ELEPHANT TÔK – Sitting with Bull

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ELEPHANT TÔK – Sitting with Bull
(D3P)

Deux ans après sa première empreinte discographique, le « Daniel JEAND’HEUR PROJECT » revient nous « parler éléphant », en y ajoutant cette fois la participation d’un taureau amérindien devant lequel il est convenu de s’asseoir. En clair, après Tôk 1, ce qui aurait logiquement dû s’intituler « Tôk 2 » a finalement été baptisé, non sans malice, Sitting with Bull ! Nous assistons donc à une « rencontre avec des poids lourds remarquables ». Alors que le disque précédent d’ELEPHANT TÔK avait été enregistré par un septette + 1, on pouvait s’attendre à ce que la formation ait gagné ici quelque embonpoint. C’est en fait tout le contraire qui s’est produit : pour Sitting with Bull, ELEPHANT TÔK a subi une cure d’amaigrissement !

De l’ELEPHANT TÔK que l’on connaissait, il ne subsiste que le noyau dur constitué du batteur/percussionniste Daniel JEAND’HEUR, du guitariste Philippe MEUNIER et du claviériste Romain NASSINI. Et puisque ELEPHANT TÔK a toujours été présenté comme un « project » plutôt qu’un groupe fixe, la peau neuve de notre pachyderme est illustrée par la présence d’un nouveau bassiste, Basile MOUTON (il en fallait bien un plus domestique !) ; et le rappeur et slammeur ONAN (Sébastien MORIN) a cédé sa place à un autre Sébastien, ROCQUEFELTE. La section de bois n’a par contre pas été reconduite.

En dépit de ce dégraissage, la musique d’ELEPHANT TÔK n’a guère changé d’un iota ; on a toujours affaire à cette singulière fusion de jazz-rock aux atomes crochetés et trempés dans le chaudron d’un Tony WILLIAMS LIFETIME, mâtinée d’une couche de Zeuhl magmatique, épicée de tortuosités king-crimsoniennes et arrosée de slam, et s’épanouissant dans des espaces d’écriture complexes et lézardés de souffles improvisateurs. Sauf que, cette fois, il semble que le contexte dépeint ait moins de connotations urbaines et banlieusardes.

ELEPHANT TÔK est allé prendre l’air, celui des côtes maritimes, et c’est dans les dunes de sables battues par les vents qu’on le retrouve en début d’album, avec cette composition à tiroirs précisément nommée Sands, sans doute parce qu’elle est très… mouvante !

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Ces « Sables » sont ensuite arrosés par des bruits d’averse qui servent de transition avec la deuxième composition à tiroirs, Sitting with Bull, introduite par La Grande Prairie. On rêve déjà en cinémascope… La troisième pièce montée, Ding Ding, est conçue comme les précédentes de quatre sous-parties enchaînées, ce qui permet à l’album de présenter une implacable symétrie tripartite. Mais bien sûr, tout cela s’écoute d’une traite, car après tout un « pow wow » pareil ne s’interrompt pas ! Il est fait pour être écouté assis, mais peut vite donner quelque démangeaison… sinon des membres inférieurs, au moins de la tête !

Comme à son habitude, ELEPHANT TÔK ne ménage pas ses effets ni sa monture, et le « trip » auquel nous sommes conviés équivaut à un tour en montagnes russes, mené avec une énergie inextinguible. Ça ne veut pas dire que le rythme y est constamment et aveuglément « speedé » : les accès de furie et les emballements y sont tempérés d’instants plus atténués, mais pas moins gorgés de tensions subreptices, de fausses sérénités psychédélico-planantes dont le bouillonnement est constant et l’ébullition subtilement retardée, parfois coupée court par une déflagration imprévisible qui, à son tour, est retenue et maîtrisée de manière à faire fermenter d’autres séquences d’incandescence.

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L’approche compositionnelle de Daniel JEAND’HEUR nous est désormais familière, et on peut être assurée qu’elle ne se tarit pas avec Sitting with Bull, dans lequel chaque musicien s’esbaudit à loisir, tantôt assurant un soutien harmonique ou rythmique, tantôt se lâchant dans une échappée soliste qui sait garder son cap. Guitare électrique, Fender Rhodes, basse et batterie s’y entendent à maintenir et à alimenter tout du long une énergie rock aux multiples capacités de renouvellement, sur laquelle la voix de ROCQUEFELTE déploie un ample éventail d’expressions : déclamatoire ou vindicative, courroucée, écorchée, enflammée, s’exprimant en anglais ou dans un langue indistincte, quand elle ne verse pas dans le primitivisme.

Chez ELEPHANT TÔK, même une Berceuse est de nature à vous faire garder les yeux… pardon, les oreilles grandes ouvertes, au cas où… Et la Résilience prend toujours un chemin cahoteux, histoire de ne pas oublier.

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Sous les sables, il y a toujours des terres brûlées. Et ELEPHANT TÔK les arpente avec une assurance et une fermeté qui permettent de voir loin.

Stéphane Fougère

Site : https://www.facebook.com/elephanttokproject/

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