Robin FOSTER – PenInsular II (The Bridge)

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Robin FOSTER – PenInsular II (The Bridge)
(My Dear Recordings)

Les albums de Robin FOSTER sont attendus par leur public, non pas comme le loup blanc, mais plutôt comme l’hermine blanche en terre armoricaine, pays d’adoption de ce compositeur multi-instrumentiste. Il y a quelques mois, PenInsular II (The Bridge) faisait suite à PenInsular, paru en 2013, cet opus se situant toujours dans les hautes sphères de l’inventivité musicale : l’un comme l’autre sont magnifiques !

Rappelons que l’ancien guitariste britannique du groupe BETH a entamé une carrière solo en 2006, après avoir traversé la Manche en 1997. Cinq des onze titres que comporte cet album, presque totalement instrumental, sont des vocables en langue bretonne, et ces onze titres sont tous complétés par un toponyme celtique entre parenthèses : précision qui ne fait qu’accroître le mystère pour ceux qui ignorent les lieux cités ou/et ceux qui méconnaissent cette langue, afin que l’on s’en approche et que l’on s’y initie. Le breton est aussi la langue de Ma-unan (que l’on peut traduire par « Mon unique » ; (Ar faou) (« le hêtre ») se trouve juxtaposé, rappelant l’importance capitale que revêtent les arbres dans les mythes et légendes celtiques (donc, gaulois, merci Idéfix). Cette quatrième plage est un poème chanté par Madeline ANNE, sur une musique de Robin, non traduit dans le superbe livret (pour demeurer dans la tradition orale ?)

Grâce à ces mots, ces noms, et portés par d’étincelants et longs mouvements de guitares en multipistes, fondues en un philtre de piano, de claviers et de basse – joués par lui-même -, le décollage hors de la morne réalité est immédiat, et nous entrons dans la Bretagne des veillées, celle des trésors immergés ou enfouis, des korrigans sur la lande de nuit, ou encore des fantômes et apparitions, en tout cas au royaume des chimères.

Le livret du digipack joue ici un rôle déterminant pour nous aiguiller vers un monde entre rêve et cauchemar ; les clichés à grande focale de Christian GEISSELMANN ouvrent l’œil et la conscience au monde fascinant des ombres et lueurs nocturnes, notamment celui de la masse sombre de la mer ourlée de blanc que révèlent les travaux de ce photographe.

À qui a pu se plonger dans l’obscurité, en forêt, sur la côte ou mieux, en bateau par mer houleuse, ceux-ci vont immédiatement parler. Les autres se laisseront guider par leur sensibilité, leur imagination, convoquant leurs souvenirs , sans parler des créateurs et autres artistes ou écrivains – les Romantiques en premier lieu -, très souvent liés (parfois par serment) à la nuit.

Ces œuvres photographiques, ces vocables celtiques entourent le cœur de la création, l’objet essentiel de ce disque : les climats sonores qui incitent à la rêverie, même indépendamment du livret. La force évocatrice de cette musique est d’une grande ampleur, portant en elle la pulsion marine (le ressac de l’océan), la fusion des éléments terrestres et célestes et la course des nuages qui défient le temps, sans cesse renouvelés, en un spectacle unique.

La batterie aux rythmes variés de l’excellent Steve « Smiley » BARNARD ayant posé un jeu très subtil sur ces partitions complexes joue ici un rôle déterminant dans notre perception d’un temps différent parce qu’intérieur. Le mixage de l’album par Robin FOSTER et Jim SPENCER, l’enregistrement final par ce dernier à Manchester (tiens, ça me rappelle un quatuor), toutes ces composantes représentent la partie cachée de cette poésie électrique.

Les surprises sonores en sont d’autant mieux mises en valeur : le poème cité, en breton, mais aussi celui de Dave PEN, en anglais, chanté lui aussi par son auteur, en parfaite cohérence avec cet ensemble que l’on devine le fruit d’innombrables heures d’un patient travail. The Bridge est une suite logique à PenInsular dont le son identifie immédiatement son compositeur et qui en poursuit l’œuvre par de nouvelles variations, la Musique étant une pièce d’infini et d’éternité – ici, c’est vraiment le cas -, et pour tout dire, intemporelle.

Il serait tentant de qualifier ces compositions de musique progressive : le temps s’étire, l’esprit quitte le monde matériel comme il le fait en écoutant les mythiques architectures de PINK FLOYD ou le meilleur de Mike OLDFIELD, par exemple.

Mais peu importe l’étiquette que l’auditeur lui confère, car cette œuvre est bel et bien source du plaisir intense qu’engendre la plénitude du voyage sonore issue de la coïncidence entre un mode d’expression (le rock lent et majestueux) avec la sensibilité de l’ouïe, comme celle d’une fleur grand ouverte vers son bonheur. On souhaite à Robin FOSTER d’enchanter de multiples ouïes lors de concerts que l’on devine mémorables, sur toute la planète, à commencer par sa terre d’élection : le pays de Breizh.

Mescalito

Site : www.robinfoster.fr

Page : https://robinfoster.bandcamp.com/album/peninsular-ii-the-bridge

Label : www.my-dear-recordings.com

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