Brian ENO – Lux

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Brian ENO – Lux
(Warp Records)

C’est comme si nous étions aspirés dans le grand vide en partance pour un long voyage dans le néant, et nous nous retrouvions finalement dans un monde oblique à priori inconnu. Cependant, un fort sentiment de familiarité ne cesse de se frayer un chemin dans notre esprit. Un monde peut-être assez ressemblant à celui de la pochette ? Tout semble irréel. Nos sens, nos perceptions, notre vision sont désorientés. Les couleurs de ce nouveau monde changent constamment. Mais cela ne nous inquiète pas pour autant car toutes ces couleurs qui défilent sont des plus apaisantes.

Nous sommes submergés par un sentiment de sécurité, de bien-être. Nous passons du rose aux ambiances bleutées, du violet, au marron-jaune (c’est ce que nous voyons à travers les quatre reproductions, des variantes de la pochette, incluses dans le CD). Et la musique étrange qui se fait entendre au loin, discrète, est en parfaite harmonie avec ce décor familier, tantôt automnal, pluvieux, tantôt printanier et chatoyant.

Lux est une imposante pièce composée de quatre longs morceaux, qui semblent unis par une même force invisible. Approchant chacun les vingt minutes, ils sont pour l’esprit humain une entrée stupéfiante dans un monde bien singulier. Ce genre d’expérience sonique est assurément difficile, et pour beaucoup l’ennui voire la somnolence risquent de frapper.

Pour public averti uniquement, ce disque est une plongée dans la musique ambiante pure. Afin de comprendre Lux, et l’apprécier, il est obligatoire de connaître les albums plus anciens de Brian ENO : Discreet Music, Music for Airports, Thursday Afternoon, Neroli et toute la série de musique prévue pour des installations sonores et visuelles dans des galeries et autres musées, disponible essentiellement sur le site Enoshop (Kite Stories, Music for Civic Recovery Centre, Compact Forest Proposal…).

Cette fois-ci, Lux est une création ambiante spécialement composée pour la grande galerie du palais de Venaria près de Turin dans le Piémont… Rien que ça, me direz-vous ! Pour un tel édifice datant du 17e siècle et au passé si hautement historique, nous imaginons bien que Brian ne va pas se lancer dans quelque chose de tapageur. La musique est douce, féérique au début puis devient presque évanescente au fur et à mesure qu’ elle s’étire dans le temps. Elle déploie toute sa beauté diaphane, se déplaçant avec lenteur, donnant même parfois l’impression de flotter. Les notes du piano s’écoulent avec délicatesse telle des larmes de joie.

Sur ce disque, nous retrouvons quelques musiciens fidèles, à savoir Leo ABRAHAMS à la guitare moog, assez difficilement perceptible par ailleurs, et Nell CATCHPOLE aux instruments à
cordes (violons, altos). La réunion de tous ces éléments contribue à donner à l’ensemble un aspect hors du temps, imprégné de mélancolie.

ENO continue ainsi de nous émouvoir avec son style inimitable ; certes, cet album est peut-être un peu long, glacial, sans âme, distant, répétitif, et ne possède certainement pas la puissance émotionnelle de Music for Airports ou de l’émouvant The Plateaux of Mirror, mais Lux reste tout de même un disque atmosphérique assez convaincant pour être écouté jusqu’au bout.

Cédrick Pesqué

Site : www.eno-web.co.uk

Label : www.warp.net

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°33 – juin 2013)

 

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