GWENNYN : Trema’n Inis (Vers l’Île)

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GWENNYN

Trema’n Inis (Vers l’Île)

Artiste aujourd’hui confirmée, GWENNYN célébrait en 2016 ses dix ans de carrière. A l’occasion de la parution de son cinquième album, Avalon, la chanteuse a parcouru la Bretagne afin de présenter ce nouvel opus et rencontrer le public venu l’écouter ou simplement échanger quelques mots lors de dédicaces.

Entretien avec GWENNYN

Ton nouvel album s’appelle Avalon. Comment est-il né ?

Gwennyn : Il est né dans un bistrot (rires). Il y avait de la musique dans le bar, très très forte, une espèce de house improbable avec une grosse caisse. J’ai toujours chanté, à toutes les occasions. J’ai donc commencé à chanter une chanson que je connaissais bien et depuis longtemps, qui s’appelle Bravig ez eo bale. Quand j’ai chanté cette chanson en breton, qui a donné naissance à Bravig, le premier titre de l’album, sur le rythme de la musique du bar, on a tout de suite enregistré l’idée. C’était vraiment une idée à expérimenter.

C’est comme ça qu’à démarré l’album parce que ce morceau a ensuite été le fil conducteur d’un album plutôt joyeux, inspiré des contes et de légendes, rythmé, avec des refrains assez porteurs, des riffs de guitares de Patrice. On est parti comme ça, sur les chapeaux de roues !

Cet album est plus pêchu !

Gwennyn : C’est vrai ! L’album Mammen l’était déjà mais il est arrivé un peu tôt car les gens ne me connaissaient pas du tout. À l’époque, je l’ai un peu auto-produit donc c’était plus difficile de me faire connaitre. Les titres étaient vraiment accrocheurs. Après, dans Tevenn, il y avait quelques morceaux bien rythmés également. Beo était plus zen je trouve, plus contemplatif on va dire, très poétique également. Je suis très contente de ce disque-là. Avalon est plus dans une veine pop celtique actuelle et rythmée. J’en avais vraiment envie parce que ça fait maintenant dix ans que je fais de la scène, j’assure un set d’une heure et demi à deux heures et j’avais envie de quelques morceaux très rythmés, d’abord pour faire danser les gens mais aussi pour démarrer en trombe le concert et pouvoir le terminer sur une note captivante.

Tu célèbres justement tes dix ans de carrière, Avalon est ton cinquième album. Qu’est ce qui t’inspire en règle générale ?

Gwennyn : Jusqu’à maintenant, j’ai fait des albums inspirés de ma vie tout simplement, de ma vision du monde, des choses qui me font rêver. Ce sont aussi des histoires qui m’intéressent, qui peuvent venir d’un autre milieu, d’un autre pays comme la chanson Bosko hag Admira en Bosnie-Herzégovine en pleine guerre ou Madres, la chanson des mères de la Place de mai en Argentine, ces femmes qui luttaient d’une certaine manière contre la dictature. Je m’inspire d’histoires qui me touchent et que j’arrive, non pas à vivre, mais à comprendre à travers mes mots et mes émotions.

La langue bretonne prend une place très importante sur cet album.

Gwennyn : La langue bretonne prend toujours la place royale dans mes albums ! C’est ma langue maternelle. Cela a toujours été, même si dans mes derniers albums, il y avait une partie des morceaux qui étaient en français. Dans cet album, le breton est plus présent. C’est normal, ce sont mes origines, c’est ma langue. Je la chante tellement naturellement. Ce n’est même pas un choix, en fait, encore moins un choix « militant ». Je chante en breton parce que c’est comme ça que je m’exprime le mieux !

Tu reprends trois traditionnels et non des moindres. C’est une première !

Gwennyn : C’est une grande première, oui ! J’ai voulu le faire parce que c’est un appel de l’étranger. Je vais beaucoup chanter à l’étranger. D’une certaine manière, je représente la Bretagne. Je chantais bien sur mes chansons qui sonnent très breton et je me suis dit pourquoi pas quelques traditionnels que je pourrais proposer aux gens qui m’écoutent et qui n’ont pas eu la chance de venir en Bretagne. J’ai donc sélectionné trois morceaux en breton que j’adore, des traditionnels que les gens connaissent bien en plus, An hini a garan, E ti Eliz Iza qui a été chanté au départ par les SOEURS GOADEG puis Alan STIVELL et Denez PRIGENT qui en a fait une magnifique reprise. Son ar chistr est une chanson très connue, largement connue même en Europe. Was wollen wir trinken en Allemagne, c’est un morceau très connu là-bas, depuis même plusieurs générations. Je la chante en fin de concert à chaque fois en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Pour cet album-là, je me suis dit : « Et si je la reprenais ! »

En fait, j’ai aussi voulu rendre hommage à ma culture bretonne, celle qui me fait vivre depuis toutes ces années et c’est aussi une main tendue à un public qui me suit depuis longtemps, qui connait ces morceaux et qui ne m’a jamais entendu chanter une chanson traditionnelle. C’est une manière de faire un lien avec ceux qui connaissent déjà.

Tu envisagerais un album entier de reprises ?

Gwennyn : Oui, pourquoi pas ! Cela peut être une idée intéressante, ça dépend pour quoi exactement. Je pense que ce serait plus pour une cause que pour un besoin personnel. Personnellement, je n’ai pas besoin de faire de reprises, je ne ressens pas le besoin de chanter des choses déjà connues en Bretagne. J’ai beaucoup d’idées de chansons, je suis vraiment inspirée et je n’ai pas à faire beaucoup d’efforts pour composer. Après, pour une cause spéciale, je pense que ça pourrait effectivement être intéressant pour rappeler tout simplement aux bretons quel est leur répertoire. Le répertoire des gens qui apprennent le breton ou celui des élèves qui à la fin du bac connaissent une vingtaine, une trentaine de chansons en langue bretonne, là ça pourrait être une idée de compile.

Il y a quelque chose d’encore plus spécial. Je connais beaucoup de cantiques bretons parce que j’ai été élevée dans les églises quand j’étais petite. J’en connais énormément et je me demande si un jour je ne vais pas faire un album avec des cantiques bretons. Pourquoi pas ! Il y a plein de choses qui sont possibles. Ce n’est forcément une demande qui viendrait de moi donc je continue ma route. Je continue à composer parce que c’est ça qui m’anime, en fait.

Tu tournes beaucoup à l’étranger ? Comment le public réagit-il à la chanson en breton ?

Gwennyn : Bien, sinon je n’y retournerai pas ! Les gens aiment la France, ils sont très francophiles, mais ils aiment la Bretagne en particulier. Je connais pas mal d’allemands qui viennent en Bretagne naturellement pour les vacances.

Après, dans mes concerts, ce ne sont pas forcément des gens qui vont en vacances en Bretagne, mais je crois que la matière celtique les attire. Il y a eu Alan STIVELL dans les années 70 qui est souvent venu sur les planches, TRI YANN a aussi roulé sa bosse sur les scènes allemandes. Je suis l’héritière de ces démarches-là et de ces grands artistes. Ma musique est dans cette même veine puisque STIVELL a contribué à populariser la musique bretonne et à la rendre pop. Je viens directement de cet héritage-là.

Les allemands rencontrent une artiste et derrière elle, il y a un pays, une ambiance, un univers. C’est un peu notre jardin merveilleux à nous, les bretons. On le travaille, on en fait quelque chose. Cette production bretonne et celtique que l’on arrive à réaliser, c’est quelque chose d’absolument extraordinaire et je crois qu’on ne s’en rend peut-être pas compte. C’est quand on va en Allemagne qu’on se rend compte de cette production.

Peux-tu nous parler des musiciens qui t’accompagnent ?

Gwennyn : Avec plaisir parce que cela fait des années que je tourne avec de grands musiciens talentueux.

Il y a d’abord Patrice MARZIN qui est un guitariste exceptionnel, c’est clair, un arrangeur incroyable. Il me réalise des disques et je me demande toujours d’où ça vient. Je compose avec lui tous les morceaux, bien sûr je les écris, mais après tout ce qui est arrangements, le choix des musiciens, c’est lui. Il a une créativité en lui qui est assez extraordinaire. Je tenais à le souligner. Mes quatre derniers albums, c’est notre travail.

Il y a aussi Kevin CAMUS qui m’accompagne depuis longtemps à l’uillean-pipe et à la flûte, Manu LEROY à la basse et Yvon MOLARD aux percussions. On a une nouvelle recrue, Ronan ROUXEL au violon.

Sur l’album, on entend beaucoup le violoniste Robert LE GALL, qui est quelqu’un d’incroyable. Il a une expérience professionnelle de fou. Il a commencé avec STIVELL, GWENDAL, Murray HEAD puis il y a eu Nana MOUSKOURI, Florent PAGNY, Nolwenn LEROY. Je ne compte pas mais il a une liste d’artistes internationaux assez incroyable.

Il y a David PASQUET qui est venu jouer sur deux des morceaux. Il a un son de bombarde terrible et je voulais absolument qu’il pose sa bombarde dans mon disque. J’aime beaucoup voir David jouer avec Patrice MARZIN. Tous les deux ce sont des grands « rock n’ roll » et quand ils jouent ensemble, c’est extraordinaire. C’est le son des AR RE YAOUANK que je voulais avoir, même si que sais que les YAOUANK, c’est aussi les GUICHEN. Je suis une inconditionnelle du son de guitare de Jean-Charles et de sa créativité ainsi que de celle de son frère Fred, mais pour la bombarde, David est absolument extraordinaire. Je n’ai jamais trouvé un son pareil et je tenais à ce qu’il vienne un jour sur mon disque et là j’ai enfin trouvé cette occasion.

Tu as écrit pour Nolwenn LEROY. Tu as eu des demandes d’autres artistes ?

Gwennyn : C’est une question piège car je n’ai pas encore le droit de divulguer la personne pour qui je viens d’adapter un texte en breton. C’est un chanteur français très connu que j’aime beaucoup et qui a eu cette démarche, puisque la démarche vient de lui.

Nolwenn avait eu cette démarche aussi pour son album. Ce n’est pas très étonnant après le succès de Bretonne. L’imaginer chanter en breton n’était pas une grande surprise. Par contre, la démarche était intéressante parce que là elle voulait non pas faire une reprise mais créer un morceau. Elle avait donc composé la musique et elle m’avait demandé de faire un texte. Celui-ci était totalement inédit.

Ce nouvel artiste français, dont je tairais le nom, est une personne qui en a eu envie et je trouve ça formidable. Donc, bientôt, vous aurez l’occasion d’écouter la version.

Gérard MANSET a écrit pour toi. Comment est-il venu vers toi ?

Gwennyn : La rencontre s’est passée tout simplement. Patrice MARZIN travaille depuis 1988 avec Gérard MANSET sur tous ces disques. Il y fait les guitares.

Un jour, j’accompagnais Patrice en studio à Paris et on a eu l’occasion de discuter du Barzaz Breizh* avec Gérard MANSET. Il ne connaissait pas et on en a beaucoup discuté parce c’est quelqu’un qui justement aime beaucoup les légendes bretonnes. Il est très érudit. Le courant est passé et quelques mois plus tard, on était en train de préparer le troisième album, Kan an tevenn, et on lui a demandé au culot de nous faire un texte s’il en avait envie. On lui a envoyé une maquette et le lendemain on avait notre texte. Pour moi c’était énorme de recevoir un texte de Gérard MANSET parce que c’est quelqu’un que j’admire énormément. Il a une profondeur d’esprit, un phrasé incroyable. C’était quelque chose d’important parce que quelque part dans ma vie d’artiste j’ai rencontré STIVELL à un moment et puis un jour j’ai rencontré MANSET. Je crois qu’il y a comme un sens à tout ça, cette ouverture sur un auteur quasiment mythique comme Gérard MANSET pour un texte en français. Je suis aidée par des pères spirituels, on va dire. C’est comme ça que je vois les choses.

Aura-t-on l’occasion de te croiser sur les festivals bretons ?

Gwennyn : Alors, là je peux dire oui tout de suite ! On me trouvera à la Saint Loup et sur les festivals celtiques. Regardez sur mon site internet à la page concerts, vous trouverez très bientôt des dates pendant l’été sur de très belles scènes. Je serai très contente de retrouver le public avec ces chansons.

* Le Barzaz Breiz est un recueil des chants, collectés par le Vicomte Théodore HERSART DE LA VILLEMARQUÉ, paru en 1839 qui a eu, et a toujours, une grande influence sur le mouvement culturel breton.

Entretien réalisé par Didier Le Goff
Photo : DR

Une grand merci à Yvonig et Anna de la Coop Breizh de Lorient pour leur accueil.

Site : http://www.gwennyn.com

Lire la chronique du CD, Avalon : https://www.rythmes-croises.org/gwennyn-avalon

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