Ana ALCAIDE – Tales Of Pangea : GOTRASAWALA Ensemble

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Ana ALCAIDE – Tales Of Pangea : GOTRASAWALA Ensemble
(ARC Music)

AnaAlcaide-GotrasawalaEnsembleAvec ses albums Como La Luna y el Sol et La Cantiga del Fuego, diffusés hors de ses murs par ARC Music, l’Espagnole Ana ALCAIDE s’était imposée comme la musicienne qui avait introduit dans une musique d’inspiration judéo-espagnole et un répertoire séfarade un instrument pour le moins exotique, la nyckelharpa, soit la vièle à clavier médiévale suédoise.

Défricheuse invétérée, Ana ALCAIDE a cette fois quitté les rues de sa ville, la célèbre Tolède, dont l’histoire est pourtant sa source d’inspiration principale, et est allé faire entendre ses chants et son instrument non vernaculaire en Indonésie, plus précisément dans la région Ouest de l’île de Java, dénommée Sunda.

Le producteur Frankie RADEN l’a invitée en 2013 à se produire au festival Gotrasawala (« rassemblement mondial »), dont l’objectif est de confronter les arts sundanais à des expressions plus internationales.

Ana ALCAIDE a ainsi eu toute latitude pour rencontrer des musiciens locaux, développer avec eux une collaboration artistique sur le long terme qui l’a amenée à retourner à Sunda en 2014, et créer avec eux un nouveau répertoire dont ce CD est la résultante.

Pour qui avait connu les précédentes réalisations discographiques d’Ana ALCAIDE, la surprise est de taille. Car de bout en bout, l’album baigne dans des climats typiques de la musique sundanaise. Pas celle des gamelans Degung ou Sunda, mais plutôt celle, feutrée, nocturne et envoûtante, du tembang sunda (ou cianjuran). Apparue au XIXe siècle, cette forme d’expression qui mêle musique et poésie sundanaises est accompagnée par un ensemble « kacapi-suling » (cithares et flûte de bambou), et on a pu le découvrir en Occident à travers les enregistrements des chanteuses Imas PERMAS et Ida WIDAWATI.

Hormis un psaltérion, un oud et une guitare espagnole de passage – et bien sûr le nyckelharpa d’Ana ALCAIDE – on n’entendra guère d’instruments occidentaux ici. La cithare kacapi, les flûtes suling et banding et le tambour kendang sundanais posent un décor profondément enchanteur et onirique dans lequel la nyckelharpa de notre muse de Tolède se fond magistralement comme neige au soleil, comme si l’instrument avait toujours fait partie de cette tradition musicale, dans les gammes de laquelle il ajoute juste quelques fragrances espagnoles.

Au fond, Ana ALCAIDE n’a pas formé un nouveau groupe ; elle s’est intégrée à un groupe (le GOTRASAWALA Ensemble, donc), et elle y fait preuve de retenue, voire de discrétion, laissant ses collaborateurs indonésiens se mettre en valeur, tant musicalement que vocalement. Car pour la première fois sur un disque crédité à son nom, Ana ALCAIDE ne fait pas entendre son timbre de voix, préférant céder le chant à l’Indonésienne Novi AKSIMIRANTI, à la voix autrement séduisante et éthérée, parfois proche de celle d’Ana. La ressemblance est du reste frappante sur le premier morceau chanté, Kalbu Ngalagu.

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Avec Novi AKSIMIRANTI, nous nous imprégnons de cet art raffiné et sensible qu’est le tembang sunda, qui ouvre sur un monde divin délesté de toute lourdeur profane. Sur Madenda, c’est une voix masculine qui se fait cette fois entendre, celle, plus éraillée et éplorée, d’Iman JIMBOT, dont on jurerait qu’il a été chanteur de flamenco dans une autre vie !

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À l’écoute de ce disque, il semble que la distance entre l’Espagne et Java-Ouest est surtout plus géographique qu’artistique, tant ces musiciens espagnols et javanais se sont trouvés un territoire musical conjoint. Du reste, Tales Of Pangea fait référence à ce continent unique, ou supercontinent, formé du temps de l’ère paléozoïque. Une seule Terre, un patrimoine commun, c’est bien l’impression qui se dégage de cette création assurément inédite dans la sphère des rencontres musicales et autres « fusions » world. Rien n’apparaît forcé ni racoleur, tout semble couler d’une source explorée en profondeur, à la faveur d’une écoute mutuelle qui ouvre sur un partage tant musical que spirituel.

Cette rencontre aussi improbable que subjuguante est à priori la première d’une série de collaborations qu’Ana ALCAIDE envisage de mener avec des musiciens issus d’autres cultures que la sienne ; et Tales of Pangea est en fait le titre générique d’une série d’enregistrements dont ce disque est le volume inaugural.

On ne saurait trop vous conseiller, en attendant les prochains volumes, de prendre le temps de vous abandonner à la quiétude, à la finesse et à la sérénité distillées par ce GOTRASAWALA Ensemble. Vous y changerez en qualité de rêve…

Stéphane Fougère

Site : www.anaalcaide.com

Label : www.arcmusic.co.uk 

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