Yochk’o SEFFER – Hangosh (L’Homme primitif)

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Yochk’o SEFFER – Hangosh (L’Homme primitif)
(ACEL / Quart de Lune / UVM Distribution)

YochkoSeffer_Hangosh-lHommePrimitifEn 2016, il serait probablement mal venu d’attendre du saxophoniste hongrois Yochk’o SEFFER « quelque chose de neuf ». Lui qui s’est fait connaître pour son implication dans deux groupes pionniers des musiques nouvelles européennes dans les années 1970 (MAGMA, ZAO, et son extension « sefferienne » NEFFESH MUSIC) et dans le free jazz (PERCEPTION) ; lui qui, à travers sa pléthorique carrière soliste, a montré sa maîtrise des sept instruments de la famille des saxophones, en plus du piano, et s’est même illustré sur des instruments moins courants comme le tarogato, n’a jamais dévié de sa route et de ses « roots » et est resté fidèle à un langage musical qui lui est propre, défini par la fameuse antienne de Yochk’o : « Mon grand-père est Béla BARTOK et mon père John COLTRANE. »

Les plus blasés auront donc beau jeu de dire que, de Yochk’o SEFFER, on a tout entendu. C’est sans doute vrai ; mais après 50 ans de carrière, son inspiration ne se tarit pas, et son souffle reste convaincu et convaincant. C’est ce que démontre Hangosh (L’Homme primitif).

Terme hongrois qui signifie « la voix », Hangosh est un opus dans lequel Yochk’o SEFFER poursuit l’exploration de son langage en osant encore innover. Sur la première partie de l’album, il fait cause commune avec le percussionniste François CAUSSE (ZAO, OFFFERING, GONG, ETHNIC TRIO). C’est ainsi que le morceau d’ouverture, Hang J, fait entendre un son nouveau dans la musique de SEFFER, le hang, un idiophone hybride de création assez récente constitué de deux plaques d’acier attachées ensemble qui lui donne une allure d’OVNI. Les résonances qu’il dégage le sont tout autant, distillant une atmosphère de sérénité que le sopranino de Yochk’o SEFFER traverse nonchalamment avant d’y intégrer un peu de mouvement.

C’est également dans une ambiance « ethnisante » que démarre Titly, avant d’amorcer un virage vers des rythmes impairs chers à la tradition hongroise, et on bascule sans prévenir dans l’univers de NEFFESH MUSIC, Yochk’o SEFFER se dédoublant au sax sopranino et au piano pour quelques chorus bien extatiques tandis que François CAUSSE retrouve sa batterie avec une vigueur jouissive. Ce morceau à tiroirs devrait rappeler bien des souvenirs aux fans de la première époque…

Les deux compères se rajoutent des couches instrumentales sur Zongora pour Kotrab (« Z’y vas comme il cause le verlan ! »), qui fait intervenir piano synthétique et sculpture sonore en plus du piano acoustique et du sax de SEFFER, et un vibraphone en plus de la batterie et des autres percussions de François CAUSSE. Ce foisonnement de couleurs, allié à un jeu très en verve, donne l’impression d’écouter un quartette qui synthétiserait les voies explorées par Yochk’o.

Sur Houlousi, un troisième larron s’incruste, et qui est rien moins que Didier MALHERBE (GONG, HADOUK TRIO et QUARTET) ! Le titre de la pièce est une référence à l’instrument du même nom dont joue Didier. C’est un vent à hanche libre originaire de l’ethnie daï (de culture thaïlandaise, mais située dans le sud de la Chine) au son réminiscent de la clarinette. Ce superbe dialogue entre houlousi, sax sopranino et hang baigne évidemment dans un climat ethno-folk qui préfigure la nouvelle mouture de l’ETHNIC TRIO, avec CAUSSE et MALHERBE.

Dans la seconde partie de Hangosh, Yochk’o s’exprime en toute solitude, troquant cette fois le sax sopranino contre le sax ténor tout en se dédoublant au piano. Il rend un nouvel hommage à son père spirituel John COLTRANE sur le très beau Enartloc, et poursuit avec un hommage à une autre grande figure du free jazz, Ornette COLEMAN, en usant de trois saxophones ténor jouant à l’unisson et d’un harmoniseur.

Fajdalom, tout en modalité hongroise, magyare, fait entendre Yochk’o (piano + sax ténor) en mode nostalgique de ses racines ; et l’album se clôt sur la reprise d’un standard indémodable, le Stella by Starlight de Victor YOUNG (déjà revisité par Charlie PARKER, Stan GETZ, Miles DAVIS, Keith JARRETT, Ella FITZGERALD et tant d’autres), sur lequel Yochk’o improvise, dérive, donnant une nouvelle orientation à la nature du morceau.

Avec Hangosh (L’Homme primitif), Yochk’o SEFFER démontre avec une maestria nullement prise en défaut que la création musicale n’a pas besoin de se faire dans le déni des racines et des langages musicaux, mais bien au contraire peut s’épanouir dans le ressourcement auprès de ceux-ci, et dans cette « primitivité » revendiquée. Il n’y a sans doute pas de remise en question chez Yochk’o SEFFER, mais l’affirmation répétée d’une fois inébranlable en ses valeurs et en son identité. C’est plutôt un signe de bonne santé, non ?

Distributeur : www.uvmdistribution.com

Stéphane Fougère

 

 

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