Crossroads Confined Countdown Festival : Le compte à rebours musical du confinement

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Crossroads Confined Countdown Festival

Le compte à rebours musical du confinement

Depuis le 1er mai se déroule sur Youtube un festival international exceptionnel qui propose 100 concerts sur 10 jours, le Crossroads Confined Countdown Festival. Des musiciens de divers styles (rock, blues, folk, métal…) et de divers pays jouent confinés chez eux environ trente minutes, seuls ou en groupe grâce à une multividéo, pour un résultat de qualité aussi bien sonore que visuelle. Parmi eux trois artistes Navajo ex-BLACKFIRE, Klee BENALLY en solo et le duo SIHASIN (rejoints par leur père, le chanteur et danseur traditionnel Jones BENALLY), Jimme O’NEILL des SILENCERS, le duo de folk alpin FACTEURS CHEVAUX, le hard-rocker Breton Pat O’MAY, le bluesman Archie LEE HOOKER et son groupe, le rocker Havrais LITTLE BOB, et bien d’autres…

Si ces concerts sont accessibles gratuitement sur Youtube, le public a la possibilité de faire un don grâce à deux liens qui se trouvent sous la vidéo, qui seront partagés entre les artistes et cinq associations d’aide aux plus démunis (Artists Relief Project, The Blues Foundation, Help Musicians UK, Médecins du Monde et Navajo Hopi Solidarity) : soit avec le premier lien un don général au festival qui sera partagé entre les artistes, soit avec le second lien un don destiné à l’artiste de son choix.

Le Crossroads Confined Countdown Festival, organisé par Christophe GOFFETTE, auteur, éditeur, rédacteur en chef, journaliste (fanzine rock Médiators, Best, Brazil, Compact, Compat Live, CROSSroadS, Fluide Glacial…), était prévu à l’origine pour 10 jours. Il est désormais prolongé jusqu’au 29 juin pour arriver à un total de 200 concerts !

Entretien avec Christophe GOFFETTE

Ce festival existe-t-il déjà ou a-t-il été créé uniquement pour la période de confinement des musiciens ?

Christophe GOFFETTE : J’avais imaginé et organisé un festival, Crossroads Night, en juin 2004, le 18 juin comme un « nouvel appel du 18 juin », à l’Olympia de Paris, avec 70 musiciens du monde entier, comme un appel à surtout conserver la musique au cœur des débats. C’était l’époque où les gros tourneurs ont commencé à vampiriser le spectacle vivant, où les petits lieux avaient du mal à survivre ou d’ailleurs ne survivaient pas et fermaient. On a battu deux records : le concert avec le plus d’artistes (hors orchestre évidemment) et le plus long concert (presque dix heures !) de l’histoire de l’Oympia.

Comment t’est venue l’idée de ce festival ? Pourquoi le nom Crossroads ?

Christophe : Quand Macron a fait son discours, le 13 avril au soir, quand j’ai appris que les festivals et les concerts ne seraient pas possibles avant au moins la mi-juillet, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose, pour tous mes amis musiciens, en particulier les Américains, et de manière générale pour tous les musiciens. Il s’appelle Crossroads car j’ai créé, édité la revue Crossroads pendant une dizaine d’années, de 2001 à 2011 inclus, et bien sûr j’en étais aussi le rédacteur en chef et l’un des principaux « écrivants ». Et puis pour toute la symbolique qui va avec, et qui était déjà l’origine de l’appellation de la revue.

As-tu lancé un appel ou contacté les musiciens ? As-tu des demandes de la part de musiciens ?

Christophe : J’ai d’abord contacté les amis, ceux qui d’ailleurs étaient déjà de la Crossroads Night, puis ceux qui n’avaient pas pu en être, puis ceux avec qui j’ai sympathisé après, et ensuite j’ai étendu en contactant les amis des amis, etc. Il n’y a donc pas vraiment eu d’appel, mais je reste ouvert et j’écoute tout ce qu’on me propose, dès lors bien sûr que cela s’inscrit dans le spectre très large des musiques que, déjà, nous défendions dans Crossroads. À quelques micro-exceptions près, comme le rock progressif, très présent dans nos pages, mais qui souffre assez du dépouillement auquel le confinement force.

Quels sont les styles représentés ? De quels pays jouent les musiciens ?

Christophe : C’est rock & roots au sens très très large… Il y a du blues, de la folk music, de l’americana, du rock, du hard ou heavy rock, un peu de world music ou de musiques disons transversales, je n’ai pas vraiment de limites. Je ne me fie de toute façon pas uniquement à mes goûts et j’essaye de proposer des choses pour toutes et tous. À titre personnel, il y a environ un gros tiers de la programmation qui concerne des groupes ou artistes que je n’écoute pas du tout. Ensuite, j’applique le même principe que nous avions pour la revue. Peu importe la taille du budget, peu importe que ce soit signé sur une major ou une microscopique auto-production, tout le monde fait un concert d’une demi-heure environ et bénéficie de l’ensemble des outils de communication que nous mettons en place au fur et à mesure — car bien sûr avec seulement seize jours entre l’annonce du festival et nos premiers concerts, nous avons rectifié un certain nombre de choses — et continuons de le faire.

Comment ça se passe au niveau de l’organisation et au niveau de la technique ? De quel matériel doivent disposer les musiciens ? Y a-t-il des répétitions ?

Christophe : Au début, nous pensions faire beaucoup plus de « vrais » concerts live, mais il se trouve que les connexions internet de la plupart, même parfois avec la fibre, ne nous garantissaient pas un résultat parfait, à de rares exceptions près. Du coup, nous sommes progressivement passés quasi intégralement sur du pré-enregistrement dans les conditions du live, sans cut ni post-prod. C’est plus sécurisé et surtout nous sommes sûrs que les groupes vont sonner comme ils ont envie de sonner. Parfois, c’est de la haute voltige, on a récupéré des choses filmées dans des zones blanches ou quasi, bref c’est très varié et on ne s’ennuie pas !… Ensuite chacun fait avec ce qu’il a. Parfois, les musiciens sont confinés avec du matos un peu basique. Parfois ils ont besoin de répéter, oui, comme LITTLE BOB ce soir, parce qu’il va jouer avec un line-up de circonstance, puisqu’il était impossible de faire venir ses musiciens attitrés jusqu’à lui, ni de les filmer chacun chez eux. Car c’est aussi une possibilité, parfois, mais ça demande un énorme travail de post-synchronisation, et certains ne sont pas équipés du tout ou sont novices en la matière.

Beaucoup de directs ont lieu sur Facebook. Pourquoi avoir choisi Youtube ?

Christophe : Facebook c’est peut-être bon pour l’ego, je ne sais pas, avec tous ces petits cœurs qui volent, ces likes par dizaines, mais au niveau du rendu image et son c’est au mieux atroce, au pire impossible à regarder, il y a des drops en permanence, on perd le flux, on le retrouve, etc. ! On ne pouvait décemment pas proposer ça aux gens. Alors bien sûr, on aurait pu doubler Facebook en plus de Youtube, mais j’ai préféré m’assurer que tout le monde verrait chacun de nos concerts dans les meilleures conditions possibles. Un autre grand inconvénient de Facebook, c’est que ça disparait dans les abysses « réseausociétales » après deux ou trois jours. On ne peut pas non plus les ranger ou même ne serait-ce que les récupérer pour un autre usage. Bref, Youtube est plus sérieux à tout point de vue. L’idéal aurait été Vimeo, mais ils sont loin d’avoir la force de frappe de Google (puisque Youtube, c’est Google).

Tu as introduit une nouveauté qui me semble indispensable à l’heure où l’on diffuse beaucoup de musique gratuitement : le fait de pouvoir faire un don aux artistes. À cela s’ajoutent cinq associations d’aide aux plus démunis. Pourquoi le choix de ces cinq associations ?

Christophe : Ce n’est pas si nouveau que ça, mais c’est vrai qu’on essaye de l’appliquer à une plus grande échelle et sur un plus long laps de temps. La raison est simple : derrière les festivals et autres événements d’importance, il y a souvent des entreprises, des sponsors, bref un certain nombre de partenaires qui attendent un retour sur investissement. Ici, il n’y a que moi, avec l’aide d’un de mes fils. Nous donnons notre temps et notre énergie pour aider les musiciens. Du coup, effectivement, ça permet de généraliser l’appel aux dons, car il n’y a pas un milliard de personnes qui se goinfrent au passage. Ainsi, chaque don, même minime, compte vraiment. Il n’y a pas de déperdition. Quant aux ONG, j’ai regardé un peu ce qui existait et j’ai choisi ces cinq-là car elles me paraissent assez complémentaires. Bien sûr, on aurait pu en avoir plus, mais une fois encore je préfère que nous fassions nous-mêmes des dons un minimum conséquents, à donc cinq entités, que des plus petits dons à beaucoup plus d’entités.

J’ai choisi Artists Relief, car ils regroupent déjà une multitude de plus petites associations et ils sont partout sur les États-Unis. The Blues Foundation a plus de 40 ans d’ancienneté, et rayonne un peu partout. Surtout, beaucoup des musiciens parmi les plus touchés par les dommages collatéraux de cette pandémie sont âgés et parmi la proportion la plus âgée des musiciens on trouve beaucoup de bluesmen. Bref, avoir Artists Relief et la Blues Foundation garantissait un bon équilibre. Help Musicians est britannique et travaille aussi admirablement bien. Médecins du Monde, c’est complètement autre chose et c’est nettement plus lié à la maladie elle-même. Il se trouve que je voulais quand même une ONG française et eux sont les plus actifs en Afrique et au moment de démarrer tout cela j’avais vraiment peur que ça dégénère en Afrique où beaucoup de pays sont moins bien équipés et moins bien préparés. Navajo Hopi Solidarity enfin, est une toute nouvelle association créée seulement quelques jours avant que moi-même je n’annonce le festival. Ils font un boulot de terrain remarquable auprès des populations Navajo et Hopi. Je précise que la Réserve Navajo au nord de Flagstaff est le troisième endroit le plus touché aux États-Unis, après New York et le New Jersey. Bien sûr, le gouvernement américain les laisse se démerder, déjà qu’ils n’aident pas les autres !…

Y a-t-il beaucoup de dons ? Avec les dons déjà effectués, les musiciens seront-ils rémunérés comme s’ils s’étaient rendus à un festival ?

Christophe : Pour l’instant, si la partie artistique est un beau succès, tout ce qui concerne les dons est très décevant. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai prolongé le festival, pour avoir le temps de rectifier le tir et de mieux concentrer mes efforts sur les dons. La situation est assez complexe. Déjà, beaucoup croient que la musique peut être gratuite, un peu comme si, pour en revenir aux réseaux sociaux, les musiciens pouvaient se nourrir de petits cœurs ou payer leurs factures avec des likes. Dans l’esprit de certains, tu sais, un abonnement spotify paye toute la planète musique ! C’est juste ridicule. Bref, il faut aussi faire de l’éducation. Si tu ajoutes à cela le fait que beaucoup des gens qui vont à des concerts et écoutent de la musique sont eux-mêmes touchés financièrement par cette crise, c’est vraiment compliqué. Je pense que la plupart des musiciens ne participent pas pour s’enrichir, et d’ailleurs aucun ne s’enrichira. Mais ils vont gagner quelques dizaines ou parfois quelques centaines d’euros, sans doute pas plus, mais aussi avoir une bonne visibilité, développer de nouveaux contacts, s’entraider parfois entre eux — nous avons créé un backstage virtuel —… Enfin, pour booster les dons, nous allons varier les portes d’entrée. Une compilation festival (200 ex en vinyle) est proposée depuis deux jours, on va avoir une série limitée de t-shirts, sans doute des sérigraphies, etc.

Quelle est l’audience moyenne de chaque concert ?

Christophe : Il n’y a pas vraiment de règle. On plafonne souvent à max 100 personnes en même temps sur les live ou première, puis ça continue de grimper. On doit avoir une dizaine de concerts qui ont passé les 1000 vues, pas mal qui s’en approchent. On continue de construire tout ça, au jour le jour. Quand je vois qu’un concert a été moins suivi, quelles qu’en soient les raisons (ça peut être parce qu’au même moment il y avait un discours d’un ministre quelconque sur je ne sais quoi en relation avec le confinement — ou le déconfinement d’ailleurs), hé bien je rectifie le tir en communiquant un peu plus dessus ou en le laissant un peu plus longtemps en début de playlist.

As-tu des retours du public et des artistes ? Si oui, lesquels ?

Christophe : Oui, bien sûr, j’ai des retours de tout le monde, en temps réel. C’est l’un des rares avantages d’un festival online, les musiciens n’arrivent pas trois heures avant leur set pour repartir le soir même pour un autre festival. On peut rester tous ensemble, jusqu’à la fin de l’événement. Et je suis même persuadé que naîtront des liens et des amitiés qui iront bien au-delà.

La diffusion sur Youtube a-t-elle un coût ?

Christophe : Non, c’est gratuit. Il faut juste atteindre rapidement un certain nombre d’abonnés pour débloquer certaines fonctionnalités importantes. Bon, à maintenant 2200 abonnés en 10 jours de concerts, on est bon…

Les concerts vont-ils rester sur Youtube et les dons seront-ils toujours possibles dans les mois/années à venir ?

Christophe : Les concerts vont rester sans doute… tout le temps ! Sauf si bien sûr au moins un des artistes veut l’enlever, car dans mon esprit, c’est un peu un pack, un « tout ou rien ». Mais pas de raison, on fait tout pour que chacun se sente au mieux. Enfin, les dons vont sans doute rester disponibles jusqu’à la fin du mois d’août. Évidemment, si plus personne ne fait de dons début juillet, on arrêtera. En septembre, je serai parti pour d’autres aventures, je ne pourrais plus y consacrer le temps nécessaire.

Où peut-on trouver les annonces des prochains concerts ?

Christophe : J’annonce les concerts au fur et à mesure, d’une part parce que nous devons faire face à des problèmes de dernière minute… quasiment toutes les dernières minutes ! Et aussi pour ne pas court-circuiter la promo des concerts du jour. Là, le festival vient donc d’être prolongé et on va ralentir le nombre de concerts les jours de semaine (deux par soir, du lundi au jeudi, voire au vendredi) avec toujours plus de choses les samedis et dimanches.

Sur la page du festival, il y a le line-up qui est mis à jour au fur et à mesure que j’annonce les nouveaux arrivants : https://goofprod.com/crossroads-confined-countdown-festival

Sur la page Facebook, on publie plus souvent, mais les concerts sont bien sûr visibles d’abord sur Youtube puis sur le site (nous avons une page par artiste).

Enfin, je vais annoncer dans quelques minutes ou dizaines de minutes nos deux gros morceaux de lundi et mardi soir, à savoir les frères BOUCHARD (du BLUE ÕYSTER CULT) lundi et JESUS VOLT mardi. Les concerts sont à 22h15.

Nous essayons d’améliorer la communication au fur et à mesure des jours qui passent, mais je fais tout de A à Z sur ce festival, avec juste l’aide d’un de mes deux fils.

Entretien réalisé par courriel le 10 mai 2020 par : Sylvie Hamon
Photos : captures vidéos (Facteurs Chevaux, Klee Benally,
Sihisin (& Jones Benally), Pat O’May, Jimme O’Niell (Silencers),
Archie Lee Hooker & The Coast to Coast Blues Band, Little Bob & his Lockdown Friends)

Site : https://goofprod.com/crossroads-confined-countdown-festival/

Sur la chaîne Youtube, plus d’une centaine de concerts :
https://www.youtube.com/c/CROSSROADSROCKROOTSSOUNDplusVISION/

Quelques concerts:
YouTube player

 

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