Hector ZAZOU – Lights in the Dark

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Hector ZAZOU – Lights in the Dark
(Détour/Erato/Warner)

Producteur et arrangeur désormais renommé, Hector ZAZOU, connu pour ses inlassables expérimentations – de la musique de chambre impressionniste de ZNR au mysticisme ethnique « ambient » de Chansons des mers froides – est devenu assez familier de différentes expressions vocales traditionnelles du globe, que ce soit le chant africain de Bony BIKAYE, les polyphonies corses ou les incantations tibétaines (il a produit l’album de la chanteuse tibétaine Yungchen LHAMO Coming Home), pour contourner les pièges douteux d’une world music prônant une esthétique de métissage superficiel et faisant fi de tout respect à l’égard des cultures enracinées. Avec Lights in the Dark, il s’attèle à un nouveau projet une fois encore très périlleux puisque prenant pour fondement les sources sacrées de la tradition chantée celtique ; un choix qui honore toutefois son auteur pour la noblesse de sa dimension, dans la mesure où elle concerne véritablement l’esprit.

En effet, une fois qu’elle a suffisamment goûté les capiteux tournis des jigs et des reels, l’âme humaine qui reconnaît en la verte Erin un port d’attache privilégié aspire tôt ou tard à humecter les vents du silence et du recueillement. Par chance, un certain nombre de chants sacrés et ancestraux irlandais ont résisté aux oublis plus ou moins volontaires de l’Histoire ; et l’on peut remercier les quelques personnalités éclairées qui ont assuré leur pérennité jusqu’à cette fin de XXe siècle. Nóirín Ní RIAIN, avec ses travaux d’étude et ses enregistrements – bien avant ANÚNA – est l’une d’elles, et ses connaissances ont judicieusement éclairé la production de Lights in the Dark, éloquent florilège de berceuses, complaintes, mélopées funèbres, chants de la Passion et carols (chants de Noël).

Du reste, il convient de louanger l’extraordinaire beauté des trois voix féminines réquisitionnées pour redonner vie à ces complaintes séculaires : celle de Breda MAYOCK, spécialiste du chant gaélique ancien (le sean-nós) qui s’est déjà illustrée sur le dernier album d’Alan STIVELL ; Kate McMAHON, soliste du spectacle Riverdance de Bill WHELAN ; et Lasairfhíona Ní CHONAOLA, originaire d’Inishere, l’une des îles Aran.

De la même façon que la christianisation de l’Irlande au Ve siècle a remodelé les formes de la tradition sacrée de l’île sans jamais l’étouffer, Hector ZAZOU, au XXe siècle, a repensé les arrangements pour procéder à un nouvel habillage musical à connotation mondialiste.

Les fidèles complices de ZAZOU (Ryuichi SAKAMOTO, Brendan PERRY, Mark ISHAM…) ont bien entendu répondu à l’appel, mais recours a été également fait à divers artistes façonnés par les traditions celtiques, tels que Kristen NOGUÈS, Jacques PELLEN et Carlos NUÑEZ.

Plus surprenant encore, ces chant sacrés se voient également ornés de sonorités provenant d’autres cultures : il y a le oud de Thierry ROBIN, le kantele de Minna RASKINEN, la kora de Papa D’JABATE, le pékou de Didier MALHERBE, les percussions de Hossam RAMZY, les vocaux de Pete GABRIEL (l’album a été enregistré en partie aux studios Real World, ceci expliquant cela), etc. L’audace est donc présente à chaque plage ; il y a même un chant dédié au cœur sacré de Jésus soutenu par un thème traditionnel japonais (Rokudan) joué au koto !

Mais à aucun moment on ne peut parler de dérapage ni de trahison. Chaque intervention instrumentale, si « exogène » qu’elle soit, sert au contraire à ouvrir de nouveaux espaces au fort pouvoir d’envoûtement de ces chants, dont les mélismes éveilleront à coup sûr dans vos esprits la quête de la lumière.

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°3 – octobre 1998)

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