Richard PINHAS / Yoshida TATSUYA – Welcome in the Void

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Richard PINHAS / Yoshida TATSUYA – Welcome in the Void
(Cuneiform Records / Orkhêstra)

richard-pinhas-yoshida-tatsuya-welcome-in-the-voidLa guérilla électronique n’est pas terminée. C’est ce qui vient à notre esprit après avoir écouté Welcome in the Void, nouveau manifeste sonore de rock électronique, de space rock, de prog et de noise. Et aussi parce que Richard PINHAS fait ici allusion aux « effets politiques et historiques des machines et du néo-libéralisme et à leurs intentions d’asservir les populations ». C’est « un cri de révolte face à cet esclavage ». En tant que deuxième partie de sa trilogie de la dévolution (« dévolution du capitalisme, des facultés humaines et biologiques en lien avec la montée des machines »), Welcome in the Void nous invite à partir en voyage vers le Néant… Le Néant étant devenu « le centre de nos sociétés ».

PINHAS reste un insoumis, un révolté; mais il est aussi un poète, l’un des derniers, avec ses confrères allemands (FROESE, SCHULZE, GOTTSCHING) ou les Anglais Robert FRIPP et Brian ENO… Des anges lumineux perdus dans un monde de ténèbres. Certes, un poète plus enclin à vous bousculer les neurones et les sens en vous plongeant dans un chaos sonique total, tranchant et viscéral, au cœur d’un rock électronique fiévreux poussant aujourd’hui jusqu’aux confins de l’indus, de la musique drone et de la noise. Cette musique est définitivement visionnaire, ayant établi, il y a déjà plus de quarante ans, le plan sonique actuel, et se remettant toujours en question. L’avenir de la musique électronique s’entend dans l’œuvre de Richard (tout comme celle de KRAFTWERK) surtout depuis ses nombreuses collaborations avec MERZBOW, WOLF EYES ou Oren AMBARCHI. Et ce futur est encore une fois révélé avec cet album réalisé en collaboration avec le batteur du groupe japonais RUINS, une légende lui-aussi.

Les deux maîtres de la scène expérimentale se retrouvent pour la première fois sur disque. Welcome in the Void annonce la rencontre entre les sons électroniques, les percussions et les guitares pour une musique intense, spontanée qui nous plonge rapidement dans un autre monde, à l’image de la pochette très science fiction, nous ramenant aux années HELDON, et qui a été réalisée par Yann LEGENDRE, graphiste et illustrateur, travaillant avec Richard depuis l’album Metatron.

Welcome in the Void se présente en deux parties: Part I – Intro et Part II – Core Trax. Nous sommes vraiment marqués par la beauté des nappes, imprégnées de douceur et de lumière, réalisées par le guitariste, et le côté ambitieux de ce duo qui fonctionne parfaitement bien. Dans notre tentative de comparer ce disque avec d’autres travaux antérieurs de Richard, il nous vient cette première idée de le voir comme une fusion entre le très planant Event and Repetitions (l’ambiance presque évanescente des nappes) et le terrifiant Tranzition (marqué par la présence de la batterie tenue par Antoine PAGANOTTI). Mais c’est aussi et surtout une suite évidente à tous les derniers albums de Richard car nous y retrouvons cette même volonté de puissance. Pourtant, musicalement, c’est moins brutal, noise, extrême et dérangeant que certains morceaux composés avec MERZBOW ou le dévastateur Desolation Row, mais c’est tout aussi sauvage. Dans tous les cas, ces deux-là ne sont pas venus pour rigoler ! Pour preuve, le premier morceau est une intro de quatre minutes terriblement efficace, plantant immédiatement le décor: des loops irréelles et lumineuses et un batteur dont le style est encore plus fabuleux que celui d’Oren AMBARCHI, peut-être même meilleur.

Le deuxième morceau Welcome in the Void Core Trax révèle toute la brillance de ce duo, la sensibilité de l’univers sonore de Richard avec cette guitare traitée électroniquement offrant des perspectives soniques infinies (la « stereo loop guitar ») et le jeu très technique, riche en détails, de Yoshida. C’est une pièce impressionnante où notre imagination vagabonde pendant plus de 64 minutes. Cette deuxième partie s’avère être un challenge autant pour les musiciens que pour nous, simples auditeurs ! En effet, jamais Richard n’aura composé une pièce aussi titanesque dans sa durée; auparavant, il nous offrait parfois des morceaux de trente minutes et pour nous c’était déjà un défi de les écouter d’une seule traite. Mais là, c’est plus d’une heure d’une écoute sans interruption, qui demande la plus grande attention… Un exercice, il est vrai, pas évident ! Mais ce serait dommage de passer à côté d’une si belle épopée sonique. Toute l’originalité et l’énergie de ce duo se fait entendre sur ce morceau d’anthologie. Comme hypnotisés sous l’effet d’une soundtrack grandiose, nous assistons à une bataille assourdissante entre les sons électroniques, les guitares et la batterie dont la force reste inépuisable. Nous percevons de beaux moments comme l’intro très inquiétante où pendant dix minutes il y a ce vrombissement menaçant suivi par ces sons hypnotiques et planants, chauds et métalliques et le final tout aussi magnifique, orchestré par le guitariste seul. Cette deuxième partie promet de belles sensations, entre rêveries et impressions de tournis dans des gouffres vertigineux, jonglant entre des moments d’accalmie et d’autres où la batterie se déchaîne alors que les nappes se superposent, s’enroulent et poursuivent inlassablement leur route offrant quelques envolées mémorables.

L’implication des deux musiciens est si poussée pour un tel résultat que nous ne pouvons pas nier l’existence quasi magique d’une corrélation spirituelle et créatrice entre les deux personnages. Yoshida TATSUYA est très impressionnant livrant une performance intense à la batterie et aux percussions. Son jeu est dense, complexe, rapide et puissant, subtil et très riche techniquement. Yoshida à la batterie, c’est une déferlante sonore qui vous remue de l’intérieur. Nous sommes secoués comme si nous étions au beau milieu d’un tremblement de terre.

A eux deux, c’est quasiment une transe qu’ils nous livrent. La deuxième partie demeure un grand moment de musique. Welcome in the Void fut enregistré à Tokyo et Paris. Ce fut pour les musiciens un travail de longue haleine, qui a pris plusieurs mois. Mais honnêtement, cela en valait la peine !

Site : http://www.richard-pinhas.com/

Label: www.cuneiformrecords.com

Cédrick Pesqué

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