THE REMOTE VIEWERS – Control Room

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THE REMOTE VIEWERS – Control Room
(Autoproduction / ReR Megacorp)

the-remote-viewers-control-roomUn hiatus de cinq ans dans le trajet d’un groupe peut traduire au mieux l’achèvement d’une ère, au pire l’épuisement de son inspiration. Rien de tel n’est manifestement à déplorer en ce qui concerne le groupe anglais THE REMOTE VIEWERS puisqu’il compense cette période d’absence discographique avec un véritable pavé pour les oreilles ! Control Room se déploie en effet sur cinq CD présentés dans un carnet de pochettes plastiques. A la souplesse du contenant répond donc une densité de contenu que l’on est prié de ne pas avaler d’une traite, à moins d’être un indécrottable inconditionnel du groupe.

Nous n’avons pas affaire à une anthologie ni à une somme d’archives, mais bel et bien à un nouvel opus tentaculaire qui redéploie en un axe pluriel les projections escarpées de nos « voyants à distance » déjà bien insaisissables en dépit d’une marque de fabrique bien à eux. L’entité REMOTE VIEWERS subit dans ce coffret un véritable processus de fractalisation et de recomposition. Quant on sait que la formation est à la base déjà minimale, puisqu’il s’agit d’un trio (Dave et Louise PETTS, Adrian NORTHOVER), on peut trouver l’idée aussi séduisante que périlleuse. Elle n’aboutit pas pour autant à exposer une succession de performances solistes (excepté sur le CD 5). Chaque « tableau de bord » de cette « salle de contrôle » multiplexe est manipulé par une équipe différente. Certains équipes intègrent par conséquent un personnel additionnel venu enrichir le noyau sonore originel, à base de saxophones et d’électronique. Les souffleuses Caroline KRAABEL et Sue LYNCH, déjà croisées sur de précédents opus, sont ainsi revenues prêter main forte.

THE REMOTE VIEWERS retrouvent de même leurs anciens collègues du groupe B’SHOPS FOR THE POOR, le guitariste Jon DOBIE et le contrebassiste John EDWARDS, sur le CD 1. Celui-ci ne contient qu’une fresque instrumentale de 38 minutes mi-composée, mi-improvisée, October Rush, qui commence comme elle termine, ou le contraire, dans des ambiances comateuses de claviers-sax-flûtes. Entre les deux extrémités se succèdent des séquences plus heurtées ou incisives avec interventions de saxophones, de guitare et de contrebasse, tandis que les textures électroniques sont façonnées par deux autres invités, Glenn GUPTA et Dave TUCKER, qui ponctuent plusieurs passages de programmations rythmiques. Entre improvisations solistes et électronica appuyée, cette entrée en matière se révèle aussi curieuse que désarçonnante.

Les sonorités électro de Darren TATE, Kato HIDEKI et Glenn GUPTA se partagent la palette timbrale du CD 2, The Art of Empire, avec les saxophones alto, soprano et ténor. Grondements lugubres, sonars agités, complaintes lancinantes cuivrées et manipulations bruitistes dessinent les contours exsangues d’une antichambre mortifère. C’est un bien curieux endroit pour reprendre une Prière d’Érik SATIE, laquelle prend plutôt l’allure d’une vision d’angoisse vu le contexte, et compte tenu de l’art consommé de la transfiguration dont font preuve THE REMOTE VIEWERS dans leurs choix de reprises.

Certaines pièces doublonnent sur le CD suivant. En fait, le CD 2 était constitué de remixes du répertoire prévu initialement pour le CD 3, An Affair of Cyphers. Dans celui-ci, les saxophones dominent les débats, qui prennent une couleur acoustique tendance musique de chambre. À la noirceur ambient du précédent CD se substitue une écriture aussi aride que fouillée que l’on doit à Dave PETTS, principal compositeur des morceaux des quatre premiers CD de ce coffret.

Jusqu’à présent introuvable, la voix de Louise PETTS se fait enfin entendre sur le CD 4, Fiction Department, sur lequel officie uniquement le trio de base des REMOTE VIEWERS. On retrouve ici le son du groupe tel qu’on l’avait quitté avec Sudden Rooms in Different Buildings, le précédent album, dont Fiction Department est le successeur attitré. C’est d’emblée le CD le plus accessible de Control Room, la présence vocale ayant tendance à humaniser l’atmosphère générale, mais dans les limites fixées par le timbre et le phrasé de Louise PETTS, qui évolue entre solennité réfrigérante et langueur évanescente parmi des paysages soniques volontiers traversés de nappes polaires, de stridences étouffantes, de parasites acrimonieux et autres aliénités abrasives (Green Closing, Those in Darkness et The Slow Sea en sont de probants exemples). Si l’on peut qualifier les compositions de ce CD 4 de chansons, c’est en gardant évidemment à l’esprit que leurs structures s’éloignent des formes convenues du genre. Seul The Delicate Address peut correspondre à l’idée que tout humanoïde normalement constitué peut se faire d’une chanson, qui plus est colorée jazz.

Enfin, Adrian NORTHOVER occupe l’espace du CD 5 de son seul saxophone soprano. Les familiers de la grammaire sonore d’un Lol COXHILL ou d’un Evan PARKER ne seront pas dépaysés par les Situations narrées ici et savoureront la créativité panoramique du souffleur, dont le vocabulaire intègre de nombreuses techniques (souffle continu, delay, overdubbing…), mais il est clair que c’est le CD qui s’éloigne le plus, et pour cause, de la musique du groupe.

Ce n’est évidemment pas avec ce coffret que l’on suggérera de commencer à découvrir l’univers résolument énigmatique et inclassable des REMOTE VIEWERS (les deux précédents CD constituent des portes d’accès plus recommandables), mais les auditeurs aguerris trouveront dans cette Control Room (dont l’édition est limitée à 200 exemplaires) des excursions sonores dont ils ne risquent pas de revenir indemnes.

Stéphane Fougère

Site : www.theremoteviewers.com

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