Philip GLASS – Akhnaten

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Philip GLASS – Akhnaten
(Sony Classical)

La sortie en mid-price de ce chef-d’œuvre de la musique contemporaine, et plus précisément répétitive, m’oblige quasi automatiquement à en faire la chronique, histoire de faire signe à nos lecteurs les moins avertis, ou à ceux désireux de faire un beau cadeau à un mélomane. Philip GLASS reprend à son compte les formules classiques, mais dans des gammes modernes, en y appliquant le principe de répétition.

Du premier point découle pour l’amateur de rock (ou de pop) une familiarité immédiate, et du deuxième point une reconnaissance précise des structures. En revanche, le phénomène hypnotique, engendré par les musiques de Steve REICH et de Terry RILEY, est totalement absent de l’univers de GLASS. Ici la répétitivité imprime dans l’auditeur plutôt la sensation interne d’écoulement d’un flot continu, d’un ruissellement harmonieux.

Philip GLASS est pianiste à la base ; il a confié ici son œuvre à l’orchestre philharmonique de Stuttgart, ce qui transmute littéralement sa création, car son jeu au piano a parfois, à mon goût, un aspect parfois un peu trop mécanique. Ce point augmente d’ailleurs la sensation de flot de cette musique.

Après ces quelques généralités, replaçons Akhnaten dans son contexte, celui d’une trilogie, dédiée à l’esprit humain sous la forme d’un hommage rendu à trois hommes importants. Einstein on the Beach fut le premier terme de cette trilogie (consacré à Albert EINSTEIN symbolisant le génie scientifique) ; Satyagraha, le deuxième opéra, fut dédié à GANDHI, en hommage à son génie politique (le Satyagraha, la lutte pour la Vérité, était avec l’Ahimsa, la non-violence, son credo) ; Akhnaten, dernier terme de cette grandiose trilogie, est consacré à l’esprit religieux. Akhnaten, avant d’être le hableur d’un groupe marseillais, fut le premier pharaon, en fait le premier homme dans l’histoire de l’humanité, à imposer le monothéisme. Aton, dieu du soleil, devient l’unique dieu sous son règne. Un dieu abstrait, qui va à l’encontre des principes de l’Égypte antique. On devine que son règne sera un anachronisme total dans la longue suite des dynasties pharaoniques.

Musicalement parlant, la forme d’un opéra trouve ici, avec le thème de l’Égypte pharaonique, une totale congruence, ce qui à mon sens n’était pas le cas des deux premiers pans de la trilogie, qui auraient gagnés à être traités dans des formes plus intimes.

L’œuvre déploie à son aise des couleurs parfois « carmina buranesques » qu’on ne connaissait pas à Philip GLASS (dans l’excellent Funérailles d’Amenophis III par exemple, qui symbolise la perfection, le faste et la puissance des anciennes traditions pharaoniques). La narration, en anglais, et les chœurs en égyptien antique sont tirés des textes historiques et donnent à l’ensemble un poids, une gravité qui manquait à Einstein… et à Satyagraha. Par moments, c’est la grâce totale qui inonde cette œuvre, comme dans Hymn, qui symbolise le nouveau règne de paix et d’harmonie d’Akhnaten (et Dieu sait que je suis d’habitude réfractaire au chant d’opéra).

De manière globale, grâce à un jeu d’enchâssement des thèmes, cette œuvre est sans doute la moins évidemment répétitive de Philip GLASS. On notera une ou deux lourdeurs excessives parfois (The Family), mais sur les 120 minutes qu’offrent les deux CD, on peut considérer cette part comme négligeable, et décréter Akhnaten comme la meilleure production de Philip GLASS, suivi d’assez loin par Glasswork, qui n’a pas ce caractère monumental. La musique du film Kundun sur la vie du Dalaï-Lama a ce caractère saisissant, alors que le CD du même nom est assez fade. Je conseille par ailleurs à tous les amateurs de Wim MERTENS d’écouter au moins Glasswork et Akhnaten de manière à écouter l’original plutôt que la copie.

Héry

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°13 – juin 2003)

 

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