GONG – Rejoice ! I’m Dead !

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GONG – Rejoice ! I’m Dead !
(Madfish)

Un groupe doit-il continuer à jouer sous le nom qui l’a rendu légendaire quand son mentor, son guide, a disparu ? La question se pose pour GONG comme elle a pu se poser pour d’autres, et le fait que Daevid ALLEN lui-même ait réclamé la poursuite de l’aventure par les musiciens qui faisaient partie de la dernière formation en date ne résout pas forcément le problème, il ne fait que le rendre plus aigu. Cela dit, mettez-vous à la place des héritiers à qui on a confié pareille mission de sauvegarde et de prorogation ! La pression a dû être forte, en même temps que le problème insoluble. Que le nouveau GONG se conforme à ce qu’on attend de lui ou qu’il trahisse les expectatives, on lui en voudra dans tous les cas et on trouvera à le critiquer quoi qu’il fasse. Ce GONG n’aurait donc jamais dû exister ? C’était pourtant la volonté de Daevid ALLEN, et on voit mal comment on pourrait la passer outre. Alors, cadeau empoisonné ou formidable opportunité ?

Avant tout, il convient de saluer le courage de Ian EAST, Dave STURT, Fabio GOLFETTI, Kavus TORABI et Cheb NETTLES pour avoir relevé le défi de s’affirmer comme la nouvelle formation de GONG. Et de le prouver en enregistrant cet album dont la tâche est d’assurer avec conviction la filiation avec – au moins – le dernier album de GONG (I See You, dernier album avec Daevid) sans verser dans le plagiat, le pastiche, la pâle copie, la redondance, j’en passe et des moins trippantes. Et en même temps, il faut que ça sonne comme du GONG ! Vaste projet en forme de tarte à la crème qui n’en finit pas de dégouliner dans la théière (volante), quand on sait que le GONG s’est, en plus de 40 ans, décliné en plusieurs sous-GONG et que le vaisseau-mère a lui-même souvent changé de personnel. Faut-il rappeler qu’il y a même eu des GONG sans Daevid ALLEN ? Bref, de quel GONG parle-t-on ? Celui de la trilogie Radio Gnome Invisible ? Sans doute, mais a-t-on vraiment besoin d’un « addendum » ? Bref, le casse-tête est inévitable.

Et pendant qu’on se tuait les nerfs sur ces plates questions de légitimité après le « testament » de Daevid ALLEN, les cinq « missionnés » sont passés à l’action et ont pondu cet album composé de neuf pièces et structuré en quatre parties. Et le titre qu’ils ont donné à leur album est déjà un pied-de-nez digne des élucubrations gnomiques de l’Alien en chef : Rejoice ! I’m Dead ! Un poil gonflé, un poil indécent, c’est « camembertien » en diable ! C’est « gonguesque », donc tout va bien !

Mais c’est en fait la seule trace d’humour et de fantaisie que l’on trouvera dans ce disque qui, s’il n’a pas forcément été accouché dans la douleur, a été conçu avec un sérieux et une technicité que certains trouveront presque suspects. On ne trouvera pas ici de « jingles » radio-gnomiques, de manifestations « pot-head pixyennes », d’ondes « octave-doctoriennes » ni de « space whispers », et pour cause ! Le nouveau GONG n’a pas jugé bon de reprendre tous ces éléments de « fantasy » qui ont dessiné les contours du mythe de la planète GONG. On pourra le regretter, mais c’était sans doute une sage décision, car vouloir faire « à la manière de » aurait pu aboutir à une singerie pathétique.

Pour donner le change, ce GONG fait en revanche entendre la voix de Daevid ALLEN sur deux morceaux, à titre d’oracle, et a convié quelques proches ou anciens membres (Steve HILLAGE, Didier MALHERBE, Graham CLARK) à venir s’exprimer. Leurs participations font en retour office d’adoubement de ce nouveau GONG. Tout a été fait – c’était prévisible – pour que la passation soit la plus valide possible. Et même si The Thing That Should Be n’est pas l’introduction la plus emballante qui soit (la voix de Kavus TORABI n’a pas le grain d’illumination de Daevid…), Rejoice ! est de nature à fédérer plus de monde. On retrouve ce space-rock bien planant et amphétaminé tout à la fois, et dont la section instrumentale, nourrie du renfort de la guitare stratosphérique de Steve HILLAGE s’amuse à faire écho au mythique Master Builder de You. C’est parti pour un trip certes familier mais assurément goûteux. Véhément et foutraque tout en étant très ramassé, Kapital fait pour sa part figure de cousin éloigné (dans le temps) du Camembert électrique.

Après une « Side One » en forme de décollage vitaminé, la « Side Two » offre un espace de lévitation mitonné aux petits champignons. On entend la voix samplée de celui qui « n’existe plus » dans Model Village, et on la retrouve au centre du très recueilli et dépouillé Beatrix, récitant un texte dans ce « pidgin » français qu’on lui connaissait… Puis vient l’heure des Visions, éthérées à souhait, guitare glissando et saxophone soprano aux avants-postes…

Acidités rock et glissades ambient, l’univers GONG, même abordé de façon oblique, continue à générer de séduisantes spirales galactiques… La leçon a été bien apprise par les juniors, et se transforme même en coup de maître avec The Unspeakable Stands Revealed (« Side Three »), sorte de suite en trois mouvements remarquablement fondus en un seul noyau de résistance qui fait le tour de tout ce que la planète GONG a de mieux à offrir. Ce trip « mastodontesque » est assurément amené à devenir un classique ainsi qu’une une pierre angulaire des concerts à venir. Après cela, la « Side 4 » n’a plus qu’à décliner des projections similaires, d’abord sur un registre de planerie enveloppante et sucrée (Through Restless Seas I Come, avec le doudouk de Didier MALHERBE) puis sur un mode rock progressif anarcho-flottant qui finit lui aussi par étirer son plan sur la comète… (Insert Yr Own Prophecy).

Sur un plan strictement musical, Rejoice ! I’m Dead ! est on ne peut plus consistant et saura réjouir les amateurs de trips hallucinogènes solubles dans un espace-temps aux courbes inaltérables. Il reste cependant – et fatalement – un album de transition généré par un groupe compétent et appliqué (et inspiré, quand même !) mais qui ne peut évidemment se prévaloir de cette étincelle spirituelle propre à Daevid ALLEN et à Gilly SMYTH.

Ce GONG est un bon groupe d’acid-space-rock, mais qui devra marquer sa réelle différence par rapport à d’autres groupes de la même mouvance, sous peine de ne devenir qu’un sous-produit de substitution. Sa meilleure chance d’y échapper serait encore de suivre l’exemple de Daevid ALLEN, qui n’a pas hésité en son temps à remodeler de fond en comble le GONG quand il commençait à le trouver trop « confortable ». À méditer, entre deux tasses de thé bien sûr…

Site : www.planetgong.co.uk

Stéphane Fougère

 

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