PTÔSE – Ignobles Limaces + Night of the Reptiles // Ignoble Vermine : a Tribute to PTÔSE

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PTÔSE – Ignobles Limaces + Night of the Reptiles (Gazul / Musea)
Ignoble Vermine : a Tribute to PTÔSE
(Gazul / Musea)

PTÔSE, c’était une certaine idée de l’expérimentation rock affublée des haillons d’une pop mécanique qui plébiscite ouvertement la dérision et abolit la frontière entre l’instrument et le jouet, bref tout un art de faire qui a fait des émules dans des domaines parfois très différents. La réédition en CD de son LP Ignobles Limaces nous renvoie en pleine face le spectre des années 1980, avec leurs boîtes à rythmes « cheap », leurs sons ultra-synthétiques à dix kilomètres, leurs ritournelles débiles et nous rappelle que, même avec ces recettes un rien caricaturales, il était possible d’être original et de vivre artistiquement en dehors des balisages du « mainstream ».

Créé en 1979 par deux frères originaires de Niort, Benoît et Lionel JARLAN, PTÔSE a incarné cette opposition aux modèles dominants et a inauguré tout un réseau d’auto-production qui est devenu légendaire et dans lequel musiciens, diffuseurs et auditeurs étaient souvent les mêmes personnes.

Avec leur label Ptôse Productions Présente (PPP), les membres du groupe ont ainsi produit des compilations collectives, des SP au design spécifique et des cassettes présentées dans des formats tous plus incongrus les uns que les autres, réinventant le « D.I.Y » alternatif et l’échangisme culturel.

Ignobles Limaces fut le premier LP de PTÔSE. Paru en 1984 sur l’indispensable label AYAA, il comprend des morceaux cultissimes (Boule (viens ici) !, Ēcraser la vermine !, In Your Bush, Sticky Soul, La Nuit des sauriens), dont certains avaient déjà fait l’objet de versions différentes dans la cassette Night of the Reptiles, que cette édition CD présente judicieusement en bonus. Deux autres EP suivront (qu’on espère voir réédités un jour…), ainsi que moult contributions à des compilations, parmi lesquelles les célèbres Douze pour un et Ubu et la MerdRe.

Avec ses mélodies bancales, ses voix allumées et ses rythmes machiniques auxquels il adjoignait une multitude de percussions (xylophone, gongs, glockenspiel, balafon, bruits divers…), PTÔSE n’a pas tardé à être stigmatisé comme la « version française des RESIDENTS ». Pareille étiquette est certes on ne peut plus lourde à porter, mais PTÔSE s’en accommode assez honorablement (d’autant qu’il a quand même réalisé une reprise de Smelly Tongues dans son EP Face de crabe), sachant qu’elle pourrait très bien être attribuée également à VIDÉO-AVENTURES ou DÉFICIT DES ANNÉES ANTÉRIEURES, par exemple.

Sous l’impulsion du collectif PALO ALTO, également responsable des rééditions CD d’Ignobles Limaces et de deux cassettes de PTÔSE (label Halte aux records !), seize formations ont unis leurs efforts pour rendre à PTÔSE un hommage de choix qu’il n’aurait certainement jamais pensé obtenir, sous le titre-clin d’œil d’Ignoble Vermine. Contexte oblige, chaque participant a droit dans le livret à son alter-ego insectoïde, grouillant, grinçant, grattant ou crapahutant, à l’image de sa musique.

Ce « tribute » regroupe donc des acteurs des scènes électro-indus (SERVOVALVE, LEFDUP ET LEFDUP, BOSCO, PHONÈME, LES HAUTS DE PLAFONDS, CHAZAM…), des musiques nouvelles, bancales, bricolo-naïves et autres cancrelats esthétiques. L’écurie pataphysicienne du label In Poly-Sons est évidemment représentée en force, notamment par le biais de TOUPIDEK LIMONADE (qui nous fait le coup du lapsus « gonguesque ») et de Christophe PETCHANAZ, qui signe avec ses groupes KLIMPEREI et DELETED pas moins de cinq reprises dans le style qu’on lui connaît ou qu’on lui devine. DRAGIBUS nous gratifie d’une craquante version pop-corn’roll de Boule, tandis que Pierre BASTIEN et son MECANIUM transforme les sauriens nocturnes en fantômes mécaniques, ou le contraire.

LA S.T.P.O. détourne astucieusement The Bogyman vers l’improbable sphère du « punk-rock in opposition », alors que NORSCQ réarrange Cartilages et Os longs pour cordes vertébrales (!), sympathiques, parasympathiques, voire pas sympathiques du tout et le garnit de distorsions « moelleuse » qui renouvellent l’art du supplice chinois.

PALO ALTO n’est pas en reste avec sa version naïvo-jazzy-electro-distroy de Like a Mouse rehaussée par les glapissements d’Emiko OTA (ex-MAMI CHAN BAND, URBAN SAX…), et, en guise de générique de fin, on a droit à un roboratif Ptôse-pourri pilant-menu 21 morceaux de PTÔSE et réalisé par le NON-FINITO ORCHESTRA, au sein duquel se commet Jef BENECH, auteur du collage surréaliste rétro et épicé de délicieux mauvais goût qui sert de pochette au CD.

Autant le dire, ces soixante-dix minutes d' »ignominies sonores » devraient rassasier l’écraseur de vermine qui sommeille à n’en pas douter en chacun de nous…

Stéphane Fougère

Label : www.musearecords.com

(Chroniques originales publiées dans
TRAVERSES n° 18 – Juillet 2005)

 

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