Bill RIEFLIN – Birth of a Giant // RIEFLIN-FRIPP-GUNN – The Repercussions of Angelic Behavior

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Bill RIEFLIN – Birth of a Giant //
RIEFLIN-FRIPP-GUNN – The Repercussions of Angelic Behavior
(First World Music)

C’est sûr, il y a de quoi en avoir les cheveux dressés sur la tête : l’ancien batteur de MINISTRY (Bill RIEFLIN), entendu aussi chez KMFDM ET NINE INCH NAILS, à l’ouvrage avec l’éminence « cramoisie » (Robert FRIPP) flanquée de sa bête qui monte, qui monte (Trey GUNN), voilà un tiercé qu’on n’aurait pas osé jouer ! Il y avait pourtant eu un signe avant-coureur : FRIPP et RIEFLIN s’étaient déjà retrouvés à jouer en invités sur l’album du groupe TEN SECONDS (DGM). Et puis surtout, RIEFLIN a monté son propre label, First World Music, sur lequel on retrouve aussi une collection de démos de Trey GUNN (Raw Power : Surfacings 1).

Bill RIEFLIN avait en tête l’idée d’un album solo, sans trop savoir quoi y mettre ou comment, et Robert FRIPP, avec quelques autres, est venu l’éclairer. Cela a donné lieu à des sessions prospectives qui ont elles-mêmes abouti à la parution de deux albums très différents, Birth of a Giant et The Repercussions of Angelic Behavior.

Le premier est a priori plus écoutable pour un humain normalement constitué du fait de son orientation globalement pop-rock, mais qui est infusée par tellement d’éléments plus marginaux et expérimentaux qu’il pourra faire l’effet d’une traîtresse absinthe ! Bien que très porté sur les rythmiques, Birth of a Giant dévoile les talents multi-instrumentaux de son auteur qui, outre la batterie, officie également aux claviers (synthé, orgue, piano..), et à la basse. Ah ! et il chante aussi ! Première nouvelle ! Et quand vous saurez que son timbre vocal lorgne dangereusement vers celui de David SYLVIAN, vous aurez du mal à écouter Birth of a Giant autrement que comme un cousin germain de l’album The First Day, de David SYLVIAN et Robert FRIPP, d’autant que Trey GUNN est aussi de la partie !

Robert FRIPP est précisément l’autre cheville ouvrière derrière ce Birth of a Giant, intervenant à toutes les guitares possibles et imaginables et ouvrant le champs des possibles au-delà de tout formatage. Et comme si ça ne suffisait pas, Steve BALL (de la LEAGUE OF CRAFTY GUITARISTS) ajoute d’autres guitares, et Trey GUNN fait bien sûr entendre ses Warr et Supremes Guitars.

En fait, les guitares changent de noms à chaque morceau : il y a l’ »angular guitar », la « vibro guitar », l’ »insect guitar », la « durango guitar », la « freight train guitar », la « paranoid guitar », la « shattered guitar », etc., ce qui en dit long sur la richesse des textures et des climats élaborés ici.

Ça va de morceaux bien groovy et relevés comme Open Mouth, Endless Day, l’abrasif Spy Thriller ou l’incendiaire Outro (non intro) à des pièces plus troublantes (Ballad of Maria Banter) voire flottantes, comme A Casual Observation et Hanging Gardens (réhaussé par les violons et violoncelle de l’ALEXANDRIA QUARTET), en passant par des zones extra-terrestres telles que Secret Cafe et Uncomfortable Cafe.

Ici et là interviennent de plus les voix plus ou moins trafiquées de Chris CONNELLY, de Pamela GOLDEN,de Scott CRANE, de Mark WALK, plus les « blips » de Carmen RIZZO, et toutes sortes d’aliens sonores (clicks, clacks, bleeps, gronks…). On aura compris que Birth of a Giant explore plusieurs directions, mais reste étonnamment très cohérent.

Le second disque, The Repercussions of Angelic Behavior, est à Birth of a Giant ce que Heaven & Earth de PROJEKCT X est à The ConstruKction of Light de KING CRIMSON : l’alter ego sauvage, pas vendable, mais que l’on met discrètement à disposition des têtes brûlées avides d’improvisations free-rock-high-tech ! À charge pour elles de se procurer ledit objet en dehors des circuits officiels, bien entendu…

Le mot d’ordre de ce « companion disc » est le suivant : au diable les balises et en avant vers l’inconnu ! Radicalement exploratoire et minutieusement jusqu’auboutiste, ce cocktail molotov musical n’a rien à envier aux différents PROJEKCTS crimsoniens et s’avère même être un très recommandable demi-frère de ceux-ci.

Radiations de cordes corrosives, brouillards de soundscapes, inondations de Warr guitar, acidités jazzistiques, inflammations percussives et tournantes rythmiques se déversent avec application et jubilation le long d’une dizaine de compositions « instantanées » répondant à d’obscures dénominations comme Brown Soufflé, Blast, Retarded, Lost & Found Highway, Strangers on a Train, Hootenanny at the Pink Pussycat… Mais de toute façon, les titres ne sont même pas mentionnés sur le CD, alors… !

Il faut en effet vous les procurer sur le site du label First World Music, où vous les trouverez mentionnés non par ordre de placement dans l’album, mais dans l’ordre alphabétique ! Loisir est ainsi donné à l’auditeur d’appliquer tel titre à telle pièce, en fonction du climat de celle-ci ou de sa propre humeur. Finie l’écoute distraite !

Cet album est en tout cas indispensable à tous ceux qui s’intéressent aux sublimations de l’essence rock ouvrant sur des terrains en friche et autres quatrièmes dimensions.

Stéphane Fougère

(Chronique originale partiellement publiée dans
TRAVERSES n°8 – mars 2001, augmentée et complétée en 2020)

 

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