Festival Interceltique de Lorient 2011 – Première partie : les découvertes

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Festival Interceltique de Lorient 2011

(première partie)

festival-interceltique-de-lorient-2011Cette année, le Festival Interceltique ne mettait pas à l’honneur un pays en particulier, mais il s’intéressait aux diasporas, c’est-à-dire aux pays ayant connus une immigration celtique.

Après un cru 2010 qui avait battu tous les records de fréquentation en raison d’un anniversaire décennal, on s’attendait à une légère décrue pour l’édition 2011. Les évaluations ont donné une moyenne générale située entre 650 000 et 700 000 spectateurs, ce qui correspondant à une édition classique.

Le temps médiocre qui, s’il retient les spectateurs au centre ville, vient désormais jouer les trouble-fêtes quasiment tous les ans, n’a pas facilité les choses.

Le premier week-end, le championnat des Bagadou, remporté cette année par le BAGAD KEMPER, s’est déroulé dans des conditions climatiques difficiles. La Grande Parade des Nations Celtes s’est terminée juste avant l’arrivée de la pluie. Par contre, les organisateurs ont été contraints d’avancer d’une heure le traditionnel triomphe des sonneurs et, plus grave, d’annuler la Nuit Interceltique le même soir. Fort heureusement, le Festival Interceltique est assuré.

Le FIL n’a par contre pas connu de flop. Comme le précisait le Directeur Général Lisardo LOMBARDIA, le plus important est le remplissage des salles et, sur ce point, l’édition 2011 a été un succès. Le budget prévisionnel a même été atteint avant la fin.

La fréquentation de l’Espace Marine a connu une augmentation de près de vingt pour cent. De nombreuses soirées affichaient complet (Cotriade au Port de Pêche, Nuit interceltique Bretagne le premier Samedi, Grande parade au Stade du Moustoir, Luz CASAL, Nuit des Diasporas avec Hugues AUFRAY, Nuit de la harpe) ou quasi-complet (THE CHIEFTAINS).

Il ne faut pas oublier que soixante pour cent des animations sont gratuites.

Les créations ont été nombreuses, ce qui satisfait grandement le Directeur du FIL, car ce n’est pas le cas dans tous les festivals.

La grande nouveauté aura été le Dôme des Diasporas, Place de l’Hôtel de Ville, dans lequel ont eu lieu des projections de film ou des concerts, qui a attiré environ cent dix mille personnes.

Si on tient compte de la configuration économique actuelle, le Festival Interceltique a tenu la barre haute une fois de plus.

L’an prochain, nous resterons dans la diaspora puisque que le pays qui sera mis à l’honneur sera l’Acadie.

** Les découvertes **

AODAN

AODAN est un groupe dont la création remonte a à peine plus de deux ans et, pourtant, malgré sa relative jeunesse, il possède déjà un savoir-faire et a largement convaincu public et critiques.

La formation est composée de sept membres venant d’horizons musicaux différents (rock, classique, traditionnel) et présente une instrumentation inhabituelle (deux violons, violoncelle, basse, batterie) à laquelle s’ajoute un couple de chanteurs. Le septuor évolue également costumé sur scène. Tout cela explique le côté atypique d’AODAN.

A l’automne 2010, un premier album Origin est paru. Les titres développés par le groupe explorent les multiples influences de ses membres. Si l’essence reste la musique bretonne, l’habillage prend plusieurs couleurs (orientales, tziganes) et s’apparente à un folk-rock progressif du meilleur effet. Le chant est quasi essentiellement en breton, avec par moments quelques passages dans d’autres langues (allemand, anglais et même croate). L’Espace Bretagne n’était peut-être pas le lieu idéal pour découvrir AODAN. Même si certains titres s’apparentent à des danses, il ne s’agit en aucun cas d’un groupe de fest-noz. L’idéal aurait été d’écouter le groupe au Palais des Congrès ou au Grand Théâtre. Souhaitons donc pouvoir revoir AODAN dans des meilleures conditions car le groupe mérite une plus large audience.

CD : Origin

Sites : https://soundcloud.com/jonathan-dour/sets/aodan – www.myspace.com/aodanmusic

RACHEL HAIR

Rachel HAIR est une jeune et charmante harpiste écossaise. Il n’a fallu que quelques notes pour se trouver sous le charme de l’artiste et de son instrument tant elle maîtrise son sujet.

Durant sa semaine lorientaise, elle a présenté son travail sous deux formules. Pour la soirée folk, c’est en trio, accompagnée par sa guitariste et son bassiste que Rachel se produisait. Lors de la traditionnelle Grande Soirée de la Harpe celtique, elle était seule sur scène. Elle adaptait donc le répertoire et l’interprétation aux circonstances.

D’ascendance écossaise et irlandaise, Rachel HAIR emprunte aussi bien aux répertoires de ses deux pays et mâtine le tout de compositions personnelles. Si l’interprétation reste traditionnelle, elle se laisse parfois gagner par des entournures jazzy qui ne dépareillent en rien la musique et donne ainsi une signature originale.

Les deux albums parus à ce jour reflètent ces multiples facettes, même si dans le dernier en date, le trio est régulièrement appuyé par plusieurs invités (batterie) qui donnent évidemment une couleur plus diversifiée à la musique. Un nouvel album est d’ores et déjà prévu pour 2012. Ce sera l’occasion de revenir à Lorient.

CD : The lucky smile

Sites : www.rachelhair.comwww.myspace.com/rachelhair

TA FECHU

On évoque souvent les Irlandais, Écossais ou Bretons ayant émigré vers les USA, le Canada ou l’Australie, plus rarement les Galiciens partis s’installer en Argentine. On oublie qu’au Chili, ce sont les Asturiens qui sont venus s’établir. Les membres de TA FECHU (expression asturienne signifiant « C’est fait ») nous viennent de Valparaiso, la capitale, et sont des descendants de ces asturiens. Même s’ils sont des citoyens chiliens, ils n’en n’oublient pas pour autant la culture de leurs ancêtres.

C’est en 2006 que le groupe s’est constitué. Un CD, Anorenza (mal du pays) est ensuite paru en 2010. Depuis, la physionomie de TA FECHU s’est quelque peu modifié. On ne peut plus parler de groupe, mais quasiment de collectif car la formation ne compte pas moins de huit musiciens, parfois multi-instrumentistes, offrant une large palette sonore (chant, guitares, basse, flûtes, gaïta, accordéon, charango, percussions, batterie). Si elle ne possède rien de révolutionnaire, la musique de TA FECHU est cependant très agréable à écouter. La chanteuse, Michell PERAGALLO possède une très belle voix. Les arrangements font parfois preuve d’originalité en associant le charango ou la quéna à des instruments traditionnels celtiques, apportant ainsi une couleur andine à l’ensemble. Les compositions sont majoritaires, ce qui démontre la volonté de TA FECHU de ne pas se figer uniquement dans des emprunts traditionnels. Le groupe aura été une heureuse découverte et il serait pertinent de le convier à revenir lors d’une future année des Asturies afin de montrer toutes les facettes que peux prendre la musique de ce pays.

CD : Anoranza

Sites : https://soundcloud.com/ta-fechu – www.myspace.com/tafechufolk

LLANGRES

LLANGRES participait cette année au Festival Interceltique pour la troisième fois, après s’y être déjà produit en 2000 et en 2006. A ce titre, et après également trois albums, il ne devrait plus être considéré comme une découverte. Hélas, le groupe demeure toujours peu connu et se concentrait sur des scènes moins exposées, ce qui ne favorise pas sa reconnaissance.

LLANGRES s’est créé à la fin des années 90. Il a depuis connu quelques changements de personnels qui ont fait évoluer le style sans cependant altérer l’esprit initial. D’abord quasi essentiellement instrumental, le chant a peu à peu été intégré. La formule en concert était entièrement acoustique et sans fioritures. La chanteuse, Esther FONSECA, qui fait parallèlement une carrière en solo, possède une jolie voix. A ses côtes, les quatre musiciens (flûtes-gaïta, guitare, violon, bouzouki-bodhran) assuraient, sans chercher à faire dans la démonstration à tout prix. Le répertoire mettait en lumière la musique asturienne à travers des traditionnels et des compositions. Le tout était cependant par instants teinté de couleurs irlandaises.

Pour une future année des Asturies, il serait intéressant de proposer une scène plus importante de manière à révéler ce qui est sans doute un des groupes phares du folk asturien de la génération actuelle et dont la musique possède tous les atouts pour séduire.

CD : Entà

Sites : www.llangres.comwww.myspace.com/llangresmusic

SKERRYVORE

SKERRYVORE est un groupe originaire des Hébrides en Écosse qui existe depuis 2004 et a produit trois albums. Il est composé de six musiciens et propose un rock celtique classique doté d’une instrumentation variée (guitares acoustiques électriques, mandoline, basse, cornemuse, accordéon, violon et batterie) à laquelle s’ajoute le chant. Même s’il n’y a rien de particulièrement novateur, le moins que l’on puisse dire est que pour sa première participation au Festival Interceltique, le combo a su se faire remarquer et apprécier. Il n’y a rien à dire sur l’efficacité de la musique et sur la capacité des musiciens à embraser la scène. Ceux qui sont venus pour le spectacle en ont eu plein la vue. C’est pourtant peut-être de ce côté-là que le groupe pêche. La fougue n’était pas toujours canalisée et le « rentre-dedans » sur chaque morceau finissait par lasser. Une batterie un peu trop présente et assez lourde accentuait cette impression. Il faut dire que le groupe n’avait que quarante cinq minutes pour convaincre et souvent, dans ces cas-là, on va directement à l’essentiel. Mais SKERRYVORE gagnerait à contenir quelque peu plus ses ardeurs car, au bout de trois quart d’heure, les oreilles finissaient par souffrir.

CD : Skerryvore

Sites : www.skerryvore.comwww.myspace.com/skerryvore

BAYATI

La fusion entre musiques bretonne et orientale n’est pas une chose nouvelle. Depuis les années 70, de nombreux musiciens s’y sont essayé avec des réussites diverses, mais sans toutefois tomber dans le ridicule. La plupart du temps cependant, la musique bretonne dominait l’ensemble.

BAYATI est une émanation d’IZHPENN 12, le groupe de la deuxième session de la Kreiz Breizh Akademi (KBA) d’Erik MARCHAND. Cinq membres sur les six que compte la formation en sont issus.

Le combo poursuit le travail initié lors de leur passage dans la KBA, à savoir la diffusion des musiques modales. La composition du groupe est entièrement acoustique et plutôt inhabituel, et la démarche intéressante. L’oud, le violon et la flûte se partagent les mélodies pendant que les deux percussionnistes assurent la rythmique. A cela s’ajoute le chant avec l’ensorceleuse Faustine AUDEBERT.

Le résultat était bluffant. On ne saurait pas que les musiciens sont bretons, on les imaginerait facilement originaire du Moyen Orient. Les chansons parlaient d’amour, d’alcools menant jusqu’à l’ivresse. La subtilité du groupe tiens dans le fait que son répertoire est constitué de textes de poètes arabes ou perses traduits en breton, ou d’œuvres de poètes bretons tels que Per Jakez HÉLIAS. Même si on ne comprenait pas la langue bretonne l’interprétation musicale alliée à la superbe voix de Faustine nous envoûtait.

BAYATI est un pont entre orient et occident et jouer justement dans une ville qui porte le nom de Lorient paraissait là tout à fait judicieux.

CD : Fons ar Bed

Site : www.myspace.com/bayatigroup

LOUISE VAUTOUR

En l’absence de Dominique DUPUIS, le pavillon acadien s’est trouvé une nouvelle égérie en la personne de Louise VAUTOUR. La violoniste n’est cependant pas une inconnue car nous l’avions déjà découverte en 2008 au sein du collectif ODE A L’ACADIE. En 2010, elle avait fait des apparitions au Pavillon, mais c’est cette année que son charme et sa vivacité ont véritablement éclaté. Louise pratique le violon depuis sa plus tendre enfance et n’a rien à envier à son illustre compatriote.

Elle a mis le feu à un Pavillon acadien qui ne demandait que cela. Dans de sobres mais efficaces duos guitare-violon ou à deux violons, Louise a pu montrer l’étendue de son talent. Elle laissait de temps à autre son instrument de côté pour interpréter quelques chansons, montant ainsi qu’elle possède également une jolie voix.

C’est également elle qui représentait l’Acadie lors des Nuits Interceltiques au Stade du Moustoir ou, simplement accompagnée de son guitariste, elle a su remplir l’espace et convertir les spectateurs. La retransmission télévisée du spectacle, fin août, lui a aussi permis de bénéficier d’une médiatisation à grande échelle.

Dominique DUPUIS n’a qu’à bien se tenir, elle n’est désormais plus la seule à faire chavirer le cœur des festivaliers lorientais. Pour l’année de l’Acadie en 2012, la lutte sera rude !

CD : Traces

Site : www.myspace.com/louisevautour

MHAIRI HALL TRIO

Mhairi HALL est une jeune pianiste écossaise dont la formation initiale était davantage dirigée vers la musique classique. Cependant, elle fut très tôt attirée par la musique traditionnelle de son pays. C’est la raison pour laquelle, elle a orienté ses recherches musicales en essayant de combiner ses diverses influences. Mais plutôt que de jouer seule, elle a choisi une formule ou son instrument est soutenu par une guitare et des percussions.

D’emblée on ne pouvait s’empêcher de penser que le style nous rappelait quelqu’un, en l’occurrence Didier SQUIBAN. Mhairi HALL n’a d’ailleurs pas caché que le pianiste breton faisait partie de ses influences. La relative intimité du Palais des Congrès le soir seyait parfaitement à la musique du trio. Le piano de Mhairi était bien sur l’élément central, mais les deux musiciens à ses côtés ne se contentaient pas d’être de simples faire valoir. Les mélodies interprétées étaient pour la plupart des traditionnels, néanmoins nous étions loin des habituels airs que les groupes écossais nous présentent. Des influences jazzy s’immisçaient naturellement et loin de dénaturer l’ensemble, elles lui apportaient une couleur originale.

On a très peu l’habitude d’entendre jouer de la musique écossaise de cette manière. Mais quand on sait qu’à la production artistique se cache un certain Donal LUNNY (PLANXTY, BOTHY BAND, MOVING HEARTS, L’HERITAGE DES CELTES), on ne peut que prédire à Mhairi HALL un brillant avenir.

CD : Cairgorm

Sites : www.mhairihall.comwww.myspace.com/mhairihall

KRISMENN

KRISMENN (de son vrai nom Christophe LE MENN) n’est pas un inconnu dans le monde de la musique bretonne. Il est en effet le chanteur du groupe de festou noz DARHAOU et il a, en outre, fait partie de la première mouture de la Kreiz Breizh Akademi d’Erik MARCHAND.

C’est cependant en solo et dans un tout autre domaine que nous avons pu le croiser au Festival Interceltique. Il valait d’ailleurs mieux être au courant de son passage car c’est dans l’enceinte du Dôme des Diasporas que le garçon s’est produit. Et sa prestation a surpris plus d’un spectateur.

KRISMENN évolue en effet dans un univers vers lequel les artistes bretonnants ne s’aventurent encore que très rarement, à savoir le rap. IWAN B, que l’on a pu découvrir en 2008 et 2010, avait ouvert une brèche et il est intéressant de constater que d’autres artistes commencent à s’y engouffrer. L’artiste a suscité la curiosité car, bien que seul sur scène, il s’accompagnait en échantillonnant des notes de contrebasse, de guitare, de ukulélé et, plus étrange, de percussions vocales qu’il diffusait ensuite par ordinateur pendant qu’il chantait. Les références musicales tendaient aussi bien vers le blues que vers ce qu’on appelle le « flow battle », forme de rap donc le but est de rivaliser lors de joutes verbales en débitant le plus de paroles possible. Sur de thèmes traitant de l’actualité, le rappeur a ainsi prouvé que la langue bretonne n’avait rien de ringarde et sonnait très actuelle.

L’avenir de la culture bretonne se fera sans doute en se tournant vers ce qu’on appelle « les musiques actuelles ». D’ailleurs, le label Innacor ne s’y est pas trompé et distribue le premier enregistrement du chanteur. On ré-entendra sûrement parler de KRISMENN.

CD : Krismenn

Site : www.krismenn.com

Dossier réalisé par Didier Le Goff

 

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