Festival Interceltique de Lorient 2016 (2) : Marcos GARCIA – Errai

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Festival Interceltique de Lorient 2016 (2)

Marcos GARCIA – Errai

marcos-garciaLe nom de Marcos GARCIA n’était sans doute pas encore très familier auprès des festivaliers lorientais. Ces derniers avaient néanmoins déjà pu voir le musicien asturien lorsqu’il s’était produit avec le groupe folk BLIMA ou encore lors de ses participations au concours d’accordéon diatonique.

Marcos revenait à Lorient cette année afin de présenter, lors de la traditionnelle Grande Soirée de l’Accordéon, son spectacle Errai. Il s’agissait là d’une création originale, entièrement instrumentale, construite autour de l’accordéon diatonique, sous la forme d’une suite de quatre grands mouvements.

Si l’accordéon était la pièce maîtresse, Marcos a pu s’entourer, pour mener son projet à bien, de dix musiciens issus des scènes jazz et folk asturiennes.

Il était bien difficile de classer la musique dans une catégorie bien précise. Elle prenait des chemins multiples, pouvant tout aussi bien se référer au jazz, aux musiques progressives pour mieux revenir vers la musique traditionnelle des Asturies. Des cassures ou des changements de rythmes pouvaient surprendre et parfois dérouter l’assemblée. Cependant, l’ensemble n’était jamais discordant.

Marcos GARCIA a su créer une œuvre à la fois ambitieuse et accessible.

Entretien avec Marcos GARCIA

Comment as-tu commencé à jouer de la musique? Quelle a été ta formation?

Marcos GARCIA : Eh bien, je joue de la musique depuis 1996, quand j’ai pris ma première leçon de percussions. Cela a été possible grâce aux cours de musique d’une Banda de Gaïtas. Ces formations musicales étaient de très importants vecteurs culturels dans les années 90 en Asturies. Je pense vraiment que la croissance de l’apprentissage des instruments tels que la gaïta et les percussions en Asturies a été possible grâce à ce type de formations et nous a permis d’aborder de nombreux autres instruments, comme l’accordéon diatonique dans mon cas.

Donc, j’ai commencé avec les percussions, en jouant avec des Bandas de Gaïtas et j’ai beaucoup voyagé. Puis, dans mon ambition de grandir musicalement et de continuer à soutenir ma soif d’apprendre, j’ai commencé à approcher la cornemuse asturienne, entièrement en apprentissage autodidacte. Grace à mon grand-père, un des plus anciens sonneurs de gaïtas des Asturies, j’ai pu avoir une de ses cornemuses et commencer à apprendre les mélodies traditionnelles asturiennes. Et je me suis rendu compte à ce moment-là qu’en musique il n’y a pas que le rythme, mais aussi la mélodie. La cornemuse n’a jamais été mon instrument principal, mais elle fut un défi. Suite à un pari avec un bon ami, une fois j’ai pris part à la compétition qui chaque année sélectionne les quatre sonneurs qui participeront au Trophée MacCallan du Festival de Lorient. J’ai terminé au septième rang sur vingt-deux, après seulement trois mois de pratique. Mes amis et partenaires de musique me demandaient «Mais…enfin… Est-ce que tu joues de la cornemuse ?»

A cette époque, je commençais aussi à écouter beaucoup de musique. Énormément ! Il n’y avait pas encore internet, donc mes sources étaient les enregistrements trouvés dans les bibliothèques publiques, les enregistrements faits sur cassettes de toute la musique qui venait à moi, les achats de CD avec chaque pièce de monnaie gagnée en jouant de la musique (avec mon grand-père dans une formation traditionnelle de gaïta et tambour). J’ai réalisé que je devais commencer à créer ma propre musique. J’ai aussi découvert qu’il y avait une troisième caractéristique de la musique que je ne connaissais toujours pas : l’harmonie. Mon professeur de percussions de l’époque, Javier TEJEDOR, était aussi un accordéoniste réputé. Aussi, c’était une étape logique. J’ai commencé à étudier l’harmonie et la théorie de la musique dans une école de musique officielle et, en même temps, à partir de ce moment-là, j’ai pris des leçons avec un nouvel instrument, l’accordéon diatonique.

J’ai toujours dit que j’ai appris le plus de ce que je sais à propos de la musique juste en écoutant, en analysant et en disséquant toute la musique qui tombait dans mes mains et en travaillant dur et seul. La figure de l’enseignant est très importante, mais j’ai toujours dit à mes étudiants la même chose (j’ai enseigné l’accordéon pendant dix ans jusqu’en 2012) : écouter de la musique, en profiter, l’analyser et surtout comprendre. L’appropriation est la première étape vers la création. D’abord, vous comprenez et reproduisez ce que vous aimez, puis vous allez créer votre propre musique.

Comment est né Errai ? Quelle a été ton processus créatif?

MG : Après avoir travaillé un an aux États-Unis, en 2014, et avant d’y retourner, j’ai passé quelques mois en Asturies. Pendant des années, j’ai joué dans divers groupes (comme BLIMA, MACADAMIA), enregistré des CD, développé un grand nombre de collaborations. Mais je sentais qu’il y avait une sorte de musique que je n’avais pas encore été en mesure de développer : ma propre musique, avec les sons, les instruments, les sentiments que j’avais à l’intérieur de moi. Et j’ai décidé d’y arriver. J’ai écrit la musique, enregistré quelques références, contacté chaque musicien qui m’a offert ce que je cherchais. Je leur ai expliqué le projet et, enfin, j’ai réalisé le spectacle Errai en juillet 2015. Juste comme je l’avais rêvé. Avec ma famille, mes amis, mes anciens élèves dans le public, ma musique, mes sentiments, pour tous ceux qui voudraient l’écouter.

Ce spectacle a donc été joué avant Lorient ?

MG : Oui, la première était à Gijόn, en Asturies, en juillet 2015, puis le spectacle a été réalisé à nouveau dans ma ville natale, Pola de Lena, en octobre 2015, juste avant mon retour aux États-Unis.

Que signifie Errai ?

MG : Errai est le nom de la prochaine étoile polaire qui prendra sa position dans environ mille ans. Je voulais faire l’analogie entre l’étoile et ma musique. Errai est l’étoile de référence, qui indique la voie à suivre, même si elle n’est pas encore marquée. Cela a beaucoup à voir avec le caractère expérimental de mon travail.

Qui sont les musiciens qui jouent avec toi ? De quel style de musique viennent-ils ?

MG : Errai est réalisée par dix musiciens étonnants, Jacobo DE MIGUEL (piano), Rubén BADA (guitares), Dolfu FERNANDEZ (violon), Fernando OYAGÜEZ (violon, viole, banjo), Aitor HERRORO (trompette), Lucas VIDAL (cor français), Rubén ALBA (flûtes, gaïta asturienne), Juanjo DIAZ (percussions), CABIN (contrebasse), Jorge RODRIGUEZ (batterie) plus moi (accordéons diatoniques).

Chacun d’entre eux a été choisi parce qu’il avait le son que je voulais. Ce n’était pas pour chercher un instrumentiste. Je cherchais des sons. La surprise est venue quand, après avoir beaucoup exigé d’eux et les avoir pressés pour obtenir tout ce que j’avais dans la tête, ils ont encore fourni la valeur ajoutée. Et ce moment était magique. Non seulement ils ont compris ce que je voulais d’eux, mais ils l’ont traduit dans leur propre langage. Ils ont amélioré ma forme d’expression, mes intentions, ma créativité. Et c’est quelque chose qui me rend si fier.

Chacun d’entre eux vient d’un univers musical différent. Jacobo DE MIGUEL, par exemple, est l’un des grands pianistes de jazz en Espagne. Pour moi, le meilleur. Le musicien le plus complet et intéressant que je connaisse. Rubén BADA a tourné pendant des années avec John MCSHERRY et presque tous les meilleurs musiciens d’Irlande et d’Écosse. Imagine ça : un guitariste asturien qui est choisi pour jouer aux côtés des musiciens les plus importants de la scène folk internationale.

Rubén ALBA a remporté deux fois le Trophée MacCallan au Festival de Lorient, et a participé à d’autres festivals réguliers tels que le Piping Festival à Glasgow. Le sonneur le plus complet et le plus spectaculaire des Asturies, sans doute, qui joue aussi des flûtes. Fernando OYAGÜEZ, multi-instrumentiste, a créé BLIMA avec moi il y a dix ans. Errai a grandi grâce à chacun d’eux et je pense que tout le monde a cru dans le projet depuis le début. J’ai aussi eu des amis, des professionnels, des collègues qui m’ont conseillé, qui m’ont appris et m’ont soutenu dans tous les aspects techniques dans lesquels ils étaient des spécialistes. Une véritable équipe au top !

On ressent régulièrement l’influence de Yann TIERSEN. Est-ce une référence pour toi ?

MG : Mes références sont très différentes et éclectiques. Yann TIERSEN ? Oui, peut-être ! Mais je pense que ce n’est pas une plus grande influence que les livres d’Agustín FERNANDEZ MALLO, que l’accordéoniste Janick MARTIN ou l’art de MALEVITCH. Tous de différentes disciplines. La beauté m’exalte, différentes choses m’attirent et je suis tout autant amoureux de l’ancien. Le poète catalan Josep Vicenç FOIX le disait beaucoup mieux : «ce qui est vieux, j’adore, ce qui est nouveau m’enivre». Je pense que sur ce point, la meilleure chose que je pourrais recommander est de lire ma bio sur ma page Facebook, pour qui est intéressé.

Le Festival Interceltique de Lorient est important pour toi ?

MG : Le Festival Interceltique de Lorient sera toujours spécial pour moi. Ma première fois, en 2003, était incroyable : les gens partageant la musique, de nombreux points de vue différents, les influences et confidences. Je pense que, pendant le festival, l’esprit de jumelage qui est généré entre tous les participants est vraiment incomparable. C’est un festival dans lequel je souhaiterais toujours aller en tant que musicien, en tant qu’artiste, mais jamais en tant que public. Tout simplement parce que je sais vraiment que ce sentiment de partager avec l’autre est seulement réalisé par celui qui se produit activement pendant ces dix jours.

En outre, le festival m’a donné l’un des plus beaux moments de ma carrière musicale. En 2010, je fus le premier musicien non français (quelque chose qui reste encore aujourd’hui) à remporter le premier prix et le prix du public au concours d’accordéon, en compétition avec des musiciens de France, d’Écosse, d’Irlande, de Galice, de Nouvelle-Zélande, du Canada. Ce fut un moment très spécial pour moi.

Un CD est-il prévu ?

MG : J’espère pouvoir enregistrer ce travail sur CD. Tôt ou tard, je le ferai, j’en suis sûr. En fait, il y a déjà un certain travail de pré-production avancé. Mais comme je l’ai fait avec le spectacle sur scène, le CD ne sera initié que lorsque les conditions seront satisfaisantes pour moi à cent pour cent. Être loin des Asturies rend aussi les choses plus difficiles, mais je suis sûr qu’à un moment donné dans ma vie, Errai sera une réalité sur un CD.

Sites : https://soundcloud.com/marcosgarciamusic

www.facebook.com/marcosgarciamusic

Entretien réalisé par Didier Le Goff

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