Martin REV – Demolition 9

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Martin REV : Demolition 9
(Atlas Réalisations)

Martin REV est un artiste toujours aussi imprévisible. Ce nouveau disque ne va pas nous contredire. Paru sur le label de son complice de toujours, le légendaire Craig LEON, Demolition 9 est sans doute son disque le plus étrange, le plus décalé et le moins accessible de toute son œuvre en dehors de SUICIDE.

En effet, même ses précédentes productions (de Strangeworld à Stigmata) paraissent franchement plus abordables, après avoir écouté cet ovni sonore composé d’une trentaine de pièces, toutes quasiment reliées par un fil invisible maintenu par les mains salvatrices de REV. Demolition 9 ne s’adresse pas à n’importe qui !  Martin REV reste l’un des derniers grands punks de l’électronique. Il est en quelque sorte le Iggy POP des claviers, des boites à rythmes et autres machines technoïdes de l’ère apocalyptique.

C’est un album instrumental où la voix de REV est peu présente (il ne chante vraiment que sur les titres In our Name et Creation), ou n’apparaît que sous la forme fantomatique de murmures (She). Ce disque est assez déstabilisant, car il nous mène vers des contrées musicales diverses parfois difficilement franchissables sans une bonne dose de ténacité.

Trente-quatre nouvelles compositions plutôt courtes (dépassant rarement les deux minutes) se succèdent à la vitesse de l’éclair telles des petites histoires sonores ; chacune de ces pièces, explorant un genre de musique représentatif du vaste univers musical de Martin, est un témoignage de ce qu’il écoute depuis son enfance et de ce qu’il explore depuis longtemps avec ses drôles de machines.

Demolition 9 est une sorte d’autobiographie mise en musique, ouvrant un peu plus le chemin pour accéder à son cœur et à son âme. Certes, la succession de diverses sonorités, changeantes du tout au tout d’un titre à l’autre, allant de la noise à la chorale religieuse, de la violence des sons de batterie à une certaine douceur néo-classique, de mélodies simples ou plus agressives, d’atmosphères abstraites ou quasi-spirituelles, n’est pas une chose facile à aborder et peut freiner l’intérêt d’une écoute approfondie.

Cela donne l’impression d’avoir un album chaotique, désordonné sans aucune cohérence entre les titres où le rock des années 1950 (My Street), le jazz (Blayboy) rencontrent les ambiances plus dures de l’indus, du rock électronique et de la noise (In our Name, Stickball). Ce n’est pas facile de s’y retrouver, mais c’est sans doute le but recherché.

REV s’amuse à brouiller les pistes en enchaînant des titres noise inécoutables (Stickball, Into the Blue), avalanches destructrices de solos de batterie, à des pièces moins brutales, plus apaisées,  aux effluves féeriques et sacrées (Requiem, Vision of Mari) en passant par des passages plus rock’n’roll / doo-wop (My Street) et beaucoup d’autres choses indéfinissables qui pourraient illustrer de vieux cartoons et autres comptines oubliées (Pace, T’ Amo, Tub , Rêve, Toi, Tacha’s Toy).

Il y a aussi quand même des réminiscences tourbillonnantes à SUICIDE avec RBL et Concrete, une certaine dramaturgie digne des grands opéras, et des envolées symphoniques poignantes (Darling). L’un des rares titres chantés, Creation, se rapproche du style des SISTERS OF MERCY (au temps de Vision Thing) ou de CASSANDRA COMPLEX alors qu’Inside Out séduit par son approche plus funky et dansante et Back to Philly se résume uniquement à un solo de batterie, cette fois heureusement, beaucoup moins dissonant.

Ce disque dévoile une musique surprenante, émouvante, drôle et même parfois effrayante. Elle peut devenir violente et dérangeante jusqu’à atteindre de réelles explosions cataclysmiques puis se transformer en quelque chose d’à peine perceptible, teintée d’une certaine féerie et jouant avec le silence du sacré.

REV récupère tout ce qu’il aime et tout ce qui a pu l’influencer dans le but de démolir, reconstruire, régurgiter divers éléments soniques pour donner vie à une œuvre inclassable aux portes du rock, de l’électro, de l’avant-garde, du contemporain et des chants grégoriens.

Demolition 9 est à la fois puissant et bouleversant, et n’est certainement pas facile à cerner. Sa trop grande richesse musicale, sa folie poétique vont dérouter grandement ceux qui auront eu le malheur de l’écouter ! Ils seront nombreux ceux qui n’auront pas la force de s’accrocher jusqu’au bout et qui finiront par se perdre au détour d’une sonorité peu commune. Mais ce serait dommage de passer à côté d’un tel disque. Le seul conseil que nous puissions vous donner est de persévérer jusqu’à se laisser imprégner par la grâce de la musique… Parce qu’il y a quelque chose de vraiment fascinant.

Certes, nous sommes bien éloignés des ambiances de ses premiers albums (par exemple de Clouds of Glory), proches de ambiances et des mélodies de SUICIDE. Mais, nous pouvons voir ce disque comme une œuvre d’art brute, provocante, épique, révélant au monde un souffle de liberté totale.

Avec ses titres en latin, ses références au sacré et le souvenir de Mari, Demolition 9 surgit telle une messe de grondements colériques et d’amour, d’expiation et de compassion, de mort et de renaissance. C’est un disque de destruction et de reconstruction, un voyage au cœur du bruit et de l’obscurité pour une destination vers la lumière.

Requiem, Now, Venitas, Darling et Excelsis (ce dernier fait le lien avec le troisième titre, Deus, avec ces sons rappelant des cuivres et des trompettes comme s’ils annonçaient l’arrivée du Divin) sont autant d’exemples de morceaux extrêmement purs et touchants, où Martin REV nous transporte, avec sans doute un certain chagrin, au pays des Anges, là où encore résonnent les derniers mots de REV sur In our Name : « Now, you are gone ». À ce moment-là, nous ne pouvons nous empêcher de penser tendrement à Mari et à Alan.

Cédrick Pesqué

Label : http://atlasrealisations.com/

 

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