EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN – Silence is Sexy

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EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN – Silence is Sexy
(Mute Records)

Le 1er avril 2000 fut une date historique pour EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN, puisqu’elle a marqué les 20 ans d’existence de ce groupe allemand hors du commun, mélangeant rock industriel et musique expérimentale. La sortie d’un nouveau double CD, Silence is Sexy, et une tournée (dont un passage à Paris le 6 juin 2000) n’ont pas encore enterré ces « immeubles neufs effondrés » qui, sur scène, sont aussi à l’aise dans l’utilisation d’instruments « classiques » (guitare, basse, batterie, synthé) que d’objets nettement plus insolites (percussions en plastique et en métal, ponçeuse, instruments à vent en plastique, jet turbine…).

Le mystère de ce groupe ne serait également rien sans la présence charismatique de son chanteur et multi-instrumentiste Blixa BARGELD (guitariste de Nick CAVE depuis ses débuts avec les BAD SEEDS). À ses côtés, nous retrouvons Alexander HACKE à la basse, vu également dans la formation CRIME AND THE CITY SOLUTION fondée par deux ex-BIRTHDAY PARTY ; le fidèle N.U. UNRUH secondé par Rudi MOSER pour les percussions… et le guitariste Jochen ARBEIT, membre du groupe allemand DIE HAUT dont nous gardons en mémoire leur concert au Bataclan en novembre 1993 avec Nick CAVE, Blixa BARGELD, Alexander HACKE et Jeffrey LEE PIERCE du GUN CLUB.

Au début des années 1980, EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN développait des sortes d’incantations tribales, où les cris stridents et apocalyptiques de BARGELD se mêlaient aux percussions métalliques, à la basse lourde et à la guitare saturée (Für den Untergang, Kollaps, Bakterien für eure Seele, Zuckendes Fleisch).

Au fil des albums, une maturité se laisse entrevoir avec des titres sophistiqués et plus accessibles (Armenia, Blüme), pour contraster avec cette folie bruitiste, cette « musique de la tension urbaine » rappelant l’ambiance destructrice de KILLING JOKE (1980-83). Sur Silence is Sexy, le groupe montre encore un sens certain pour la mélodie aussi bien que pour des pièces
« rock » à la Nick CAVE (Die Befindlichkeit des Landes, In Circles…) que pour des morceaux aux sonorités électroniques (Newtons Gravitätlichkeit, Zampano).

Musicalement, une sérénité plane sur l’ensemble du premier CD (en particulier sur Sabrina, Silence is Sexy ou Sonnenbarke), amplifiée par la voix « silencieuse » de Blixa et le jeu de basse dominant d’Alexander HACKE. Cette retenue dans la violence sonore disparaît progressivement avec Die Befindlichkeit des Landes, Alles (qui nous replonge dans les années cold-wave) et le puissant Redukt, pour privilégier des atmosphères plus métalliques.

Si le premier CD montre leur facette « accessible » (Musentango, Dingsaller, Total Eclipse of the Sun), il en est autrement avec le deuxième, qui s’éloigne du style pop-rock industriel. Son unique pièce intitulée Pelikanol révèle pendant 18’30 l’aspect plus expérimental du groupe, créant ainsi une musique répétitive avec le minimum d’instruments (« installation of metal stripes and electric drill motors, glass ») sur fond de chants aux allures de rites religieux et de cris effrayants.

Les émotions délivrées sur Silence is Sexy font de cet album une grande réussite. Plus convaincant que le précédent, Ende Neu, il est le parfait témoignage de cette combinaison entre des genres musicaux généralement opposés.

EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN est l’image même du groupe ayant favorisé la rencontre entre la violence du rock industriel post-punk des années 1980 et l’univers confidentiel de la musique expérimentale.

Cédrick Pesqué

Site : https://neubauten.org/

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°8 – mars 2001)

 

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