CHEER-ACCIDENT – Fear Draws Misfortune

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CHEER-ACCIDENT – Fear Draws Misfortune
(Cuneiform/ Orkhêstra)

On doit au label américain Cuneiform Records de nous faire découvrir régulièrement de jeunes formations de rock avant-gardiste qui, sans lui, seraient restées inconnues hors de leur pâté de maisons. Et comme par enchantement, il sait les cueillir au moment où celles-ci passent la vitesse supérieure en terme d’innovation et d’expérimentation, et affichent plus clairement des références avant-progressistes qui ont fait la réputation du label. Dans le cas présent cependant, nous n’avons pas affaire à des jeunots, puisque CHEER-ACCIDENT affiche quelque 28 ans d’activisme musical au compteur et signe là sa 16e production discographique !

Le groupe a commencé par s’autoproduire sur son propre label, Complacency, puis a enregistré chez Steve ALBINI et a signé chez Pravda et Skin Graft. Sans doute certains accros parmi les plus affamés de tout ce qui est taxé d’avant-rock avaient-ils déjà fait connaissance avec ce combo, mais gageons que, si ce dernier n’avait pas signé chez Cuneiform, il serait encore resté inconnu de tout un public qui pourrait lui accorder quelque attention.

Comment se fait-il donc que ce groupe ne s’est pas retrouvé avant sur Cuneiform, quand on voit les accointances stylistiques que lui prête ce dernier (ART BEARS, FAUST, MAGMA, THIS HEAT, Steve REICH, SLEEPYTIME GORILLA MUSEUM) ? Il faut dire que CHEER-ACCIDENT n’est pas le genre de groupe que l’on stigmatise facilement, puisque doué de facultés caméléonesques.

Mené par le batteur, compositeur, claviériste et chanteur Thymme JONES, le trio CHEER-ACCIDENT est originaire de Chicago, la ville qui a vu naître et se développer bon nombre de tendances rock « indies » promptes à repousser les frontières du genre. C’est quand même là-bas, dit-on, que sont nés le post-rock et le math-rock. CHEER-ACCIDENT a eu la chance de baigner dans un bouillon de culture expérimentale qui lui a amplement permis de concocter le sien en usant de diverses recettes et en mélangeant les proportions selon l’envie. On lui a même décerné le statut de pionnier du math-rock, à l’instar de NOMEANSNO.

Post/math rock, post-punk, minimalisme, art-pop, avant-prog, CHEER-ACCIDENT a tout pris et tenté toutes les combinaisons les plus folles, avec une audace et une insolence qui ont assuré sa survie pendant près de trois décennies, en dépit des changements ou des disparitions de personnel.

Avec son album de 2003, Introducing Lemon, le groupe a failli signer sur Cuneiform, mais un morceau, un seul, a fait tiquer le boss du label. Finalement, CHEER-ACCIDENT a réussi son examen de passage avec Fear Draws Misfortune. Il a pour ce faire mis les bouchées doubles en matière d’innovation, de complexité et de cohésion, les sacrosaints laissez-passer dans l’univers exigeant de l’avant-rock progressif.

Sans se départir de sa tendance au mélange et à la juxtaposition des genres, le trio s’est donné les moyens sur cet album de toucher encore davantage le public avant-prog’ en accentuant certains éléments catalyseurs. CHEER-ACCIDENT a peaufiné sa production et ses arrangements en faisant appel à pas moins de quinze invités issus principalement de la scène underground de Chicago.

Plusieurs cuivres, dont le saxophoniste baryton Dave SMITH de POI DOG PONDERING, deux violonistes (dont Carla KIHLSTEDT, de CHARMING HOSTESS, SGM, COSA BRAVA…), et trois chanteuses, et d’autres encore, sont ainsi venus poser leurs timbres ça et là en fonction des besoins des compositions. Humanizing the Distance et Disenchantment exhibent leurs dissonances héritées du Rock In Opposition professé par HENRY COW et ART BEARS, Sun Dies dégage une charge hypnotique aux réminiscences zeuhliennes, malgré une batterie farouchement binaire et typée rock indé.

Les chants féminins renvoient également le spectre du post-RIO, et s’avèrent même plus judicieux que celui de Thymme JONES, surtout quand celui-ci verse dans le pathos néo-prog (Your Weak Heart), à moins qu’il ne s’agisse de second degré…

Chaque morceau apporte son lot de trouvailles, alternant volontiers propulsions groovy, climats ombrageux, coq-à-l’âne thématiques et excentricités filtrées. Reste à savoir comment, sans le concours des invités, seraient joués sur scène les morceaux de cet album.

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°26 – Août 2009)

Site : www.cheer-accident.com

Label: www.cuneiformrecords.com

Distributeur : www.orkhestra.fr

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