LOW – Hey What

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LOW – Hey What
(SubPop Records)

Depuis décembre 1994, date de la sortie de leur premier album I Could Live in Hope chez Vernon Yard, LOW, trio de Duluth (Minnesota), héraults du slowcore ou sadcore (en réaction avec le grunge de l’époque) a enregistré 13 albums, nombre de EP et un beau coffret paru en 2004 et regroupant tous les B-Sides et hommages de la période 1994 – 2004 parus sur des compilations rares, et pas facilement trouvables dès leur sortie.

Un guitariste chanteur, Alan SPARHAWK, un bassiste et Mimi PARKER, la divine chanteuse, percussionniste et épouse du guitariste, ont au fil du temps épuré leurs albums, s’éloignant parfois de leurs premières amours un peu tristes pour proposer une musique un peu pop mais toujours marquée par leur volonté de mettre en avant leurs comptines déjantées et angéliques portées par un accompagnement ralenti, têtu parfois, minimaliste et sans cesse renouvelé.

Les albums se sont succédé dans la continuité et sans grand changement, renouvelant le plaisir de les retrouver en chroniqueurs de la vie de jeunes parents (Try to Sleep sur C’mon en 2011), l’amour des beaux textes (Just Make it Stop en 2013) naviguant aux frontières des genres avec une pseudo naïveté désarmante et enchanteresse (la révélation de la beauté chancelante, a dit un critique), même si de temps en temps on perçevait des fracas sonores le long de certains morceaux souvent très étirés : Do You Know How to Waltz, sur le troisième album The Curtain Hits the Cast de 1996.

Depuis 2015, date de la sortie du onzième album Ones and Sixes et l’arrivée du producteur BJ. BURTON, ainsi qu’un nouveau bassiste Steve GARRINGTON (qui quittera l’aventure en 2020) LOW amorce un tournant radical de sa musique concrétisé trois ans plus tard par l’album Double Negative de 2018, l’album anti-TRUMP, anti chansons, anti mélodique, fracas sonore d’un trio qui veut dire que nous allons vers l’apocalypse et que la musique ne nous consolera plus, pas besoin d’expliquer en sorte. On notera d’ailleurs que les pochettes de ces deux albums n’indiquent qu’à peine le nom du groupe et deviennent des repères glacés et bruts d’objets un peu mystérieux malgré leur familiarité ou leur utilité quotidienne.

Sur Hey What, sorti le 3 septembre 2021, soit trois ans après Double Negative, il n’y a plus grand chose pour nous éclairer, la pochette gris sur gris, le pointillé, aucune indication sur le groupe (réduit à deux) et les titres des morceaux sont dans la pochette intérieure de l’album sans autre indication, même la date est en tout petit et aucune mention du studio d’enregistrement n’est indiquée.

Les morceaux s’enchainent au beau milieu de la nappe sonore qui parfois envahit, engloutit et sature tout, parfois distord les voix et les chœurs, anéantit tel un rouleau compresseur les velléités de Mimi PARKER de faire aboutir des mélodies syncopées par la production et la guitare. La trituration des sons et le brouillage commencent dès White Horses, premier et magnifique morceau chanté à deux voix, suivi par la mélopée I Can Wait répétée ad libitum avant que la rythmique électronique ne submerge tout à nouveau avec ses pulsations de chaos organisé hypnotique et incandescent.

Hey What (« Ben Quoi ? » ou « Mais, C’est pas Vrai ! ») est l’album des contrastes entre la pureté mélodique de LOW, les harmonies cristallines se battant et luttant contre les saturations les plus écorchées de leur répertoire. Les voix amènent quant à elles une luminosité éblouissante par association simultanée, la lumière cohabitant avec les ténèbres. Les plus beaux titres de l’album, les plus fulgurants, sont ceux dans lesquels cette dualité est la plus marquée comme pour Days Like These le morceau sublime avec ses voix écrasées par la friture sonore, la guitare rattrapée par les distorsions (à chaque deuxième moitié de phrasé) comme pour ne pas dévoiler les propos susurrés dans le maelstrom de sons orchestrés par le producteur qui se place en véritable 3è membre du groupe.

Les trois derniers morceaux, Don’t Walk Away, More et The Price You Pay sont un presque retour vers le LOW « d’avant » avec cette façon un peu naïve qu’a Mimi Parker de toucher plus ou moins à des comptines ou des ritournelles désormais écrabouillées et frisant une intensité émotionnelle peu commune. Dans la dernière « chanson » (« Le prix à payer » !), le duo des voix vacille peu à peu alors que le son débarque avec force tandis que les deux chantent : « I know it Sounds Absurd » … et au bout de cinq minutes le chant intense d’Alan SPARHAWK qui chante à nouveau avec Mimi PARKER (It Must Be Wearing Off – « ça devrait s’estomper ») apporte de l’air frais, comme un peu d’espoir au milieu des couches de sons déformés, le virage radical est désormais assumé et confirmé, parfois tout en retenue, la lumière est encore au bout du tunnel et le phare éclaire faiblement la nuit bien sombre.

N’ayez pas peur pour les enceintes de votre chaine hi-fi, elles résisteront aux assauts de cette musique parfois à la limite du supportable, mais elle est le reflet de notre monde bien souvent hostile, ressemblant malheureusement à un champ de ruines et à un amas de décombres,  mais pourtant reste l’espoir d’un peu de magie au-delà des mots et des gestes de ce duo en permanente réinvention, ce groupe (un peu bipolaire peut-être) qui cherche encore des façons d’exprimer et d’imprimer sa présence en balayant l’ensemble du spectre sonore dans le monde menaçant et crépusculaire  d’aujourd’hui.

Xavier Béal

Page : https://lowtheband.bandcamp.com/album/hey-what

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