Festival Rock In Opposition 2018 : Undestroyed !

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Festival Rock In Opposition 2018 : Undestroyed !

 

Démarré en 2007, le festival Rock In Opposition de Carmaux / Cap Découverte a su attirer une audience internationale qui en a fait son rendez-vous quasi rituel avec des musiques évoluant hors des carcans marketing, et hors des codes communément associés au rock comme au jazz, au folk ou à la musique contemporaine. Le festival, organisé depuis ses débuts par l’association Rocktime, aurait pu fermer boutique au moment opportun où il achevait une décennie consacrée à une certaine forme de résistance artistique et culturelle. Il y a pourtant eu une onzième édition en 2018, qui fut placée sous le signe d’une réinvention et qui, pour une fois, a fait fi des ténors obligés du genre.

Durant ses dix premières éditions, l’association Rocktime et son directeur artistique, Michel BESSET, avaient fait en sorte de concocter chaque fois une programmation équilibrée entre résurgences de pionniers et émergences de jeunes pousses, figures tutélaires et confirmées et obscurs inconnus venant d’à peu près partout sur le globe. Des répertoires de groupes d’origine du mouvement Rock In Opposition ont été ainsi réactivés de façon quasi-miraculeuse avec les membres d’origine des groupes (ART BEARS, ART ZOYD, SLAPP HAPPY), des rencontres/créations ont été suscitées (UNIVERS ZÉRO, PRÉSENT et ARANIS) et, pour s’assurer un certain « confort » de fréquentation, les grands classiques des années 1970 ont été invités en alternance (MAGMA, GONG, FAUST, CARAVAN). Mais les années passant, on a vu disparaître certains ténors (Daevid ALLEN, Hugh HOPPER, Gérard HOURBETTE), et certaines « résurgences » ont fini par se dissoudre au fur et à mesure que le sablier du temps se vidait. Le festival a été ainsi confronté au phénomène d’évaporation des élans créatifs des années 1970 et de la première génération du Rock In Opposition.

Fort de ce constat, l’équipe de l’association Rocktime, qui a porté ce festival à bouts de bras bénévoles, se devait de réagir, et de prouver qu’il y a bel et bien un « après » pour ces musiques. L’arrière-garde du Rock In Opposition se raréfiant à grand pas, il était temps de se tourner vers des musiques parallèles tout aussi indomptables qui, en connaissance de cause ou involontairement, partagent un état d’esprit similaire au mouvement d’origine, voire certains traits stylistiques… par le plus grands des hasards, bien sûr !

L’édition 2018 du festival Rock In Opposition aurait pu résonner comme une « coda », un « bonus », une prolongation à risques. Mais les risques, le festival les connaît, n’ayant en fait jamais cessé d’en prendre, tout comme les musiques qu’il a programmées. Il fallait exprimer un tournant, sans oublier ses racines. C’est ce qu’a cherché à faire Rocktime avec cette onzième édition, qu’elle a voulu comme une « réinvention », la première « d’un genre nouveau ». Elle s’est pour ce faire adjoint les services de Manu MURÉ, activiste passionné toulousain et découvreur de talents musicaux marginaux avec son association Un archet dans le Yucca. (Il est vrai qu’il avait déjà un sérieux pied dans la place !)

La programmation du festival R.I.O. 2018 a donc privilégié des jeunes artistes et groupes de la nouvelle scène française « underground ». Pas moins de neufs formations hexagonales se sont ainsi illustrées dans l’une ou l’autre salle de la Maison de la musique de Cap Découverte. Certaines d’entre elles provenaient de collectifs mutualistes lyonnais comme Dur et Doux (CHROMB!, PINIOL) et le Grolektif (POLYMORPHIE), qui n’en étaient pas à leurs premières incursions dans le festival, puisque ces collectifs avaient déjà présentés POIL et NI (pour le premier) ou encore UKANDANZ et PIXVAE (pour le second) dans des éditions précédentes du festival. Les groupes JEAN LOUIS, QUATUOR BÉLA, PTAH, CAMEMBERT et les solistes L’ŒILLÈRE et L’OCELLE MARE ont complété cette représentation de la scène française, avec en invité spécial un certain Albert MARCŒUR, vétéran emblématique de l’époque qui a vu naître la première vague « in opposition ».

La onzième édition du festival R.I.O. n’a pas pour autant effectué de « repli nationaliste » (les musiques des groupes sus-cités étant de toute manière trop exotiques pour un public amateur de franchouillardises calibrées) et, fidèle à son habitude, a aussi fait venir des artistes étrangers, principalement américains : Alec K. REDFEARN & THE EYESORES et FREE SALAMANDER EXHIBIT, ainsi que Bob DRAKE, élément récurrent de plusieurs groupes post-R.I.O. (THINKING PLAGUE, 5 UU’s, HAIL, THE SCIENCE GROUP) mais dont la carrière soliste reste peu connue. Pour la première fois, aucun groupe japonais n’a figuré au générique. On ne pouvait pas tout avoir…

Ce rétrécissement de la représentativité internationale ne s’est cependant pas accompagné d’un rétrécissement des propositions artistiques. Chaque groupe avait un son et une identité esthétique très caractéristiques et différenciés, même si la tendance générale a été quand même de livrer du « gros son ». Cela n’a pas empêché les heureux élus de la programmation de faire dans la dentelle structurelle et de faire montre d’une écriture dense et alimentée à diverses sources ; et les respirations acoustiques n’ont heureusement pas été oubliées (elles étaient même essentielles pour le décrassage des conduits auditifs compte tenu de la durée du festival!).

De rock in opposition – tel qu’ont fini par le statufier critiques et publics en tant que sous-genre de rock progressif avant-gardiste – il a été paradoxalement moins question que de voies alternatives (voire de voix discordantes) provenant des scènes jazzcore, noise, contemporain, space-rock, psychédélique, acid-folk, métal, improvisation, etc. Mais la qualité et la pertinence des discours artistiques présentés furent tels que ces acteurs venus d’ailleurs (c’est-à-dire ne se revendiquant pas de la droite lignée du Rock In Opposition originel) avaient quoi qu’ils en pensent quelque chose… certes pas de Tennessee, mais assurément d’ »oppositionnel » ou d’ »oppositionniste ». Au fond, le brouillage de pistes et le rabattage de cartes sont encore ce qui sied le mieux à la régénérescence du Rock In Opposition.

Bien sûr, toutes les performances de ces artistes et groupes n’ont pas fait l’unanimité dans le public, et c’est tant mieux. Il ne manquerait plus que la diaspora du rock en opposition ne devienne qu’une caserne où l’on se doit de saluer en se mettant à l’ »avant-garde-à-vous » !

Chacun a toutefois assurément trouvé son compte à un moment ou à un autre. Et il y a des pistes que l’on peut reprendre plus tard…

Le festival Rock In Opposition a pour se survivre tout intérêt à proposer des actes musicaux qui sortent des plates-bandes trop attendues, et on souhaite qu’il continue à bousculer les préconçus. S’ouvrir à des scènes parallèles est évidemment une garantie pour le public de faire des découvertes.

Mais la découverte (et la révélation) peut aussi se faire avec des groupes et artistes qui s’activent depuis un bon moment déjà mais qui sont restés hors des radars de la reconnaissance médiatique d’une certaine presse rock, fut-elle progressive et avant-gardiste. Il y a tant de musiques « non-mainstream » qui mériterait de figurer à l’affiche de pareil festival ! Elles ne sont pas nécessairement rock en termes d’instrumentation ni de composition, mais peuvent diffuser une énergie et un esprit rock qui va précisément à contre-courant des clichés rock. Les groupes qui ont fait l’histoire du R.I.O. n’étaient pas tous formatés rock et se nourrissaient de bien d’autres formes musicales, c’est bien pour cela qu’on a parlé à leur sujet de « musiques nouvelles », européennes et au-delà…

Pour tout cela, l’existence et la pérennité d’un festival comme le Rock In Opposition reste primordiale et vitale. Nous ne le savions pas encore au moment où le festival avait lieu, mais la nouvelle est tombée quelques semaines plus tard : l’association Rocktime, qui a porté ce festival durant ses onze années, a décidé de mettre la clé sous la porte. Que toute la tribu Rocktime (salariés, bénévoles, techniciens) soit amplement remerciée et saluée pour tout le travail qu’elle a dûment (et durement) accompli. Ses actes de résistance résonneront longtemps dans les esprits.

Cette dissolution n’entraîne pas la fin du festival Rock In Opposition pour autant. Une page se tourne, il reste la suivante à écrire. Michel BESSET s’y est déjà attelé et a d’ores et déjà cerné les contours de ce « renouveau » du festival dont cette onzième édition contenait les prémices. Il y aura donc une douzième édition, qui se distinguera des précédentes par un déménagement.

Le « R.I.O. Fest. France Event » quittera donc son nid du bassin carmausien pour investir la région Auvergne-Rhône-Alpes et s’installera en 2019 au Périscope de Lyon ainsi qu’aux Abattoirs de Bourgoin-Jallieu.

L’autre grande nouvelle est qu’il ne faudra pas attendre septembre, puisque la prochaine édition est fixée aux 9, 10 et 11 mai 2019 ! Bousculer les habitudes, c’est aussi une façon d’être en opposition…

En attendant, RYTHMES CROISÉS vous propose de revivre la onzième édition du festival Rock In Opposition à travers ses diaporamas photos et compte-rendus des concerts qui ont été programmés du 14 au 16 septembre 2018, et faire plus ample connaissance avec ces artistes dont l’engagement artistique ouvre sur quelque chose de vraiment différent  :

Diaporamas photos :

(Les pages consacrées aux groupes apparaîtront progressivement au cours des jours prochains.)

vendredi 14 septembre :

* QUATUOR BÉLA & JEAN LOUIS

* ALEC K. REDFEARN & THE EYESORES

* CHROMB!

samedi 15 septembre :

* L’ŒILLÈRE, BOB DRAKE, L’OCELLE MARE

* PINIOL

* ALBERT MARCŒUR et le QUATUOR BÉLA

* FREE SALAMANDER EXHIBIT

dimanche 16 septembre :

* CAMEMBERT

* JEAN LOUIS

* POLYMORPHIE

* PTAH

Article et photos par Stéphane Fougère

 

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