MOOD : Le Miroir d’un chant viscéral

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MOOD

Le Miroir d’un chant viscéral

mood-photopresseUne voix s’exprimant dans un sabir imaginaire (le « français-miroir ») et accompagnée par un harmonium indien, voici MOOD (Maude TRUTET dans le civil), une artiste nantaise qui a auparavant tracé son chemin entre rock progressif orienté MAGMA (L’EFFET DÉFÉE) et world music indianisante (OLLI & MOOD) et qui se place d’emblée comme une héritière de Meredith MONK et de BJÖRK.

Son approche vocale et musicale est à la croisée d’une expression ethnique joignant tradition et expérimentation et d’une musique progressive tentée par un jazz contemporain acoustique, et évolue quelque part entre une Natacha ATLAS devenue hindouiste et une Susheela RAMAN qui aurait versé dans l’avant-garde. Avec son premier album, Do Om (diffusé par L’Autre Distribution), MOOD s’épanouit dans un univers organique qui n’appartient qu’à elle et qu’elle livre en réflexion à nos émotions viscérales.

Rencontre avec une artiste qui passe outre les carcans stylistiques pour mieux se mettre au diapason de ses élans intérieurs. 

Entretien avec MOOD (Maude TRUTET)

D’où viens-tu musicalement parlant ? Quel est ton bagage ? Comment as-tu été formée ?

MOOD : Je suis issue d’une famille de musiciens. Toute petite, j’ai eu les oreilles imprégnée par plein de musiques. Mon père, Jean-Paul TRUTET, était chanteur dans des groupes de rock progressif (HÉCÉNIA, ELOHIM…) et de musiques du monde. Avec mon oncle, Daniel TRUTET, il a monté quand j’étais toute petite un studio d’enregistrement à la maison, le studio Osiris, qui a accueilli la scène jazz nantaise et parisienne. Ils étaient vraiment spécialisés là-dedans. Donc j’ai entendu beaucoup de choses, les gens du label Yolk, des choses très ouvertes…

Et puis ça m’a paru comme une évidence pour moi de chanter, ce n’est pas du tout quelque chose qui a été forcé. J’ai aussi travaillé le piano. Dès 13 ans j’ai commencé à être choriste en studio pour certains clients qui venaient, et à 14 ans j’ai commencé la scène en chantant dans des orchestres de variétés pour me faire la main ; et j’ai commencé mes premiers groupes de rock et de musiques du monde à cet âge-là. Ça a donc vraiment été une expérience de terrain.

Donc le rock et les musiques du monde correspondaient déjà à tes préférences ?

M : Oui, tout à fait. Ensuite j’ai eu envie de me former et je suis partie à Rennes faire mes études de musicologie et j’ai poursuivi avec un DUMI, qui est la formation des musiciens intervenants, et j’ai passé un diplôme d’État chant/musiques actuelles. J’ai donc eu différents bagages. Je me suis de même formée à l’étude du chant lyrique, mais aussi du chant traditionnel arabo-andalou, du chant d’Inde du Nord (j’étudie toujours la musique dhrupad aujourd’hui). J’ai également fait des stages d’improvisation vocale, avec des gens comme Jessica CONSTABLE, Pascal LABBE, des gens qui m’ont ouvert à toutes sortes de choses.

De ça, j’ai commencé à monter mes premiers groupes. J’ai chanté dans un quatuor de musiques du monde, musique traditionnelle arabo-andalouse et indienne qui s’appelait NASSIJ (ça veut dire « tissage » en arabe). Ensuite, j’ai monté mon premier projet qui s’appelait L’EFFET DÉFÉE, un groupe de rock expérimental qui a eu auparavant une première forme électro. Cela m’a ouvert la voie des tournées, on a fait notamment la première partie de MAGMA, les Prog’Awards…

Et en arrivant à Nantes, j’ai vraiment ressenti ce besoin de fonder quelque chose sous mon nom propre, MOOD. C’était important pour moi après L’EFFET DÉFÉE. J’avais déjà un duo qui s’appelait OLLI & MOOD, porté sur les chants dévotionnels d’Inde du Nord, des « bhajans », vu que je me suis mise à jouer de l’harmonium indien en arrivant à Rennes. Cet harmonium m’accompagne encore aujourd’hui.

J’ai donc ressenti le besoin de revenir à quelque chose de plus acoustique et organique parce que je cherchais ce type d’expression personnelle, organique, originale avec les effets électriques et électroniques dans L’EFFET DÉFÉE. On versait presque dans le métal parfois !

Tu t’es donc entourée de nouveaux musiciens ?

M : J’avais envie de revenir à quelque chose qui pouvait aller dans l’infiniment petit, dans l’intime, avec que des instruments acoustiques. J’ai choisi de m’entourer de musiciens qui viennent des musiques improvisées, du jazz et des musiques traditionnelles. Et comme dénominateur commun, j’ai demandé à chaque musicien de détourner son instrument, qu’il puisse filtrer son instrument.

La rencontre qui a été très importante pour moi au début de cette aventure, ça a été celle avec mon contrebassiste, Ronan COURTY. Il travaille dans toutes sortes de projets, dont le CABARET CONTEMPORAIN, qui fait pas mal parler de lui en ce moment. Il a vraiment cette démarche de filtrer son instrument : il utilise des pinces à linge, des cuillères, toutes sortes d’ustensiles. Chaque instrumentiste de mon groupe essaie donc d’aller là-dedans. J’ai un trompettiste et joueur de bugle, Alan REGARDIN, qui travaille beaucoup sur le souffle, sur des textures ; une violoncelliste qui s’appelle Amandine DOLÉ, qui est aussi comédienne de formation et qui sait donc incarner les émotions et qui chante aussi ; et un percussionniste qui a cherché à rassembler différentes percussions du monde en un set de batterie qui s’appelle Jean-Marie NIVAIGNE.

J’avais besoin d’explorer ma voie sous toutes sortes de formes, d’aller chercher cette dimension incantatoire, chamanique de la musique qui m’intéresse sous toutes ses formes. Voilà pourquoi j’ai continué à chanter en m’accompagnant à l’harmonium indien, en allant chercher plus loin les textures mais sans effet électronique, juste sur un plan acoustique : comment aller chuchoter, crier, créer du rythme avec la voix… J’ai développé tout un jeu de textures vocales beaucoup plus qu’avec L’EFFET DEFEE, où je le faisais avec des effets électroniques, etc.

Dans L’EFFET DÉFÉE, tu n’utilisais pas l’harmonium, en fait ?

M : Je le faisais un petit peu, mais c’était surtout centré sur le chant avec le sampler, le multi-effet. C’est pour ça que je voulais revenir à une forme acoustique. C’est ainsi que j’ai fait un solo dans un festival sous une yourte ! J’aime pouvoir jouer dans différents endroits. Je peux jouer à la Cité des Congrès de Nantes comme dans de tout petits lieux et aller chercher dans l’intime, sans courant, sans électricité, sans effets… Les effets par soi-même, à l’intérieur de notre corps, comment s’exprimer, c’était quelque chose de capital pour moi.

Tu t’exprimais aussi dans une langue originale…

M : Dans L’EFFET DEFEE, j’avais développé cette histoire de ma propre langue. Je chante en « français-miroir », j’écris mes chansons en français à l’envers. Par exemple, la chanson Ermina Elijam Eilbou, ça veut dire « Réanimer les magies oubliées »… C’est phonétique, je n’inverse pas tous les mots.

Pour moi c’était hyper-important d’écrire mes poèmes. Je ne voulais pas les chanter en français parce que je ne voulais pas emprisonner l’auditeur dans un message qui pourrait le limiter dans son imaginaire, dans son ressenti, dans toutes sortes de codes. J’avais envie que la voix puisse être appréciée aussi bien que la contrebasse, le violoncelle…

J’ai travaillé avec cette femme qui est comme une mère spirituelle pour moi, Meredith MONK. Elle est dans cette approche presque animale de la voix, chamanique. Ça m’intéressait. Mais j’avais besoin quand même de mettre des mots, mon langage du sens pour exprimer mon message. Je suis vraiment dans un message d’appel de reconnexion avec la nature, l’humanité, une forme de spiritualité. Je trouve que ce sont des choses tellement intimes qui peuvent être interprétées à différents niveaux qu’il importe pour moi que les auditeurs ne soient pas enfermés par des mots, par un sens, et puissent sentir, laisser résonner cette émotion-là sur le plan qu’ils veulent.

Être sensibles aux timbres, à la résonance…

M : Tout à fait. Et souvent, les gens comprennent ce dont je parle et ressentent selon leur propre histoire, leur propre envie du moment, et ils développent leur propre imaginaire. C’est mon but.

Je monte sur scène non pas juste pour faire quelque chose de joli ou de techniquement incroyable parce qu’il y a différentes techniques vocales et instrumentales. Ce qui m’intéresse, c’est d’être comme une sorte de passeuse de lumière, d’antenne. Et la façon la plus humble, la plus simple de le faire sans rien imposer, c’est de le faire dans ma propre langue, celle à laquelle je crois profondément. Personne d’autre que moi la parle (rires), mais au moins je parle à l’inconscient des gens et j’espère toucher la corde sensible comme cela et leur donner envie à leur tour de créer. Voilà ce qui m’intéresse dans la musique.

Ce « français-miroir », c’est une langue onomatopéique ?

M : Ce ne sont pas des onomatopées, ce n’est pas du scat, ce sont de vrais poèmes. Ce n’est pas du kobaïen (NDLR : la langue du groupe MAGMA) non plus parce que je n’ai pas créé de règles de grammaire. Ce sont mes poèmes en français.

C’est donc une langue qui fait plus ressortir les sonorités, les jeux d’assonance. Est-ce que ce n’est pas lié au travail fait dans la musique et le chant indiens, sur les mantras ?

M : Sur les « sa re ga ma pa da ni », les noms des notes, tout ça ? Oui. En fait, je crois que ce qui a déclenché ce besoin d’une autre langue – je n’avais surtout pas envie de chanter en français, et encore moins en anglais, comme tout le monde le fait – c’est que depuis toute petite je suis très émue par des chanteuses arabes, indiennes, bulgares. Je ne connais pas ces langues, mais c’est pourtant ces musiques-là qui me faisaient pleurer ou qui me donnaient une énergie folle, et je crois que j’avais peut-être inconsciemment envie de pouvoir déclencher ça à mon tour.

Comme j’essaye de créer une musique traditionnelle imaginaire, j’avais besoin d’une langue qui soit dépourvue de référentiels géographiques, c’est cela qui était très important. A un moment, j’ai pensé à chercher une sorte de langue des fées pour L’EFFET DÉFÉE. On m’avait parlé des langues elfiques de TOLKIEN, mais je ne voulais pas m’apparenter à quelque référence que ce soit.

Par ailleurs, il y a beaucoup de gens qui, par rapport aux influences que j’utilise, pensent que je chante en hindi, en arabe, en langue de l’Est, en breton. Et c’est ça qui m’amuse beaucoup ; c’est que chacun se fait sa propre représentation. « Tiens, elle vient de là… » « Elle est d’ici ! »… C’est très, très drôle ! Mais ça appelle à la création d’autre chose, à reprendre contact avec ce qui nous touche en dedans, à l’intérieur de nous-mêmes. C’est cela que je cherche à appeler.

Meredith MONK, c’est quelqu’un que tu as découvert il y a longtemps, j’imagine ?

M : Pas si longtemps. Je l’ai découverte il y a à peu près huit ans… Son art est venu prendre contact avec quelque chose en moi, et j’ai eu le sentiment que c’était là depuis toujours, comme une famille que je retrouvais.

Ce qui a été incroyable, c’est que, lorsque je l’ai rencontrée, je ne pensais pas qu’elle me connaissait, et ça été l’un des moments les plus forts de ma vie ! Elle m’est tombée dans les bras, elle m’a reconnue parce qu’elle avait vue la chanson que j’ai écrite pour elle, About M.M., une chanson hommage à Meredith MONK, que je joue dans mon spectacle en duo, avec Ronan COURTY. Cette chanson, elle l’a vue sur youtube, et elle m’a dit : «Maude, BJÖRK est ma fille, et toi, tu es ma petite-fille !» Et ce sont mes deux chanteuses préférées…

C’est quelque chose qui m’a énormément libérée et qui a été un déclic dans ma vie, dans mon parcours dans ce projet-là, C’est quelque chose de très, très beau, cette mise en en confiance sur un chemin. C’est magnifique de pouvoir rencontrer ses pairs, ces gens qui nous nourrissent, se faire reconnaître par eux et pouvoir apprendre et travailler avec eux, c’est formidable !

Tu évoquais tout à l’heure le chamanisme dans ton approche vocale. As-tu été inspirée par des chanteurs ou chanteuses provenant de cette culture chamanique, comme Sainkho NAMTCHYLAK ?

M : Oui, Sainkho, bien sûr ! J’ai travaillé récemment avec Svetlana SPAJIC, une chanteuse serbe, qui travaille elle-même avec Sainkho NAMTCHYLAK. Et en fait, depuis peu, je reviens vers tout ce qui est musiques traditionnelles, tout ce qui m’a toujours touché. Je suis partie en Inde cette année travailler avec les frères GUNDECHA (GUNDECHA BROTHERS), de grands maîtres de la musique dhrupad, et j’ai intégré la dernière formation d’Erik MARCHAND, KREIZH BREIZH AKADEMI, en Centre-Bretagne dédiée à la voix et qui s’appelle LIESKAN, dans laquelle nous avons pu travailler avec Svetlana SPAJIC. On travaille sur l’oralité, le chant traditionnel dans différentes cultures, et c’est grâce à cette formation que je suis partie apprendre en Inde, chez les GUNDECHA BROTHERS.

Pour moi, c’est très important d’être artiste-compositrice qui créé, qui recherche toujours, qui produit des choses, mais qui est toujours en alerte de recherche, et qui continue à creuser son sillon, ses origines. C’est toujours très important de se remettre en mouvement. Il n’y a rien de plus insupportable qu’un artiste ou un professeur qui a compris une méthode ou une manière de faire, qui fait tout le temps la même chose, qui n’avance pas et ne se remet pas en question. Je pense qu’on est sur Terre pour évoluer et que la musique est un outil pour se connaître et déclencher des émotions, de la lumière, des reconnexions chez le public, donc il faut continuer d’être en mouvement pour que notre travail soit juste. Sinon, c’est un travail égotique et ce n’est pas intéressant. Voilà mon chemin.

En fait, tu n’es pas partie des musiques traditionnelles mais tu les as rencontrées en cours de route, dans ta quête de quelque chose de plus organique ?

M : Effectivement. J’ai le sentiment que dans notre société il nous manque beaucoup de rites et de formes de transes pour relâcher les choses. On les fait de façon extrême, avec la drogue ou je ne sais quoi, alors qu’il y a des choses très belles, très lumineuses et très joyeuses qu’on pourrait retrouver ensemble. En jouant, en chantant, en criant, en dansant…

On a aussi des formes malheureusement trop rigides du format des concerts aujourd’hui. On doit monter sur une scène, le public doit écouter, se taire et ne pas bouger. Dès qu’un enfant se met à s’exprimer, on lui dit « Mais non tais-toi t’as pas le droit de bouger ! », alors qu’il ressent pleinement la musique, sans à priori, sans codages. Et ça devrait être avant tout un partage de liberté ; on devrait pouvoir déclencher cela. C’est tellement dommage. Par exemple, je pense à l’effet que provoque la tarentelle italienne, cette forme de danse de transe pour faire oublier la douleur d’avoir été piqué par une tarentule… Et ça, on l’a oublié.

Au festival Eurofonik, en 2013, j’ai été très heureuse, très touchée qu’une femme soit venue pendant 10 minutes/un quart d’heure – je n’exagère pas – sangloter dans mes bras ! Elle ne s’arrêtait plus. Elle m’a dit : « Vous savez, dans notre société, le cœur est tellement verrouillé, vous avez réussi à me faire sauter ce verrou ! ». J’ai été très, très touchée parce qu’à petite échelle, c’est ce que je souhaite pouvoir donner, si j’y arrive. C’est un cadeau pour moi, parce que je pense que c’est une fonction très importante dans la musique de pouvoir libérer les esprits, c’est ce que je dis dans les chansons. Et j’espère qu’un jour on aura des formats de concerts plus participatifs aussi.

Est-ce que tu te verrais faire quelque chose avec des chanteurs ou des chanteuses qui sont dans une démarche similaire à la tienne ?

M : Mais bien sûr. Déjà, j’ai intégré le collectif de musique traditionnelle LIESKAN, où je suis la seule à être dans l’expérimental. Les autres sont surtout des chanteurs traditionnels bretons. Mais je suis ouverte à cela… J’ai suivi un workshop avec Meredith MONK, en compagnie d’autres gens qui recherchent, soit en tant que chanteurs, que danseurs ou que comédiens, ces contacts-là. Bien sûr que ça m’intéresse.

Après, MOOD, c’est vraiment mon nom d’artiste et c’est quelque chose où je cheminerais toujours avec des rencontres instrumentales. Je travaille aussi avec Amandine DOLÉ, qui fait aussi des chœurs dans le quintette. J’ai aussi donné un concert où il y avait une chorale en invitée et avec laquelle on a travaillé sur des textures de voix. Donc oui, j’aime toujours les défis, les rencontres, je veux continuer à travailler avec Meredith MONK à New-York… Bien sûr, tout ce chemin est important. Peut-être qu’un jour je donnerai un concert avec uniquement des voix, on verra… Ça a été fait il n’y a pas très longtemps par mon autre inspiratrice, BJÖRK, alors je vais attendre un petit peu. (rires) Tout reste ouvert. J’ai envie de travailler avec plein de choses…

Après cet album, j’ai envie de monter un petit orchestre de musique orientale qu’avec des instruments préparés, pour continuer à être dans cette démarche… Je ne sais pas s’il faut le dire, car j’ai peur qu’après quelqu’un pique mon idée ! (rires) Ou alors avec un gamelan indonésien… Enfin, il y a plein de choses qui m’intéressent.

Comme tu es de Terre bretonne, te sens-tu aussi des liens avec cet héritage spirituel et musical dit celtique, ou au moins breton ?

M : Alors en fait, je suis née dans le Maine-et-Loire, et tous mes ancêtres sont Vendéens. (rires) Après, comme j’ai fait mes études à Rennes et que je travaille beaucoup avec des artistes bretons (Erik MARCHAND…), je respecte tout à fait cette culture, je trouve ça très beau.

J’ai le sentiment qu’en France on a beaucoup perdu nos racines et que la Bretagne est une région qui continue de magnifier sa culture, ses traditions avec un sens de la modernité que je trouve fabuleux. Je trouve ça très juste à notre époque de pouvoir faire cela, comme aussi en pays occitan, où certains continuent à le faire, ce qui est très bien. J’ai énormément de respect pour cela, et bien sûr je suis très touchée par les légendes qu’on peut raconter sur les fées, la quête du Graal. Ce sont des choses très symboliques qui parlent de choses importantes, même si ce sont des archétypes. D’ailleurs, Meredith MONK a écrit l’une de ses plus belles œuvres, Dolmen Music, en allant à la Roche-aux-Fées, qui est juste à côté de Rennes.

Je ne me revendique de rien. Je sais que je suis autant bouleversée par la culture amérindienne que la culture indienne que la culture arabe, alors que j’ai des ancêtres vendéens, des Chouans.

Tout le monde me dit : « Mais c’est pas possible, tu as des origines… » Je ne sais pas ; on a peut-être des mémoires… qu’importe ! Ce qui est important, c’est que ça vienne toucher profondément l’âme. Pourquoi ? Parce que ce sont des chants, des traditions dans lesquelles on arrive à être « antennes », c’est-à-dire qu’on n’est pas forcément dans la représentation de son petit soi-même et de ses compétences, on est reliés à quelque chose de céleste et de terrien qui nous traverse et qui nous rassemble.

C’est ça qui est très beau et qui persiste dans toutes ces traditions qu’on a peut-être parfois perdues dans nos quotidiens et dans notre course folle au modernisme, très lié à la virtualité, et revenir à des choses qui sont ancrées, simples. Il faut que le chant et la musique puissent réveiller cela à nouveau.

Parle-nous du premier album de MOOD…

M : Il s’appelle Do Om. C’est le miroir de mon nom, MOOD, et il signifie littéralement «faire Om», «retrouver Om». Om, c’est la syllabe sacrée de l’hindouisme, elle symbolise l’Absolu.

Avec ce titre, je ne cherche pas à établir un dogme. Surtout pas ! Je ne suis pas du tout en train de dire « allez, soyons tous hindouistes ! » Je ne le suis pas moi-même, donc ce n’est pas à prendre dans ce sens-là.

Si on contracte Do Om, ça donne Doom, qui est le chaos, la fin des temps… Pour moi, on est à une époque charnière et je pense que « faire Om », chacun peut le voir à sa mesure, je ne suis pas forcément en train de parler de religion ou de spiritualité poussée. Il s’agit de reprendre contact avec le monde de l’invisible, quel qu’il soit, ça peut aussi être avec ses désirs, son être intérieur, toutes sortes de choses… Chacun peut vraiment l’interpréter, le décoder comme il veut, cet appel. Et comme c’est le miroir de mon nom, dans lequel il y a ce Om, c’était pour moi important de l’appeler comme ça.

Et Do Om, ça ne veut pas dire non plus que ça a été fait à la maison (home), même si ça a été fait dans la maison des LO’JO. Denis PÉANT chante d’ailleurs sur un titre, Do Om, justement. (Ah c’est marrant, je n’avais pas fait le lien…) (rires) C’est vraiment un chant de paix, ça parle de libérer tous nos esprits, toutes nos lourdes valises de morales et de carcans et de pouvoir revenir à la Terre…

C’est uniquement toi qui compose ?

M : Oui, j’écris tout, les poèmes comme la musique, et les arrangements sont proposés pour la plus grande partie par Ronan COURTY, et par le reste du groupe également. Alan REGARDIN a fait quelques arrangements pour ce disque, Jean-Marie NIVAIGNE en a fait aussi, Amandine DOLÉ a réinterprété ses parties, donc chaque musicien réincarne vraiment avec ses sensations, son langage musical, la musique que je propose. Moi, je ramène des chansons, très simples, avec mon harmonium et après, chacun y met son monde, son identité, sa vibration propre, c’est cela qui est très, très beau. Donc bien sûr que l’implication de chaque musicien autour de moi est très précieuse.

Alors j’imagine que, compte tenu de la voix que tu as choisie et des gens avec qui tu t’es entourée, ces compositions, telles qu’elles sont enregistrées sur l’album, ne sont pas des versions définitives…

M : En fait non. J’ai vraiment choisi de travailler une forme poussée, parfois sophistiquée sur le disque. Il y a des morceaux qui ne peuvent sonner qu’en studio, d’autres qu’en live. J’ai fait des choix très précis. Après, chaque expérience d’enregistrement donne envie parfois de transformer à nouveau en arrangements, on en a transformé d’autres pour le studio…Donc il y a des choses très différentes sur scène et sur le disque, des choses plus similaires, des morceaux qui sont que sur le disque et d’autres que sur scène. Mais il y a une unité, ça reste le spectacle Do Om, que je donne depuis le mois de novembre 2012, et ça reste le disque Do Om, qui a des teintes, des couleurs en plus.

Tu as réalisé un disque avec L’EFFET DÉFÉE, celui de MOOD vient de sortir… A notre époque, c’est presque un engagement de proposer sa musique sur un support matériel !

M : Oui, c’est presque une révolution, un acte de résistance, c’est sûr. J’estime que ce disque est mon premier disque sous mon nom, parce que c’est vraiment moi qui ai mené jusqu’au bout mes chansons… L’EFFET DÉFÉE, c’était mon premier disque de compositions, mais c’était un projet qu’on avait choisi d’appeler sous le nom d’un groupe, et où il y avait deux entités féminin/masculin, harpe/chant, basse/batterie. C’était une autre histoire… Do Om est donc mon premier album, avec ces très belles rencontres avec Dénis PÉANT et Akosh S, qui est venu jouer et a proposé des directions d’arrangements.

Alors effectivement, qu’est ce que c’est aujourd’hui de faire un disque ? C’est se dire qu’on ne va pas se laisser décourager par cette course à la rentabilité, puisque je ne rentre pas dans les critères, je ne joue pas de la musique festive qui fait vendre de la bière et je ne suis pas RIHANNA, donc je ne suis pas sur ce créneau d’industrie musicale. C’est forcément à perte, si on veut parler crûment.

Mais c’est une richesse tellement incroyable, tellement belle, de pouvoir concrétiser un projet comme celui-là que c’est un accouchement d’une part de soi-même. Un disque, c’est la photographie d’un instant de vie, dans notre chemin. C’est toujours des expériences qui nous font mûrir énormément.

Voilà pourquoi faire un disque est un acte artistique très important à mes yeux. C’est la matérialisation d’un cheminement, d’un parcours. Et ce disque est aussi une part d’un carnet de voyages pour moi puisqu’il s’appelle aussi Do Om en clin d’œil au premier voyage que j’ai pu effectuer cette année en Inde, dès le mois de janvier 2013. Donc c’est vraiment un disque sur cette année 2013, marqué de ces rencontres avec l’Inde, Akosh S., Denis PÉANT… C’est la résultante de ce premier pas en tant qu’artiste sous mon nom.

Et sur un plan médiatique, c’est extrêmement important pour moi d’avoir ce support-là pour continuer de voyager plus loin, d’aller jouer plus loin dans le monde (il y a peut-être des possibilités de tourner en Chine, en Inde, aux États-Unis…) et de continuer à développer ma route. Le disque est aussi un passeport aujourd’hui pour les artistes, pour continuer à toucher plus loin son public. Et puis les gens sont parfois heureux d’emporter avec eux le concert qu’ils viennent de voir, même si le CD est différent.

Pour tout cela, ça reste important de faire un disque.

Article et entretien réalisé par Stéphane Fougère

Lire la chronique de l’album Do Om

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