instruments étaient audibles.

Après deux heures de spectacle, le public avait bien du mal à laisser s’en aller les musiciens et il aurait souhaité que se prolonge encore ce qui restera comme un des grands moments du FIL 2015. Espérons désormais que cette série de concerts orchestraux soit gravée sur CD ou DVD.

CD : Inter-celtic
Site : http://www.carlos-nunez.com

* Célébrons l’Acadie

La fête nationale de l’Acadie est célébrée le quinze août. Le FIL démarrant plus tard en 2015, il n’était pas encore terminé à cette date et il s’est donc associé à l’Acadie pour honorer dignement cette région du Canada qui est devenue, en plus de dix ans de participations à part entière, la neuvième nation celte.

Le Samedi 15 août, sur le port de plaisance, la délégation acadienne a convié les festivaliers à participer à un grand tintamarre, à 17h55 précises (en référence à 1755, l’année de départ du grand dérangement, la déportation des acadiens).

En prélude à cette journée s’est déroulé, la veille, un grand concert réunissant deux facettes de la musique acadienne.

La première partie de la soirée a permis de retrouver le groupe VISHTEN que l’on n’avait pas eu l’occasion de voir à Lorient depuis longtemps. On avait découvert VISHTEN en 2002 alors que la formation venait d’adopter ce nom (elle se nommait auparavant CELTITUDE) et c’est en 2004, lors de la première Année de l’Acadie, qu’elle s’est véritablement fait connaître. La physionomie du groupe s’est stabilisé sous la forme d’un trio, les jumelles Pastelle (Accordéon piano, piano) et Emmanuelle (Whistles, piano, bodhran, mandoline) LEBLANC ainsi que Pascal MIOUSSE (violon, guitare).

VISHTEN profitait de sa présence au FIL pour présenter en avant-première son nouvel album. Le groupe a livré un spectacle absolument impeccable. Ils n’étaient que trois sur la scène, mais cela ne les empêchait pas d’occuper l’espace Les deux sœurs se relayaient au piano, assuraient les percussions par podorythmie ou encore esquissaient quelques pas de danses à claquettes sur des reels débridés. Il reste à souhaiter que VISHTEN soit maintenant reprogrammé sans trop attendre.

Puis ce fut au tour de Zachary RICHARD d’entrée en scène, accompagné par quatre musiciens (guitare électrique, contrebasse, batterie, claviers-accordéon). Curieusement et malgré deux années de l’Acadie, c’était la première fois que l’artiste se produisait au FIL.

Zacharie RICHARD est un acadien de Louisiane et il mène depuis plus de quarante ans une carrière en français et en anglais. Il demeure cependant un ardent défenseur de la francophonie.

Durant la conférence de presse, il a fort justement déclaré que l’histoire avait été écrite par les conquérants et non par les conquis, mais que les choses étaient en train de changer. Il a également affirmé apprécier la musique bretonne, citant volontiers Alan STIVELL parmi ses influences, tout en évoquant le cousinage entre Bretagne et Acadie. Zacharie a expliqué faire de la musique pour la personne entière, pour la tête, pour le cœur et pour les pieds pour faire danser. Et ses propos ont donc été mis en pratique le soir.

Les arrangements tendaient davantage vers le rock avec une guitare électrique et une batterie très présentes. Zacharie s’accompagnait parfois d’une guitare acoustique ou d’un harmonica. Sans être strictement un chanteur engagé, il n’en demeurait pas moins un citoyen conscient et certaines chansons l’attestaient comme Le fou (de bassan), évoquant la marée noire de 2010, ou encore Laisse le vent souffler sur l’ouragan Katrina qui a touché la Louisiane en 2005. Une des chansons les plus connues et les plus percutantes, Réveille, qui aborde le thème du Grand Dérangement, n’a par contre pas été jouée. Enfin, l’humour n’était pas absent avec Écrevisses.

En toute fin de concert, c’est seul que Zacharie RICAHRD est venu interpréter le célèbre Travailler, c’est trop dur, qu’il est le premier à avoir popularisé (avant Julien CLERC) et que le public a volontiers repris en chœur.

VISHTEN
CD : Terre rouge
Site : http://www.vishten.net/

Zacharie RICHARD
CD : Le fou
Site : http://www.zacharyrichard.com/

* CELTIC SOCIAL CLUB

On avait eu droit en 2011 au BREIZH HA VISTA SOCIAL CLUB qui était un groupe composé d’anciens membres de CARRE MANCHOT. Il semblerait que les vétérans de la scène cubaine continuent d’inspirer leurs homologues bretons dans le choix de leur patronyme car il faut désormais compter avec le CELTIC SOCIAL CLUB (CSC). Ce collectif de sept musiciens est formé des RED CARDELL, Jean-Pierre RIOU (chant, banjo, mandoline, bombarde), Manu MASKO (batterie, claviers) et Mathieu PEQUERIAU (planche à laver, harmonica,), de l’ex-SILENCERS Jimme O’NEILL (chant, guitares), de Ronan LE BARS (cornemuse irlandaise, flûtes) ainsi que de Pierre STEPHAN (violon) et Richard PUAUD (basse).

Après avoir enflammé la scène des Vieilles Charrues en 2014, ils s’attaquaient cette année au FIL. La tache pouvait s’avérer délicate car le CSC jouait en première partie de SIMPLE MINDS et le public s’était surtout déplacé pour voir le célèbre groupe écossais. Le collectif a néanmoins relevé le défi.

Chacune des chansons du CELTIC SOCIAL CLUB est une adaptation d’un air traditionnel celtique, revisité et adapté à un autre style musical (rock, reggae, folk) par les sept musiciens et leurs invités, le chanteur jamaïcain d’origine écossaise Winston MCANUFF et FIXI (accordéoniste du groupe de rap-musette JAVA). Les titres rythmés comme Celtic Social Club, Loudéac, Goadec in da club (avec la participation à la bombarde de Steven BODENEZ, le meneur du BAGAD KEMPER) ont emporté l’adhésion du public. Cependant, des titres plus calmes, comme le magnifique et judicieux Princess of Lorient, trouvaient toutefois leur place dans le répertoire.

Évidemment, les voix de Jean-Pierre RIOU et de Jimme O’NEILL rappelaient leur groupe respectif, mais tous deux réussissaient à s’en détacher. Il y avait une véritable cohésion chez le CELTIC SOCIAL CLUB qui sonnait comme un vrai groupe et non comme un simple rassemblement de (bons) musiciens.

CD : The Celtic Social Club
Site : http://www.celticsocialclub.com/

* SIMPLE MINDS

Pour son quarante-cinquième anniversaire, le Festival Interceltique désirait frapper un grand coup. Il a donc convié, comme ce fut d’ailleurs le cas en 1995 pour les vingt-cinq ans de la manifestation, le groupe de rock écossais SIMPLE MINDS. Certes la formation a quelque peu perdu de sa superbe et n’a plus l’éclat qui était le sien il y a trente ans. Le dernier album notable reste à ce jour Street fighting Years paru en 1989 et aujourd’hui seuls trois membres d’origine sont toujours présents, l’emblématique Jim KERR (chant), Charlie BURCHILL (guitares, violon) ainsi que le batteur Mel GAYNOR. Cela dit, SIMPLE MINDS n’en demeurait pas moins une tête d’affiche capable de remplir une salle sur son seul nom.

Les musiciens sont entrés en scène sur une bande son de cornemuses diffusant la mélodie She move through the Fair, qu’ils avaient avait repris sous le titre Belfast Child. SIMPLE MIND a accordé une large part aux titres du dernier album Big City, qui est revenu vers un son proche de celui de la période héroïque. Mais ce que le public attendait, ce sont les tubes qui ont fait partie de la bande son des années 80. A ce titre, Don’t you a fait exploser l’assistance mais est arrivé beaucoup trop tôt. Ensuite, les succès n’avaient plus qu’à être déroulés, Alive and kicking, Sanctify yourself, Someone Somewhere (In Summertime).

Le son était puissant mais néanmoins maîtrisé. Une version acoustique de Mandela Day a permis quelques minutes de répit. Il était par contre dommage que le groupe ait fait l’impasse sur la version chantée de Belfast Child. Le fait de jouer au FIL s’y prêtait pourtant. Enfin, c’est sur une reprise des DOORS, Riders on the Storm, que le concert a pris fin.

On pouvait craindre, comme c’est souvent le cas avec les grosses têtes d’affiches, que SIMPLE MINDS ne se contentent de produire un concert sans âme, ni émotion. S’il y a vingt ans, la prestation avait laissé sur leur faim les spectateurs, il n’en fut pas de même cette fois-ci. Le groupe savait où il jouait et pourquoi il était présent. SIMPLE MINDS a livré une prestation impeccable qui restera dans les annales du FIL.

CD : Big music Live 2015
Site : http://www.simpleminds.com

LE OFF

L’an dernier, nous avions pu deviner les frémissements d’un renouveau du OFF. Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir avant de retrouver l’effervescence qu’a pu proposer ce festival parallèle durant les années 90 et 2000.

Le principal souci est son mode de gestion qui reste encore anarchique. Chaque établissement programme qui il veut et surtout ce qu’il veut, aussi la musique celtique, qui est pourtant l’essence de la vie lorientaise durant dix jours, est encore régulièrement absente. Les festivaliers se sont pourtant déplacés dans la ville morbihannaise pour écouter ce style de musique.

Il est cependant toujours agréable de retrouver des habitués, devenus pour beaucoup des piliers, comme MASK HA GAZH, FFR, THE TERRE-NEUVE ou KERVEGAN’S. Cette année, il a fallu toutefois noter l’absence, que l’on espère seulement passagère, des toulousains de DOOLIN.

Nous avons également pu découvrir de nouveaux groupes qui deviendront à coup sûr à leur tour des habitués.

* DUR DABLA

DUR DABLA est un groupe de la région brestoise qui existe depuis huit ans. Les sept musiciens qui le composent (deux guitares, accordéon, basse, chant, flûtes, batterie) officient dans ce qu’on appelle le métal celtique, un genre qui peine encore à se développer en Bretagne. Pour découvrir et écouter DUR DABLA, il fallait se décider vite car le groupe s’est produit uniquement le premier soir du FIL.

Le répertoire s’inspirait de la musique traditionnelle, qu’elle soit bretonne et irlandaise. Les musiciens cherchaient à faire danser même si l’ensemble demeurait quand même difficilement … dansable. La musique respectait les canons du métal en proposant du chant clair ainsi que du growl. Des parties acoustiques s’intercalaient entre des moments plus saturés. La flûte et l’accordéon arrivaient à exister au milieu de cet univers très rock.

Il faut reconnaître à DUR DABLA une originalité qu’il serait intéressant de développer en conviant à nouveau les musiciens en 2016, mais sur une plus longue durée.

CD : Spered ar broioù kozh
Site : https://www.facebook.com/DurDabla/timeline/

* OUBERET

Le groupe OUBERET nous vient de Clermont-Ferrand et existe depuis la fin des années 2000. Il possède déjà à son actif six CD (quatre albums et deux mini-CD). Il s’agissait pourtant de la première participation des musiciens au OFF Ces derniers qui répondent aux doux pseudos de Jocelyn 1er, Sylvain le Gaulois, Thomas le Pêcheur, Maya le Lutin et Niko le Pirate proposaient une musique festive et rythmée navigant entre des traditionnelles revisités (adaptation en français de The wild Rover sous le titre The wild Ouberet, par exemple) et des compositions. On pouvait reconnaître une influence des TRI YANN, avec lesquels ils ont par ailleurs déjà partagé l’affiche. Le fait que les membres d’OUBERET soient costumés sur scène renforçait cette parenté.

Entretien avec OUBERET

Vous êtes originaires d’Auvergne, une région celtique à la base, mais aujourd’hui moins imprégnée par cette culture que la Bretagne. Pouvez-vous nous dire comment le groupe s’est formé et en est arrivé à jouer de la musique celtique ?

Josselin : Le groupe a été créé à la base en Bourgogne. C’était une envie de plusieurs musiciens amis de faire danser les gens. A force de danser sur d’autres formations, on avait envie de faire notre propre groupe pour faire danser à notre tour les gens. Petit à petit, les rencontres de la vie, les rencontres musicales ont fait que le groupe s’est expatrié en Auvergne. Maintenant, il y est bien ancré puisqu’il n’y a plus de bourguignons, on est tous auvergnats de cœur et de naissance pour certains. Le groupe s’est professionnalisé il y a maintenant sept ans avec toujours le même but, faire danser les gens absolument, sur de la musique celtique. Alors, comment on est tombé dedans ? C’était par amour de cette culture, que ce soit la culture irlandaise, bretonne ou écossaise, à travers les cornemuses pour Nicolas, qui est luthier également, ou à travers les danses pour d‘autres.

Que signifie ce nom énigmatique ?

Josselin : OUBERET, c’est avant tout une légende celte qui parle de l’unification des peuples pour résister à l’invasion des peuples germaniques et romains ! Ce qu’on a voulu représenter à travers cela, c’est l’unification et le brassage culturel, ethnique et musical, c’est à dire plusieurs peuples qui se retrouvent pour échanger, rencontrer des gens, s’ouvrir à d’autres cultures. OUBERET, c’est avant tout ça ! On s’appuie sur cette légende pour faire notre musique. Ce qu’il faut retenir, c’est le mélange pour que cela donne du partage.

Vous composez vos morceaux ?

Nicolas : Oui, complètement. Maintenant, le cahier des charges de chaque album est d’être cent pour cent compos. Plus aucune reprise, plus du tout de grands trads mais essentiellement et uniquement des compositions totalement originales, dont les dernières vont figurer dans le nouvel album, le cinquième.

Ce qui frappe quand on vous voit, ce sont vos costumes. Vous êtes toujours costumés ? TRI YANN vous influence-t-il ?

Josselin : C’est un compliment de nous comparer à TRI YANN. On n’a pas voulu les copier. On avait une volonté d’apporter autre chose que de la musique parce qu’il y a des gens qui n’apprécient pas forcément. Quand on va voir TRI YANN, certains n’y vont que pour la musique, d’autre que pour les grands tubes et certains y vont pour tout leur univers. On a voulu s’orienter dans quelque chose de ce genre, c’est-à-dire proposer aux gens d’avoir des accroches. Nos costumes ont été réfléchis et représentent les stéréotypes de la culture celtique, donc chacun va se faire son image et va pouvoir se transporter avec ses références et cela permet de porter beaucoup plus la musique. On n’a rien du tout contre les gens qui jouent en jean, ça a un côté très naturel qu’on aime et on l’a fait aussi, mais après, quand on donne une prestation au public, autant qu’elle soit la plus complète possible. Que ce soit du théâtre, de la musique, des costumes, des décors, de la lumière, c’est un concert complet de bout en bout. Mais parfois, après, on les regrette un peu nos costumes, surtout quand il fait quarante degrés, ça commence à être plus délicat. Quand on enchaîne les dates aussi, les costumes n’ont plus le temps de sécher, mais il vaut mieux ça que de les voir rester coincés dans une armoire.

Il y a des sujets qui vous inspirent ? L’actualité, les légendes celtiques ou pourquoi pas une part de culture auvergnate ?

Thomas : On prend à peu près tout ! Tout dépend de ce qui se passe en nous. Mon arbre, c’est clairement d’actualité, puisque c’est suite à ce qui s’était passé vers Lyon pour Philippe LAYAT qui s’est fait exproprié pour un stade de foot. Cela nous parlait. Ensuite, il y a des histoires qui viennent comme ça.

Y-a-t’ il des groupes qui vous ont influencés et en avez-vous rencontrés ?

Josselin : On a rencontré énormément de musiciens au cours de ces sept années de préprofessionnalisation, de très bons, de plus modestes. On a échangé avec tous avec autant de passion et autant de modestie. On a partagé la scène avec MANAU, DOOLIN, TRI YANN, SOLDAT LOUIS, CAPERCAILLIE. Sincèrement, étant dans la composition, ce n’est pas qu’on n’écoute pas les autres, mais on essaye quand même de se recentrer sur notre travail pour éviter de faire comme tout le monde. Après, ça reste de la musique celtique donc on a une base commune de violon, d’accordéon, de flûte, alors forcément il y a des inspirations qui se font naturellement. On a tous eu des modèles qui nous sont propres. En celtique, on a parlé de TRI YANN, des DUBLINERS, les CORRS pour certains. Thomas c’était plus METALLICA, dans le celtique évidemment (rires) ! On a tous des références. On ne s’en inspire pas, mais on s’en rapproche forcément par notre formation. Voilà, on a fait de très belles rencontres et c’est un échange formidable avec tous ces gens-là.

Vous vous produisez ou ?

Josselin : Dans toute la France ! La dernière contrée que nous n’avions pas visitée c’était la Bretagne, qui nous résistait depuis très longtemps. Je pense que maintenant, elle ne va plus nous lâcher parce qu’on a eu des demandes qui sont arrivées de partout. On a aussi fait l’Europe avec l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et l’année prochaine la Galice. Partout où on nous veut, on viendra avec énormément de plaisir.

Vous proposez le même genre de concerts que dans le Off de Lorient ou la formule est plus élaborée ?

Thomas : Lorient est assez particulier parce que, si on est un peu honnête, il faut tenir pour que ça vende de la bière et il faut aussi qu’on vende des disques. Quand on part à l’étranger, c’est deux heures de musique, on fait le show habituel, mais la barrière de la langue est présente quand même et une bonne partie du concert est du à ce que Josselin raconte. On arrive quand même à remanier. On est des petits français qui se débattent avec leurs costumes bizarres. On est dans l’esprit où personne ne nous connaît. Tu te le prends dans la tête, tu comprends ou non, mais au moins, tu bouges au rythme de ce qu’on fait.

Quelle est la situation de la musique celtique en Auvergne ?

Nicolas : Elle est représentée, mais pas plus que ça. En termes de chiffre, elle tient sur les doigts d’une grosse main. Josselin en a parlé précédemment, le berceau d’OUBERET se situe en Bourgogne et il y a un gros bastion avec MALTAVERN ou YOGAN qui ont influencé cette scène là-bas. En tant qu’auvergnat, ça m’a vraiment étonné. Chez nous, il y a peu. Maintenant on développe, on est connu en tant que tel. On ne sait pas si on a fait des émules. Il y a des formations qui sont nées, alors peut-être, je ne sais pas. C’est la même chose pour la musique irlandaise d’ailleurs, alors qu’il existe des pubs dans lesquelles se font des cessions.

C’est votre première participation au Festival Interceltique. Quel est votre sentiment ?

Josselin : Très positif ! On est venu rencontrer le public du Festival Interceltique de Lorient et à chaque fois qu’on a joué, le public s’est arrêté, a participé, a été avec nous. C’était aussi une période de test pour nous. Faisant de la musique celtique, on est obligé de passer par la Bretagne. C’est la maison-mère ! Autant le dire. En plus, on va dans leur terrain, c’est-à-dire qu’on va aller bousculer à notre façon leur terrain. On est sûr qu’il y a des bretons pures souches qui ne vont pas aimer du tout ce qu’on fait parce qu’on ne respecte pas leurs valeurs et leurs traditions, ce qu’on peut tout à fait comprendre. On n’est pas là pour jouer du pur traditionnel, on est là pour faire passer un bon moment et le plus familial possible, tout en restant professionnel évidemment. A Concarneau, on a eu un accueil formidable et à Lorient, ça a été exactement la même chose. On espère y revenir. Je pense que ça va être le cas car on a eu vraiment beaucoup de demandes et c’est un plaisir. Lorient est un très bon souvenir pour l‘ensemble du groupe et merci au peuple breton de nous avoir accueilli comme ça !

Avez-vous des projets ?

Le prochain CD est en cours de préparation. On est déjà dessus. D’ailleurs il y a quelques morceaux qu’on rode de temps en temps pour voir l’impact qu’ils ont sur le public, pour avoir un retour avant de les mettre sur CD. On a déjà sept-huit titres qui sont prêts à être enregistrés. On les laisse mûrir un peu et on enregistrera ça calmement. On avait quelques projets télévisuels qui n’ont pas aboutis.

Un live, c’est vrai qu’on y pense depuis longtemps. On est en train de collecter quelques images, avec des gens qu’on rencontre comme ici avec la page Facebook « The Off is on » qui sont venus nous filmer. On a fait un très beau festival, Le Cri du Col, qui nous a donné les rushes bruts. On aimerait faire un package avec la musique et l’image pour que les gens se rendent compte que ce n’est pas que musical mais que c’est costumé, c’est vivant et il y a de l’interaction. Donc, un CD, un DVD certainement ou un projet sur Youtube, et puis après ou le vent nous portera. On est bien actif. Il faut toujours se remettre en question pour avancer et c’est ce qu’on est en train de faire.

CD : L’Appel de la Salamandre
Site : http://www.ouberet.fr/

* JULL DAJEN

Pour réussir à trouver JULL DAJEN, il fallait être très attentif à l’affichage plus ou moins sauvage ou bien alors se laisser porter par le hasard. Le OFF de Lorient manque souvent de lisibilité et le groupe se produisait dans des lieux plus excentrés, un peu comme un OFF du OFF. Mais ceux qui ont croisé le combo ont pu découvrir un groupe fort intéressant

JULL DAJEN est un ensemble originaire de Prague, la capitale de la République Tchèque, preuve s’il en est de la portée de la manifestation lorientaise. Il a été fondé en 2002 par Peter ŠTRAMBERSKY, le guitariste qui est aussi le principal compositeur. Au départ, le groupe officiait sous la forme d’un trio (guitare, flûte, violon) et petit à petit il s’est élargi à d’autres musiciens (basse, batterie accordéon et chant) pour former l’ensemble folk-rock d’aujourd’hui. Le répertoire était en grande partie instrumental tout en réservant malgré tout quelques passages chantés. La musique était fortement influencée par la musique celtique (Bretagne, Irlande), mais on pouvait y déceler des thèmes de Moravie avec par moment des inclinations médiévales. L’un des modèles principaux du groupe est aussi la célèbre formation britannique JETHRO TULL, en moins électrique toutefois, mais avec des parties de flûtes dignes de Ian ANDERSON. Il ne reste qu’à souhaiter que JULL DAJEN se rapproche des lieux plus fréquentés du OFF.

CD : Along the Fields
Site : http://www.julldajen.cz

* IRISH KIND OF

Il n’est souvent pas besoin d’aller chercher au loin de bons musiciens sachant jouer la musique irlandaise. La France en possède de nombreux et le OFF nous le démontre régulièrement. La preuve nous en a été donnée cette année encore avec IRISH KIND OF, une formation qui nous vient de Grenoble. Derrière ce nom, qui peut se traduire par « une sorte d’irlandais » se cache un trio entièrement acoustique, Maïte LOUIS (violon), Jacques HUERT (flûte) et Bruno FOUREL (guitare). Dans un OFF qui fait la part belle au rock, les musiciens de IRISH KIND OFF faisaient quelque peu figure d’irréductibles. Mais loin du déluge de décibels, leur musique était reposante pour les oreilles. Cela ne signifiait nullement qu’elle était ennuyeuse et monotone. Les trois instrumentistes proviennent d’horizons différents (jazz, classique) et chacun apportait son savoir et sa maîtrise pour interpréter des jigs et des reels ou simplement des mélodies. II suffisait alors de fermer les yeux pour se croire en Irlande, dans un pub, ou bien encore pour voir défiler dans son imagination les paysages de la verte Erin.

CD : Sweep the corners
Site : https://www.youtube.com/user/live3z4

* TOXIC FROGS

On a souvent pu reprocher aux différents programmateurs du OFF de ne proposer que des groupes de rock, parfois même très bruyants, dont la musique n’avait absolument rien de celtique. Cette année, nous avons eu l’heureuse surprise de découvrir un groupe de rock aux influences punk mais dont la musique prenait aussi des couleurs celtiques grâce à la présence d’un, voire de deux, violon(s).

TOXIC FROGS est une toute jeune formation, entièrement féminine, qui nous vient de Lyon. Les quatre filles, Ella (chant, violon) Elvina (basse, violon, chant) Lucianne (guitare électrique, chant) et Lydie (batterie, chant) se sont livrées à un véritable marathon en étant présentes durant tout le festival (avec un jour de relâche, quand même !) et en proposant chaque soir des concerts électriques dans tous les sens du terme, interprétant leurs compositions et des reprises déjantées (Dirty old Town). Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé et a réservé aux TOXIC FROGS un véritable triomphe.

STENDHAL a écrit dans L’abbesse de Castro que « les femmes aiment la bravoure et surtout l’audace ». Les filles de TOXIC FROGS l’ont assurément prouvé.

Entretien avec TOXIC FROGS

Comment le groupe s’est-il formé ?

Ella : J’ai eu envie de monter un groupe de nanas dans l’irish punk rock car ça n’existait pas. J’avais surtout envie de ne jouer qu’avec des filles et dans ce style parce que le côté festif me plaisait. J’avais déjà joué avec un groupe qui marchait bien dans ce style et j’avais envie de retrouver le public complètement frais et hystérique, on peut le dire, qui bouge bien. Le délire est venu de là. J’ai fait appel à mon réseau musical sur Lyon, j’ai trouvé les filles très vite et ça a « fait grave » très vite.

Vous vous connaissiez avant de former le groupe ?

Lydie : Je connaissais Elvina, qui a rencontré Ella et qui m’a demandé si ça m’intéressait. J’ai fait « Ouais » !!! (rires)

Pourquoi un groupe de filles simplement ?

Ella : On n’a rien contre les hommes qu’on adore vraiment on n’est pas dans un mouvement féministes comme les Femen. Après, on défend la cause des femmes s’il le faut ! On est moyennement engagées. Par contre, c’était un délire pour arrêter le machisme autour de nous. On ne s’en rend pas compte, mais même dans la musique, il y a du machisme et il y a aussi beaucoup des misogynes. Il y a beaucoup de cas sociaux dans la musique qui ont des problèmes d’égo et de frustration. On avait clairement envie de leur mettre une baffe (rires) ! En fin de compte, on s’entend bien entre nanas et ça se passe super bien.

Vous êtes un groupe professionnel ou amateur ?

Elvina : On est toutes professionnelles et toutes intermittentes du spectacle.

Ella : C’est notre métier depuis longtemps déjà !

Vous arrivez à en vivre ? Vous avez assez de dates pour tourner ?

Ella : On est un tout jeune groupe. On a moins d’un an et notre tout premier concert était fin janvier 2015. On a fait l’Interceltique de Lorient pour se faire connaître, faire nos preuves et voir si les gens aimaient. Cela a très bien marché. C’est un coup de poker parce qu’on ne savait pas trop. On aimerait ne faire que tourner et ne vivre que de ça. On le fait déjà avec d’autres formations et d’autres projets. Mais c’est vrai que si on peut développer davantage les TOXIC FROGS, on fonce !

On peut qualifier votre musique de punk rock ou punk celtique. Pourquoi ce style ?

Lydie : Parce qu’on peut bourriner comme des fous à la batterie (rires) !

Ella : Notamment (rires) ! Alors, pourquoi ce style ? D’abord parce que je suis violoniste, Elvina est violoniste et on a une autre violoniste, Perrine, qui n’est pas là actuellement. On est trois violonistes dans TOXIC FROGS. Marier le rock au punk, ça donne un truc complètement fou. On s’éclate sur scène et les gens s’éclatent aussi. C’est pour ça, en fait !

Avez-vous des artistes quoi vous ont influencées ?

Ella : Les MAHONES, que je connais. On a fait un co-plateau à Washington du temps où j’étais avec un autre groupe, au Shamrockfest, qui est un énorme festival aux USA. Je les adore, notamment Katie « Kaboom » qui est super douée et qui est scénique. Sinon, on aime les DROPKICK MURPHYS, FLOGING MOLLY, THE REAL MCKENZIES.

Pourquoi ce nom TOXIC FROGS et cette thématique de la grenouille ?

Ella : C’est venu d’un délire ! Pour les anglais, les français sont des grenouilles et aussi par rapport aux grenouilles toxiques d’Amazonie. On se considère comme des grenouilles bondissantes qui intoxiquent les gens. L’image de la grenouille s’est imposée dans le logo et tout le reste. On peut la décliner et ça nous faire rire. C’est un bon truc.

Elvina : On voulait aussi une mascotte.

C’est votre premier passage à Lorient. Qu’en retiendrez-vous ?

Lucianne : Le public est super cool !

Elvina : Il est hyper réceptif. Il est là pour s’amuser et n’est pas non plus dans l’excès. Les bretons sont un très bon public.

Vous avez eu des sollicitations suite à votre passage ici ?

Ella : Oui, mais on ne peut pas trop en parler évidemment ! On n’a eu pas mal de programmateurs qui sont intéressés en Bretagne ou ailleurs. Ce qu’on veut, c’est jouer le plus possible. On prend tout !

Avez-vous eu l’occasion de rencontrer d’autres musiciens ?

Ella : on a adoré KERVEGAN’S. Ils sont sur le OFF depuis douze ans. On a aussi aimé FFR. Marine est une super violoniste. Ils ont fêté leurs quinze ans.

La pochette de votre CD est originale (une grenouille en kilt tuant le diable). Qui l’a créée ?

Ella : Chester BLOOD, un super dessinateur, dans la mouvance punk ! Il nous a contactées un jour sur Facebook. Il nous a dit qu’il avait aimé notre projet et que si on avait besoin, il nous faisait un visuel ou nous dessinait ce qu’on voulait. A la sortie de notre premier CD, on n’avait pas encore décidé du visuel. On lui a donné le titre, Kill the Devil, (tuer le diable) en lui disant que si ça l’inspirait, il pouvait nous envoyer des trucs. Il nous a fait plusieurs propositions et on s’est décidé sur une. Il fait ça gratuitement. Il est super doué. Il a déjà travaillé pour LES RAMONEURS DE MENHIRS. Il faut en parler de Chester BLOOD, il est top !

CD : Kill the devil
Site : http://www.toxic-frogs.com/

* KAÏFFA

KAÏFFA est un quintet créé en 2011 et originaire de Fougères. Certains de ses membres sont issus du Bagad de la Sous-Préfecture d’Ille et Vilaine et en font toujours partie. Le nom mystérieux que porte le groupe n’a pas de signification bretonne particulière même s’il sonne bien. Il désigne cependant un plat épicé marocain.

Et d’épices, la musique n’en manquait pas, bien que l’instrumentation soit somme toute classique (guitare-piano, basse, batterie, bombarde-saxophone, accordéon diatonique). On pouvait simplement rester écouter les musiciens, mais le but de ces derniers était de faire danser les gens et sur ce point ils ont parfaitement réussi leurs prestations lorientaises. Le batteur frappait juste sans rendre son instrument assourdissant et ses comparses maîtrisaient leur sujet alors qu’ils s’aventuraient vers des danses éloignées de leur terroir d’origine.

L’ Andro oriental joué en fin de concert ne pouvait que plaire à Lorient. Ce titre ne figure toutefois pas dans le premier CD du groupe, mais on espère le retrouver sur le prochain.

KAÏFFA ne restera sans doute pas longtemps cantonner au OFF.

CD : Noz’Attitudes

Site : http://kaiffa.bzh/

* PETER MCNAMEE BAND / BREAKING BEATS CLAN

Tous les festivaliers qui assistent régulièrement à la Grande Parade des Nations Celtes et au triomphe des sonneurs connaissent Peter MCNAMEE. Il fut en effet régulièrement le lanceur de bâton qui précédait le BAGAD BRIEG. Sa dextérité et son humour ont conquis les spectateurs. Mais Peter est également chanteur. C’est après une soirée arrosée et un bœuf entre amis musiciens qu’est né le PETER MCNAMEE BAND qui réunit également un guitariste, un batteur, un bassiste et un sonneur de cornemuse-guitariste-chanteur.

L’ensemble sonnait volontairement très rock à l’image du classique The Gael, un des thèmes musicaux entendu dans le film Le dernier des Mohicans. Peter MCNAMEE n’intervenait au chant que sporadiquement, le partageant, parfois au sein d’un même morceau (Santiano), avec Christian, le sonneur. Ce dernier utilisait aussi une cornemuse électronique, à l’image de l’asturien HEVIA.

Les disponibilités de Peter, qui vit en Écosse, n’étant pas facile à gérer (il est régulièrement absent d’une formation … qui porte son nom !), le groupe a décidé, après le Festival, de changer de nom et se nomme désormais BREAKING BEATS CLAN.

Nous le retrouverons sans doute en 2016 sous cette appellation avec, pourquoi pas, Peter MCNAMEE en invité.

CD : First
Site : http://www.bbclan.org

Dossier réalisé par Didier Le Goff

Site du Festival : http://www.festival-interceltique.bzh/

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