BROU / HAMON / QUIMBERT : Chanter l’humanité dans les pas des voyageurs

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BROU / HAMON / QUIMBERT

Chanter l’humanité dans les pas des voyageurs

Trois gars, trois voix : depuis 1994, Roland BROU, Mathieu HAMON et Charles QUIMBERT sillonnent sur les chemins de terres et de mers de la chanson de tradition orale francophone, traquent les mots et les paroles du monde, saisissent les tranches de temps et de vie de ces hommes et de ces femmes, et en font reluire la quintessence dans leurs spectacles « hautement technologisés », puisque interprétés exclusivement a cappella !

Leur nom de groupe n’en est pas un, car c’est bien d’un trio de personnalités qu’il s’agit : BROU / HAMON / QUIMBERT est ainsi devenu, en Haute-Bretagne, une référence en matière de chant « nu » mais habillé de mémoires dramatiques, enjouées, dansantes, meurtrières, insouciantes, voire insolentes. Ils interprètent ces chants qui ont traversé les anciens comme les nouveaux mondes en diverses formules vocales, de la mélodie solo en chant à l’unisson, en passant par le chant à répondre ou à danser.

En quatre disques et presque autant de spectacles scéniques, le trio a mis à jour un vaste répertoire de mélodies, ridées, complaintes, ronds paludiers ou de St-Vincent, marches, chansons de menteries, chansons dialoguées, et tant d’autres encore…

Ces trois « Garçons sans-souci », comme on a pu les appeler, se sont produits maintes fois dans les festoù-noz – en duo comme en trio – avant de se décider à présenter de véritables concerts et spectacles. Et, en dehors du trio, ils se sont commis dans diverses formations portées sur le chant de tradition orale. Roland BROU a fait entendre sa voix dans LES 4 JEAN, FILIFALA, ROQUIO, les SILLY BROTHERS ; Mathieu HAMON a intégré la sienne dans le HAMON-MARTIN QUINTET, et Charles QUIMBERT, en plus de ses divers duos, a prêté son organe vocal – ainsi que sa clarinette – dans la formation LES 6 TRONCS. Tous trois ne sont pourtant pas chanteurs à temps plein : le premier a été instituteur, le deuxième est agriculteur et le troisième psychologue. C’est dire s’ils ont plusieurs vies, comme leurs chansons ont connu plusieurs versions, et ont voyagé au gré des collectages, des rencontres humaines…

Le dernier spectacle de BROU / HAMON / QUIMBERT, consigné sur disque en 2016 (voir notre chronique), se nomme À l’arrivée de mon retour. Sa matière, glanée en Haute-Bretagne comme en Louisiane, au Québec et en Guadeloupe, est dédiée à celles et ceux qui, de gré ou de force, ont quitté leur terre, leur famille, et sont partis à l’aventure, avec pour tout viatique leurs chansons. À travers ces mots d’ici et de là-bas, c’est la voix des peuples « de rien » que BROU / HAMON / QUIMBERT font résonner sans artifices, sans supports, sans filets, et l’on réalise combien les problématiques d’hier, en passant outre les changements de vocabulaire, sont encore d’actualité aujourd’hui. Toute migration engendre une mémoire…

RYTHMES CROISÉS a rencontré deux de ces trois gaillards de chanteurs, Roland BROU et Mathieu HAMON, à l’occasion du grand fest-noz de la Fête de la Bretagne à Paris et des 70 ans de la Mission Bretonne, où, avec leurs seuls organes vocaux, ils ont dynamisé les pas des danseurs et porté une ambiance revigorante au pinacle. Voici leur histoire, du départ à… l’arrivée de leur retour !

Entretien avec Roland BROU et Mathieu HAMON

Comment vous êtes-vous rencontrés et comment avez-vous commencé à chanter ensemble ?

Mathieu HAMON : On s’est rencontrés au début des années 1990. On s’est retrouvés d’une façon tout à fait informelle pour le plaisir de chanter ensemble, avec tout un collectif de chanteurs du côté de là où habite Charles (QUIMBERT), à côté de Bain-de-Bretagne, Sel-de-Bretagne, puis dans la région nantaise quand Roland a créé l’association Dastum 44, une antenne de Dastum à Nantes. Avec tous les chanteurs qui étaient là, on se retrouvait dans la soirée pour chanter quelques danses ensemble dans un fest-noz. On pouvait être 5, 10, 20 sur scène.

Avec la Bogue d’Or à Redon aussi. C’est un concours de chants et de contes initialement, qui a été créé en 1975. Maintenant c’est devenu une fête beaucoup plus importante, un festival. Moi je suis du pays de Redon et j’y habite. Ça a été un endroit important qui nous a permis de chanter et de côtoyer d’autres chanteurs venus d’un peu partout. Donc on s’est rencontrés dans ces endroits-là.

Et suite à ces échanges-là, on sentait qu’on avait des affinités et on a eu envie, Charles, Roland et moi, de travailler plus précisément tous les trois ensemble. On a commencé dans les années 1990 à travailler le chant pour la danse, on a chanté beaucoup dans les fest-noz. Et puis après, au début des années 2000, on a travaillé tout un aspect de concert, de spectacle. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons monté trois spectacles différents ensemble, toujours en chant a cappella autour du répertoire de Haute-Bretagne.

C’est l’histoire résumée de nous trois. Après, nous avons chacun des parcours différents évidemment.

Roland BROU : Dès le début, quand on a commencé à travailler à trois, on voulait privilégier le côté danse qu’on travaillait déjà. Sur notre premier album, on voulait aussi montrer un aspect qui était moins connu, celui du chant à écouter, de la complainte, etc. On chantait seuls et parfois à l’unisson. C’est vraiment un aspect qu’on a voulu mettre en avant à côté du chant à danser.

Vous aviez tous les trois des répertoires différents ?

Roland : Charles et Mathieu faisaient beaucoup de collectage direct en allant chez les gens, dans une bonne partie de la Haute-Bretagne. Moi je faisais plutôt des recherches en archives. J’aimais bien aller fouiner dans les anciennes collectes du 19siècle qui étaient pour certaines non publiées, à l’état de manuscrits, à la bibliothèque de Nantes. Donc, oui, je crois que nous avons chacun un répertoire un peu différent. Le secteur qui m’intéressait et dans lequel j’étais un peu plus baigné, c’était la presqu’île guérandaise avec un répertoire de rondes, de bals paludiers et aussi de grandes complaintes. Pour Charles et Mathieu, c’était une zone qu’ils connaissaient moins. Nous avons monté le répertoire du trio avec tout ça.

Vous avez conçu trois spectacles différents de chant a cappella. Quelles sont les particularités de ces spectacles ?

Roland : Le premier n’était pas a cappella justement. C’était en 2001, je pense. On a eu envie de monter sur scène avec un projet un peu ambitieux : présenter la richesse des traditions chantées de Haute-Bretagne en étant accompagnés. On était 11 sur scène, 13 avec les techniciens. Il y avait Jean-Michel VEILLON, Patrick COUTON, 3 chanteurs, 8 instrumentistes, donc un projet lourd qu’on n’a joué que quatre ou cinq fois, d’ailleurs. On a fait la création aux Tombées de la Nuit, on l’a jouée pour l’anniversaire de Dastum à Pontivy, à Carhaix, dans des lieux qui étaient importants. C’était la première fois qu’on travaillait vraiment un projet de concert.

Après, en 2007 je crois, on a fait le premier spectacle a cappella. Nous nous sommes retrouvés un beau jour tous les trois pour remonter un concert avec cette idée de travailler le chant a cappella sans inviter de musiciens. Et c’est là aussi qu’on s’est dit « il faut qu’on travaille un spectacle qui soit mis en scène et où on aborde le côté polyphonique ». Parce qu’on chantait à l’unisson, en solo ou à répondre, et l’aspect polyphonique, même si on avait fait des essais, on ne l’avait jamais vraiment travaillé. On s’y est mis en invitant quelqu’un parce qu’on n’avait pas les capacités justement de travailler la polyphonie, c’est un domaine qu’on ne connaissait pas du tout. C’est là que nous avons fait appel à Manu THÉRON, qui est un chanteur marseillais. On ne savait pas si ce qu’il allait nous proposer allait nous plaire et si on allait aller jusqu’au bout de la démarche. Il est venu, on a vraiment travaillé à quatre pour monter le répertoire, travailler un début d’arrangement vocal, et c’est ce qu’on a renouvelé avec le dernier spectacle que nous avons créé il y a deux ans.

« Au-delà de la chanson, c’est l’homme qui nous intéresse »

Mathieu : On a travaillé dès le départ sur tout ce répertoire de Haute-Bretagne qui a souvent tendance à être un peu délaissé, qui est très méconnu, et on a essayé de le mettre en valeur.

Pour le dernier spectacle, qui s’appelle À l’arrivée de mon retour, c’est le répertoire de Haute-Bretagne qui a voyagé dans le monde et dans tous les pays francophones. Au Québec, c’est ce qu’on connaît le plus facilement, mais aussi en Louisiane, à La Réunion, en Guadeloupe. Toutes les chansons qui, en voyageant, ont pris des couleurs différentes, des couleurs qui se sont patinées avec d’autres cultures. Les mélodies ont changé, les textes aussi, mais on sait très bien d’où elles viennent, ces chansons-là. Elles sont parties avec les chanteurs qui s’en allaient, avec leur répertoire, pour travailler ou pour l’aventure. On a vraiment travaillé autour de ça, sur la tradition orale, sur comment chacun s’approprie les chansons.

Roland : Avec ce spectacle-là, on a voulu montrer ce qu’est le chant de tradition orale. Un chant qui voyage, qui change à chaque fois qu’il arrive dans la tête d’une nouvelle personne, qui se personnalise. Nous nous sommes vite rendus compte qu’au-delà des chansons, c’était de l’humain que nous parlions. C’est ce que nous disons dans le spectacle.

Évidemment, on fait voyager les gens à travers le monde, mais on les invite à rencontrer des chanteurs qu’on a pu rencontrer, soit directement pour la plupart, soit parfois simplement par l’intermédiaire d’un disque de collectage. Mais au-delà de la chanson, c’est l’homme qui nous intéresse. Au fur et à mesure des années qui passent à pratiquer ce chant-là, ce dont je me rends compte – et je pense qu’on est d’accord avec ça avec Mathieu et Charles – c’est que le chant de tradition orale est un chant populaire. Au-delà de l’idée de la culture d’un peuple, c’est le chant des pauvres qu’on chante. C’est le petit peuple qui s’est approprié ce chant-là et qui l’a fait sien au fur et à mesure des transmissions et des années et des siècles passés à le transmettre. C’est vraiment la richesse d’une culture populaire dans le sens « petit peuple ».

Quand le chant traditionnel est arrivé au Québec, il n’est pas arrivé avec les officiers ou les capitaines de navires qui partaient là-bas. Il est arrivé avec les colons qui quittaient la France lorsqu’ils étaient trop pauvres pour y vivre. C’est le même cas pour les chants qui se sont implantés à La Réunion, à la Guadeloupe ou à la Désirade. Ce sont aussi les « petits blancs » qui portaient ça. Et on se retrouve avec des chansons qui sont portées par le petit peuple au-delà des couleurs de peaux.

« Quand on a créé le spectacle,
on ne parlait pas des migrants comme aujourd’hui »
Vous avez retrouvé plusieurs versions des chansons ?

Mathieu : Il y a toujours plein de versions des chansons. Après, ce n’est pas un spectacle didactique pour expliquer ou mettre en parallèle les versions, ni une conférence sur ce qu’est le chant de tradition orale et les versions d’ici et de là-bas.

On choisit une version qui nous plaît vraiment et sur laquelle on travaille. Quelquefois, on fait des comparaisons, mais ce n’est pas le propos du spectacle. On explique une chanson qui est partie d’ici, par exemple Le Roi Renaud, qui est une grande complainte de chez nous, connue partout en France. Il y a une version à La Réunion qui nous a beaucoup touchés tous les trois. Le texte est différent, la mélodie aussi. Elle a pris des couleurs vraiment locales là-bas. Donc pour parler dans le spectacle de cette chanson-là, on fait juste référence au Roi Renaud pour faire comprendre aux gens que la chanson qu’on va interpréter vient de chez nous.

C’est ce que disait Roland, le spectacle parle vraiment des hommes qui portent les chansons, de la migration et, quand on a créé le spectacle, on ne parlait pas des migrants comme aujourd’hui. Maintenant, quand on chante le spectacle, il prend un écho très fort parce qu’en plus on dit des textes qui parlent de ce sujet. On chante aussi une chanson de Graeme ALLWRIGHT qui s’appelle La Ligne Holworth.

Roland : C’est une chanson qui parle du peuplement de l’Australie. Ce ne sont pas des colons, mais des bagnards qui vont s’installer dans un lieu pour le coloniser à la demande d’un état.

Mathieu : Comme quoi la chanson de tradition orale peut parler de sujets très actuels finalement, dans le sens qu’on veut bien lui donner.

Roland : Ce qu’on veut montrer tous, c’est l’actualité de ces chansons-là. On chante de la chanson contemporaine, on est dans une chanson toujours vivante, toujours portée, et tant qu’il y a des gens pour la chanter, elle sera contemporaine, elle sera vivante.

La nouveauté aussi dans ce nouveau concert-là, c’est qu’on ne parle pas, on ne présente pas nos chansons ou très peu. Nous avons travaillé avec un poète breton bien connu qui s’appelle Yvon LE MEN, qui nous a suivis sur le début de la création du spectacle en nous aidant à l’organiser et en amenant sa vision à lui. Quand on évoquait telle chanson qui parlait de migration, lui avait des poèmes qui correspondaient. Et ces poèmes-là éclairent d’une façon autre les mots chantés qu’on peut porter. Et c’était cette envie-là qu’on avait aussi, d’aborder le mot « dit » et pas seulement le mot chanté.

Vous choisissez des versions précises de chansons ou vous mélangez plusieurs versions ?

Roland : Le mélange, on l’a fait sur deux chansons. Je me rappelle d’une discussion qu’on avait eu avec Manu THÉRON en 2007 à la première création où on avait dix versions d’une même chanson. On s’était dit « on va faire à chaque couplet une version différente ». Manu THÉRON qui était là en oreille extérieure nous avait dit « mais non, votre chanson elle est belle comme ça, ce n’est pas la peine d’aller démontrer quoi que ce soit, il faut laisser les gens s’installer dans une version ». Depuis, on a voulu gommer tout le côté didactique. Et puis on est là pour montrer de belles choses.

Le disque est autoproduit ?

Roland : Oui, on l’a sorti en mai 2016. Il est distribué par Coop Breizh.

Il a été enregistré assez tard par rapport à la création du spectacle.

Roland : En fait, c’est toujours le problème. L’idéal est d’enregistrer l’album quand tu commences ta tournée. Mais souvent on n’a pas le temps de le faire et c’est le cas, ce qui est dommage parce que nos disques se vendent surtout en concert. Ce qui est dur pour des groupes comme nous ou des concerts comme ça, au bout de deux ans, c’est de continuer à relancer pour avoir des gens qui nous fassent venir. Ce n’est pas le plus facile.

L’idéal c’est une belle salle avec des belles lumières. Sinon, on va faire quelques concerts à domicile. Avec cette formule à trois, ça s’y prête vraiment bien. Il y a un petit public de 50 à 70 personnes et puis tu chantes pour les gens, c’est vraiment agréable. Cette petite jauge est vraiment bien pour le spectacle qu’on présente.

Et c’est pratique pour faire chanter le public.

Roland : Oui, c’est ça. Et puis il n’y a pas la barrière de la sono. D’habitude on a des micros dans les cheveux, donc on n’utilise pas les retours pour À l’Arrivée de mon retour (!). C’est un concert où on prend le son de la salle et nous sur scène. Le plateau est libre, dégagé.

« Tous les trois on a toujours eu deux activités, par choix ou pas »
Mathieu, présentes-tu encore sur scène ton spectacle solo Chansons Compagnes ?

Mathieu : Non, je ne dis pas que je ne le ferai pas encore une dernière fois, mais je l’ai fait pendant deux ans après la création du spectacle. Je pense que, maintenant, si j’avais quelque chose à refaire, je ferai autre chose. En solo il y a toujours de la matière. Le principe de départ était très simple, c’était de faire toutes les chansons que j’aimais bien chanter, mais qui n’étaient pas forcément que des chansons traditionnelles. C’étaient des chansons françaises un peu engagées et qu’il y avait dans la discothèque familiale. J’ai beaucoup aimé cette expérience.

Il y avait une dimension un peu théâtrale, une mise en scène, dans ton spectacle solo. Dans votre trio y a-t-il cet aspect-là ?

Mathieu : Ce n’est pas si éloigné. Parce que dans le spectacle de chansons solo, je lis un texte à un moment mais je ne parle pas, ce n’est que du chant. C’est plus la façon d’aborder les choses qui est un peu plus mise en espace. C’est surtout parce que je suis tout seul aussi donc c’est particulier comme proposition. Je trouve ça assez proche de ce qu’on fait tous les trois. Le répertoire est très différent et c’est un spectacle qui m’est très personnel dans les chansons que je choisis et les choses que je veux évoquer et là où je veux emmener les gens.

Tu es chanteur et paysan, tu as deux métiers à plein temps ?

Mathieu : Non, j’ai toujours voulu concilier les deux parce que ce sont les deux choses que j’aime faire, mais je ne fais pas deux temps complets. Déjà c’est assez compliqué, mais là ce serait infernal ! J’essaie de faire en sorte que mon activité d’agriculteur me laisse suffisamment de temps pour chanter, pour pouvoir aller assez loin dans les projets et pas uniquement survoler ce que je peux faire. C’est me donner les moyens de travailler quand il faut et de partir chanter quand il faut aller chanter ou partir en tournée, d’avoir juste du temps pour faire ça. Mais je fais moins aussi en tant que chanteur que quelqu’un qui ne fait que ça parce que le temps n’est pas extensible non plus. J’aime bien faire les deux, c’est justement ce que j’expliquais dans mon spectacle solo.

Roland, toi aussi tu as plusieurs activités ?

Roland : C’est une des particularités qu’on a aussi au niveau du trio, c’est que tous les trois on a toujours eu deux activités, par choix ou pas. C’est vrai que si j’avais pu à un moment ne faire que ça, je pense que je l’aurai fait, mais je l’aurai fait sans doute différemment aussi. Ça a de gros avantages d’avoir deux activités. En sachant que, comme le dit Mathieu, quand on est sur un projet musical on s’y donne à fond, autant que si on avait que ça à faire. Et c’est grâce à ça aussi qu’on arrive à continuer et qu’on y trouve de l’intérêt, c’est de s’y donner à fond. Ça peut avoir une limite aussi. Si on ne faisait que ça, on aurait des besoins financiers qui seraient mis en avant, qui nous pousseraient peut-être à faire d’autres choses. Il y a une affaire de reconnaissance aussi qui est peut-être autre. Le fait d’avoir cette double casquette est aussi une richesse.

Tu t’occupes aussi de Dastum 44 ?

Roland : Je suis toujours à Dastum 44 en tant qu’administrateur. On l’avait monté ensemble d’ailleurs. À l’époque, c’était Robert BOUTILLER qui travaillait à Dastum comme coordonnateur. Son idée était de multiplier les antennes. Il y en avait déjà une en Basse-Bretagne. Depuis, il y a eu plusieurs antennes qui ont été montées. Nous, on s’était occupés de monter un pôle à Nantes pour s’occuper de la collecte de chants en Loire-Atlantique. Il y a du travail à faire là aussi.

« On est toujours dans une recherche de répertoires,
de rencontres de chanteurs »
Vous faites toujours du collectage ?

Mathieu : Non. Du collectage vraiment assidu, j’en ai fait dans les années 1990, beaucoup avec Charles. Depuis, j’ai eu moins de temps donc j’y suis beaucoup moins allé. Mais en fait, du collectage, on en fait toujours. Même si on n’y va pas forcément toutes les semaines, on continue à en faire de plein de façons différentes. Je continue à aller voir certaines personnes que j’ai enregistrées dans ces années-là qui sont à côté de chez moi. Entre autres une dame qui s’appelle Clémentine JOUIN. Ce n’est plus de la collecte parce qu’il y a une relation autre qui s’installe. On est toujours de toute façon dans une recherche de répertoires, de rencontres de chanteurs. C’est sans fin et, si on ne va plus faire du porte à porte, on fait de la collecte par la rencontre, ça passe par de l’écrit, par n’importe quoi. On est toujours en recherche.

Donc il y a encore des chansons à découvrir ?

Roland : Bien sûr !

Mathieu : Oui forcément. Il y a tout un répertoire de fond commun que tout le monde connaît, le répertoire qui est un peu à la surface de tout, À la cour du palais, À la claire fontaine, etc. Quand on creuse, il y a des versions de ces chansons-là qui ne sont pas connues, et puis il y a toujours des petites perles à trouver. C’est la richesse de la tradition orale qui fait que les chansons bougent tout le temps.

« La chanson était aussi un moyen d’expression politique
du petit peuple »

Roland : J’ai travaillé il y a peu de temps avec une petite maison d’édition parisienne qui a retrouvé le travail d’un imprimeur parisien des années 1890-1910-1920 qui avait fait de la collecte à Paris, des chansons de la petite pègre parisienne, des chansons de voleurs, de bandits, de prisonniers. Ils ont réédité ce livre-là et, en même temps, un disque qui reprend ce répertoire-là.

En lisant le bouquin, j’ai trouvé une belle chanson de prisonnier dont ils donnent trois ou quatre versions, une version qui avait été écrite par un prisonnier sur les murs de sa cellule et puis deux ou trois autres versions qui diffèrent simplement par le nom de la bande de voleurs qui est évoquée. On est encore dans le même monde, dans une chanson populaire vivante qui foisonne. Ce sont des chansons parfois dures à retrouver. Mais même dans le monde de la tradition qu’on côtoie un peu plus, il y a la chanson subversive qu’on connaît peu mais qui existe. Il n’y en a pas autant que les chansons à danser ou que les complaintes. La chanson était aussi un moyen d’expression politique du petit peuple. Elles sont très rares parce qu’elles ont été moins transmises et qu’elles ont été très réprimées par les différents états en place.

Je m’intéresse aussi beaucoup aux chansons de faits divers. Les plus anciennes, on a beaucoup de mal à les retrouver. De la fin du 19e jusqu’au milieu du 20e, il y a eu aussi toute une production de chansons d’actualité. On chantait les grands accidents, que ce soit un accident de mine à Courrières ou l’incendie du Bazar de la charité à Paris, tout était chanté. Et les crimes évidemment ! C’est un autre domaine de la chanson populaire, qui est très intéressant parce qu’au travers de ces chansons-là, on peut écrire une histoire de France. La chanson ne dit pas forcément la réalité. Donc c’est un énorme travail à faire mais, quand on tombe sur ces pièces-là, c’est passionnant. Le monde de la chanson est très, très vaste.

Discographie du trio BHQ

  • Trois petits oiseaux il y a … (1999 – Coop Breizh)
  • Garçons sans souci (2002 – Coop Breizh)
  • La Nuit comme le Jour (2006 – Phare Ouest)
  • À l’Arrivée de mon retour (2016 – Autoproduction/Coop Breizh)

 

Entretien et photos : Sylvie Hamon et Stéphane Fougère

 

Facebook : https://www.facebook.com/Brou-Hamon-Quimbert-1606610462947351/

 

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Extraits (6 vidéos) du fest-noz du 20 mai 2017 à Paris sur YouTube: 

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