Hugh HOPPER – Hopper Tunity Box

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Hugh HOPPER – Hopper Tunity Box
(Cuneiform Records / Orkhêstra)

Tous les chemins ne mènent peut-être pas à Canterbury, pas plus à la ville qu’au courant musical qui porte son nom. Mais quand on est dans ce dernier, on peut difficilement passer à côté du son de basse « fuzz » de Hugh HOPPER, devenu l’un des éléments distinctifs du genre. Et ce son s’est retrouvé sur bien des chemins, celui de SOFT MACHINE bien sûr (plus voie royale que chemin broussailleux, du reste), mais aussi ceux de Carla BLEY, de Robert WYATT, de Stomu YAMASH’TA, d’ISOTOPE, et ce rien que pour le début des années 1970.

L’expérimentation sonore a toujours été un moteur vital pour Hugh HOPPER, et ses techniques avant-gardistes (pédale d’effet de saturation fuzz, manipulations électroniques, soundscapes, bandes accélérées ou ralenties, etc.) ont rendu passionnantes des démarches jazz-rock qui, sans elles, auraient sans doute été plus rapidement ennuyeuses.

Cela dit, la radicalité expérimentale de son premier disque solo, 1984 (paru en 1973), n’a pas été du goût de tout le monde. Qu’à cela ne tienne : ceux qui ont été échaudés par cet opus exigeant pourront aborder le son Hugh HOPPER par un angle moins rugueux avec son deuxième LP solo sorti en 1977, Hopper Tunity Box. Ici, on est en plein territoire jazz-rock softmachinien, et on peut même assurer l’auditeur que ce disque, à sa sortie, sonnait plus SOFT MACHINE que SOFT MACHINE lui-même à ce moment-là.

À plus d’un titre, Hopper Tunity Box est une somme : d’abord somme de plusieurs thèmes de HOPPER composés de 1973 à 1976 mais qui n’avaient jamais été enregistrés avec un groupe ou un autre (plus une reprise d’Ornette COLEMAN, Lonely Woman), et une somme de travail considérable, quand on sait que, sous les apparences « live » de cette musique, on a affaire en fait à un magistral montage de pistes, à commencer par celles de la basse, qui forment le noyau de base de ces compositions, et par-dessus lesquelles Hugh a enregistré individuellement les interventions de chaque musicien invité.

Profitons-en pour signaler que ce disque rassemble du beau linge en vérité : Dave STEWART, Elton DEAN, Mark CHARIG, Gary WINDO, Nigel MORRIS, etc. C’est un peu un « who’s who » du jazz canterburyen.

Bref, voilà un disque qui résulte d’un travail d' »overdubbing » intense, mais qui sonne fichtrement organique. Des grooves, imparables (Gnat Prong, Spanish Knee), des mélodies mémorables (Crumble, Hopper Tunity Box, et ses malicieux clins d’œil à des thèmes de SOFT MACHINE), des soli qui ne le sont pas moins, des plages contemplatives (The Lonely Sea and the Sky, Oyster Perpetual), d’autres plus perturbantes ou inquiétantes (Mobile Mobile), Hopper Tunity Box a vraiment de quoi plaire à divers publics, car il combine avec maestria accessibilité et expérimentation, même si c’est au prix d’un certain hétéroclisme. C’est en tout cas le « young person’s guide » idéal à l’univers de Hugh HOPPER, à tel point que les gars de SOFT MACHINE auraient pu dire « avec notre HOPPER, vous êtes aux cieux ! »

Cet album avait déjà fait l’objet d’une première réédition CD chez Culture Press. Cette réédition Cuneiform s’en distingue exclusivement par une pochette différente (l’ancienne y est aussi reproduite, que les puristes se rassurent) et une ample remastérisation du sol au plafond. Pour une fois, il n’y a aucun bonus track.

Mais si vous souhaitez vraiment un autre argument de vente, disons que cette réédition a de plus l’avantage d’avoir été faite à partir des bandes master, là où la précédente n’avait fait que repiquer un disque vinyle, lequel souffrait d’un léger défaut puisqu’il comportait un malencontreux « pet » qui avait fait sauter quelques secondes du solo d’Elton DEAN dans The Lonely Sea and the Sky. Le défaut a été ici corrigé, et le solo apparaît donc dans sa « definitive full extended version » !

S’ajoutent à cela des reproductions dans le livret des partitions de quelques morceaux (pour ceux qui veulent s’y mettre), et de nouvelles notes de livret écrites par Hugh HOPPER, jamais à court de plaisantes anecdotes. C’est ce qu’on appelle une réédition soignée et exemplaire, pour une musique qui, elle aussi, a servi d’exemple à plus d’un.

Stéphane Fougère

Site : www.hugh-hopper.com

Page : https://cuneiformrecords.bandcamp.com/album/hopper-tunity-box

Label : www.cuneiformrecords.com

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°23 – mars 2008)

 

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