RED CARDELL : De la joie dans nos cimetières

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RED CARDELL

De la joie dans nos cimetières

Non seulement il est Breton, mais il prétend faire du rock avec de l’accordéon : à la base donc, Red CARDELL (“fumier rouge” en anglo-breton) avait tout contre lui ! Aujourd’hui, après plus de 700 concerts donnés en Bretagne comme à l’étranger (la France, la Finlande, l’Europe de l’Est…), le trio s’impose comme une référence en matière de folk-rock fusion pour avoir concilié une certaine tradition bretonne avec les échos fraternels des rythmes modernes (rap, raggamuffin…) et des thèmes d’ailleurs (slaves, berbères, orientaux…). En fustigeant âprement les intolérances obscurantistes dans ses textes, et en rappelant de fait à une plus grande responsabilisation autant politique que poétique des consciences, Red CARDELL prouve que la “ploucquerie provinciale” peut aussi décadenasser le folklorisme borné dans lequel on l’a trop souvent confortée et donner à son discours une portée éminemment universelle.

Rétrospective discographique et rencontre-apéro

Vous travaillez dans une formule instrumentale plutôt minimaliste, mais paradoxalement votre musique regorge d’influences multiples. Vous n’êtes pas tous issus du même milieu ?

Jean-Pierre RIOU : On vient tous d’univers assez différents. Ian, le batteur, vient d’une école rock, rock-FM, voire hardrock. Ce qu’il aime surtout, ce sont des batteurs comme Dave WECKL, l’école américaine. Jean-Michel, l’accordéoniste, a une inspiration beaucoup plus… large dans la mesure où il a une formation assez classique et qu’il a fait du musette et du fest-noz.

Quant à moi, je me suis formé en écoutant des disques de blues. On essaie de trouver le meilleur mélange en tenant compte de nos capacités, suivant les musiques qu’on a vraiment travaillées. Sur cette base-là, on tente de trouver quelque chose qui nous réunisse tous les trois, dans laquelle on s’éclate le plus. On y retrouve donc nos propres qualités personnelles et nos propres manières de nous exprimer avec un instrument.

Au départ vous étiez quatre ?

J-P. R. : Il y avait effectivement un bassiste, qui est parti. Dans un groupe, il y a une question de respect humain qui entre en jeu. Il faut que tout le monde s’y sente bien, quoi ! Je crois que la séparation qu’on a connue était due à ça ; et du coup, on a préféré continuer à trois plutôt que de chercher quelqu’un d’autre. On a trouvé intéressant et original le fait de travailler en trio guitare – accordéon-batterie et de suggérer plutôt la ligne de basse. Il peut y en avoir à la limite toujours une, mais elle est muette ; on la suggère. Tout le travail de composition se fait donc autour de l’accordéon, de la batterie et de la guitare. C’est cette recherche qui nous motive et que l’on veut continuer à mener.

Donnez-moi le temps

Trois années de distance séparent le premier du deuxième album. Est-ce dû à ce rétrécissement de personnel ?

J-P. R. : C’est dû au fait qu’à l’époque on n’avait pas la possibilité de produire un deuxième album. Or, on tient énormément à être les producteurs de nos propres disques. On voulait donc produire Douleur et chercher une distribution qui corresponde aussi à notre façon de penser, à notre façon de voir les choses. Cela a pris du temps… De ce fait, on a pu tranquillement et régulièrement travailler pleins de morceaux sur scène en vue de les intégrer dans ce deuxième album. Ce dernier est ainsi sorti au moment où on a franchement eu la volonté de le sortir.

Le premier disque, on l’avait fait très vite afin de se faire connaître et pour démarcher ; c’était une carte de visite en fin de compte. Ensuite, on a attendu un peu pour faire le deuxième. Le troisième, en revanche, a été fait un peu plus rapidement, mais cela témoigne aussi d’une envie de retourner à la musique.

Ce que je veux dire, c’est que Douleur est un album très produit, très léché ; et on a voulu revenir à quelque chose de plus simple et de plus direct qui corresponde à ce qu’on est musicalement.

Votre façon de composer a donc changé…

J-P. R. : Pour le troisième album, on a beaucoup répété ; chose qu’on n’avait pas faite pour le disque précédent puisque les morceaux naissaient sur scène ou dans des “ boeufs ”, des choses comme ça… Pour préparer 3, on a pris notre temps. On est partis sur une base d’une douzaine de morceaux que l’on a fait évoluer au cours des répétitions, et chacun chez soi aussi, notamment pour les mélodies et les textes. On voulait être capables de jouer directement en studio en perdant le minimum de temps afin de pouvoir soigner le mieux possible le son de l’album.

Il s’agit alors d’un enregistrement live en studio ?

J-P. R. : C’est pas franchement du live, mais on a gardé effectivement les premières prises et on joue de toute façon tous les trois en même temps sur tous les morceaux, mis à part quelques “ overdubs ” d’accordéon ou de guitare.

Des gueux en goguette

Pourquoi avez-vous été enregistrer cet album en Europe de l’Est ? Bratislava, la Slovaquie, c’est symbolique ?

J-P. R. : Non, c’est la qualité du studio. Comme je te le disais tout à l’heure, on est producteurs et, par conséquent, on est à la recherche de studios d’enregistrement qui correspondent à ce que l’on souhaite techniquement et financièrement. On a découvert le studio de Bratislava par l’intermédiaire de Francis DECAMPS, de Belfort, qui avait travaillé là-bas, et on s’est rendus compte qu’il était vraiment épatant. Il avait des tables de mixage comme on en voulait, des SSL, un parc de micros excellent, une cabine de 16 mètres sur 7 qui nous permettait de jouer en live, donc, si tu veux, des studios d’enregistrement de qualité qu’on a eu du mal à trouver ailleurs.

Et puis on a aussi beaucoup aimé le fait d’être éloignés et isolés. Ça nous a permis de nous concentrer sur l’album et de travailler vraiment en groupe sans connaître les petits désagréments quotidiens du travail chez soi. Là, on n’a pas eu le temps de se disperser, on était dans un univers totalement dépaysant. Voyager à l’étranger est une expérience assez enrichissante et qui offre un certain recul par rapport à ce que tu fais.

Par l’écho des fanfares

Qu’est-ce qui fait que, dans votre répertoire, il y a des morceaux qui ont une consonance slave, ou berbère, ou autre ? Est-ce que vous vous dites, au moment de composer, “ Tiens, on va faire un morceau dans tel style ” ?

J-P. R. : En général, non. Les influences naissent assez naturellement, souvent lors de “ bœufs ”. Du reste, c’est plutôt Jean-Michel qui amène ces influences. Sur une rythmique donnée, il trouve une mélodie qui peut rappeler ceci ou cela. Mais ne je pense pas que, au départ,… Enfin, il faut lui demander.

Jean-Michel MOAL : Ça vient aussi de tout ce qu’on écoute de différent. C’est un melting-pot de pleins de choses qu’on écoute, et on n’écoute pas forcément la même chose ! C’est selon le feeling du moment, en fait. Avec tous les moyens de communication qui sont à notre disposition actuellement, on peut écouter des tas de choses. Il y a tant de musiques qui nous entourent !

Mais, à l’origine, il y a une base bretonne ?

J-M. M. : Oui. Il y a de toute façon une base bretonne dans les rythmes, dans les thèmes… Et puis, la musique bretonne, Alan STIVELL l’a triturée dans tous les sens dans les années 1970. Aussi, on peut très bien s’amuser à le faire à notre façon. En Bretagne, il y a pleins de choses qui se passent, les mélanges musicaux vont bon train. De toute manière, les Bretons sont de grands voyageurs ; ils sont allés un peu partout.

Je crois que dans la musique bretonne on retrouve des rythmes similaires aux danses berbères, ou aux musiques de l’Est, ou au tango. Parfois, c’est tribal. Il peut y avoir aussi des rythmes qui s’assimilent au rock… Au fond, notre musique est un mélange de tout cela. On ne veut pas forcément rester dans la tradition. Cela dit, on respecte la tradition et les gens qui l’entretiennent.

Tu utilises l’accordéon MIDI. C’est pas courant, ce genre de chose…

J-M. M. : Non, il n’y en a pas beaucoup en effet. Mais je ne l’utilise pas pour remplacer un violon, une basse ou une guitare. C’est une histoire d ‘enveloppe sonore, en fait, de remplir l’espace avec seulement trois musiciens. Et on tient à rester trois puisqu’on se trouve bien à trois ! On n’a pas forcément envie de prendre un bassiste, un ensemble de cors, un philharmonique… (rires) Non, non, j’déconne…

J-P. R. : Si on a envie d’intégrer un peu de techno, de raggamuffin, des trucs comme ça, ou juste une nappe ou des chœurs, le MIDI permet cela. Jean-Michel l’utilise très bien et depuis longtemps, donc c’est intéressant.

 

Le poète dans ses nuits de peine

Venons-en aux textes : dans votre dernier album, ils ont tous ou presque été écrits en français. Vous avez apparemment tenu à mettre en avant un aspect chansonnier, style BREL ou FÉRRÉ…

J-P. R. : C’est une conséquence logique du travail qu’on peut mener ensemble, et surtout de ce que peut apporter l’accordéon comme instrument de chanson française. Non qu’on veuille imposer cette influence plus qu’une autre, mais celle-ci doit nous tirer en principe vers des textes et on peut la mêler à du rock, de la musique bretonne, yiddish ou n’importe quelle autre influence… Tout est question de sentiment, d’émotion, de rapports que tu as avec les gens avec qui tu travailles. La volonté de chanter en français vient de là aussi, car l’accordéon est un bel instrument pour accompagner le chant en français ; ça se marie très bien.

Il y a une continuité extraordinaire dans les textes, du premier au dernier album, des éléments récurrents, des liens… Il y a un univers qui t’est assez particulier quand même.

J-P. R. : C’est l’univers de RED CARDELL, celui de la route, des tournées… On est un groupe de rock, on a un camion et on roule de concerts en concerts… Et je crois que tu t’enrichis humainement des gens avec qui tu bosses. Quand tu écris des paroles – surtout que j’écris d’une manière assez automatique, inconsciemment -, c’est toute ton expérience qui rejaillit sur ta façon de t’exprimer. C’est ce qui fait qu’il y a peut-être une unité, comme tu dis, entre le premier et le troisième album. C’est une question de groupe, d’expérience tout simplement.

Si mille choses sont des mots…

Tu as semble-t-il une prédilection pour des textes assez sombres ou écorchés, teintés soit rouge révolutionnaire, soit rouge sang. Tu ne crains pas que des gens se disent “ Pauv’ gars, il est en train de s’enfermer dans un mauvais trip ” ?

J-P. R. : Tout est question d’interprétation. Je ne pense pas que mes paroles soient aussi sombres que ça. Il faut les interpréter aussi ! Un texte ne m’appartient pas, il appartient à la personne qui écoute la chanson. Je n’ai pas la prétention de dire qu’une chanson est MA propriété ; je l’ai faite pour les autres.

C’est pourquoi tu évolues dans une poésie assez figurative.

J-P. R. : Oui, c’est ça. Il y a une chanson sur le dernier disque qui s’appelle Nous et qui raconte notre histoire sur la route. Elle est un peu sombre, pourquoi ? Elle parle de compromis, de concessions, mais elle parle de la vie. Tout le monde fait des concessions ; c’est pas pour ça que t’es malheureux ou mal dans ta peau. Au contraire, cette exigence que tu peux avoir envers toi-même, tu dois l’exprimer dans une chanson, parfois de manière assez sombre, afin que cela t’apporte une forme de … de … – merde, le mot ! – de … sérénité, voilà ! Sérénité, tranquillité, tout simplement.

J-M. M. : Et puis le blues, c’est ça ! La chanson réaliste française, c’est ça aussi ! Il y a certains opéras qui racontent des histoires de meurtres au temps de l’antiquité grecque, c’est pas drôle ! Même dans le rock’n’roll ! Chez Chuck BERRY, l’histoire du mec qui achète son frigidaire ou une bagnole qui ne marche pas, c’est pas plus drôle ! (rires)

Néanmoins, vous cultivez une certaine forme d’humour ?

J-P. R. : Bien sûr ! Il faut de l’ironie pour faire passer tout ça. Et surtout, faut pas s’attarder à trop rentrer dans les mots. Chez nous, les paroles sont accompagnées par une musique gaie, festive, et ce n’est pas du tout innocent ; ça a un sens. C’est notre personnalité…

Je ne peux pas t’expliquer, c’est comme ça qu’on est !

… Et des carottes dans mon jardin

Comment vous situez-vous par rapport à ce qu’on a pu appeler le “ renouveau celte ” ?

J-P. R. : On ne se situe pas du tout là-dedans. Au contraire, on ne veut pas s’arrêter à la musique bretonne. Elle peut être une influence, mais par forcément prédominante. Je pense qu’on aura trouvé un équilibre dans notre musique le jour où toutes nos influences seront à égalité. C’est là notre désir et notre volonté pour demain. C’est vraiment tout un monde qu’on essaie d’inventer, et on n’a pas la prétention de réussir tout de suite. Déjà, on a fait trois disques, on est vachement contents ! Donner des concerts, ça nous rend heureux ; écrire des chansons, c’est génial ; faire de la route, c’est super… “ Venez nous voir, venez prendre du plaisir ! ” C’est ce qu’on a envie de dire aux gens, c’est tout.

Pour finir, vous ne seriez pas tentés par un album live ?

J-P. R. : On verra… Beaucoup de gens nous en parlent, tu nous en parles, on y pense. Mais on est aussi bien tentés par un album live que par un album avec de nouvelles chansons. Donc, c’est au public de nous le demander !

Propos recueillis par : Stéphane Fougère
Photos : Sylvie Hamon

Discographie commentée

Rouge
(Arcade – 1993)

Il y a des pavés dans la mare par lesquels on aime se faire éclabousser. Ainsi, le label Arcade, d’ordinaire porté sur les compils et la chanson “ bien d’chez nou  ”, a-t-il accueilli en son catalogue le premier album de Red CARDELL. Il ne fallait pas en effet avoir peur de se salir puisque l’opus en question a été baptisé Rouge ; et l’on voudra bien croire qu’il ne s’agit pas d’une référence au temps des cerises, mais plutôt aux écorchures béantes des guerres existentielles civiles et des clameurs insoumises.

À l’époque constitué de quatre membres (Jean-Michel MOAL aux accordéons, Jean-Pierre RIOU au chant, aux guitares et occasionnels bombarde et tin whistle, Patrick GOYAT à la basse et Ian PROËRER à la batterie), Red CARDELL présente là sa tambouille métissée de rock musette, de raggamuffin fest-nozé, de blues gavotté, de ballade électro-acoustifiée en Kas Ha Bar métallisé, rehaussés de germanités outrées (Cardell’s Blues) et d’orientalismes câblés (Camel’s Walk). Rouge est donc le manifeste du cosmopolitisme poivré, jusque dans le choix des langues pour les textes : de l’anglais en priorité, du français un tantinet (Cirrhose), de l’allemand en passant, et quelques pincées de “ breizhitude ” (An Huñvre, Ur Vro), car faudrait tout de même pas croire que nos sirops de la route auraient oublié d’où ils viennent…

Évidemment, un trajet stylistique aussi touffu et tordu n’est pas exempt d’approximations et d’éparpillement, mais globalement, on a compris que RED CARDELL fait la nique aux autoroutes balisées du son FM et préfère les chemins racineux de la fusion non touristique. Vendu à plus de 15 000 exemplaires, l’album a également trouvé un écho favorable en Pologne, où la chanteuse locale Renata PRZEMICK a repris Kas Ha Bar, qui a même figuré dans les charts ! De plus, We’ve got to be alone s’est très vite imposé comme l’hymne récurrent et favori du public “ cardellien ”.

N’Less Music a depuis réédité Rouge accompagné d’un CD-ROM, où il est question de méduses, d’étrilles, de scaphandriers et de bigoudens. RED CARDELL in situ, quoi !

Douleur
(Warziz / N ‘Less – 1996)

Moins on est, plus on fait les fous : la réduction de personnel subie par RED CARDELL ne l’a pas empêché de pêcher de nouvelles et consistantes richesses mélodiques, rythmiques et harmoniques. La grosse caisse de Ian PROËRER, le jeu de guitare en open-tuning de Jean-Pierre RIOU et l’accordéon MIDI de Jean-Michel MOAL suppléent à l’absence de basse, et c’est l’unité du groupe qui s’en trouve renforcée.

La Douleur, disséquée ici en seize titres, éructe ses fastes de virulence flamboyante après une longue gestation (trois ans après Rouge). C’est dire si le “ fumier rouge ” a fait mûrir ses fragrances avec beaucoup de soin. Non en vain puisque l’album a été élu disque de l’année par une radio nationale en Finlande !

Sur la base de thèmes de danses traditionnelles bretonnes, les compositions de Red CARDELL revêtent des parures variées et vitaminées : rap sur Parliament, slaves dans The Bottle is empty, orientales dans Les Gueux… Appuyés par la frappe vigoureuse de Ian, les accordéons acoustique et MIDI de Jean-Michel invitent au rituel festif, tandis que les textes, en anglais et en français, de Jean-Pierre viennent rappeler qu’il y a ici et maintenant encore trop de démissions éthiques, trop de responsabilités bio-dégradées (Revolution, À Montparnasse), bref trop de cadavres intérieurs qu’il faut piétiner de nos pas de danse exorcistes.

La douleur de l’autre, étouffée par nos haines, la douleur des conflits internes qui chahutent nos relations, la douleur éructée par ces “ gorges aphones ” qui se complaisent dans leurs aphasies (Fantômes) : elles se déclinent toutes dans le verbe lucide de Jean-Pierre.

Heureusement, l’humour et le pied-de-nez sont là pour évacuer le trop-plein (Pol qu’a piqué, Parliament I)… En clôture, amour, haine, rêve, désespoir, larmes et sourires se tiennent par la main le temps d’un An Dro rageur. Après une telle cure de saine révolte, comment peut-on encore piquer de la ronflette ? !

3
(Warziz / N ‘Less – 1997)

Un boîtier à l’envers pour un monde qui tourne de travers, grisé par les aberrations humaines et shooté par des utopies obsolètes : Red CARDELL trouve une fois encore sa cohésion dans le tournis provoqué par les blessures “ de chair et de mots ” de Jean-Pierre RIOU et leur contrepoids jubilatif, à savoir les jouissances mélodiques des accordéons musette et MIDI de Jean-Michel MOAL et les rythmiques carrées et solides de Ian PROËRER.

Qu’on ne s’inquiète donc pas, ils sont toujours 3, et ils le marquent au fer sur la blancheur nihiliste des aveuglements humanistes. Le minimalisme instrumental de RED CARDELL confirme son efficacité expressive alors que les mots creusent davantage dans les infirmités de nos pauvres et lâches systèmes (Immonde, Communiste ou Rouge, en clin d’œil conceptuel au premier album), glissent dans les colmatages artificiels des paradis individualistes (Fumée, Si mille choses), s’immiscent dans les souvenirs d’une enfance utopisée (Le Vélo rouge), exécutent une pirouette narquoise le temps d’une Waltz pour enfin atteindre Le Fond, qui absorbe les tourments en un bal capiteux, celui de l’existence au jour le jour et de ses ombres parallèles.

Plus que jamais, Red CARDELL donne à voir sa couleur, ou plutôt ses dégradés de couleur, au sein d’une production toujours plus affinée (mise en relief de l’accordéon et de la guitare, léger “ fondu ” de la voix…) et a opté dans 3 pour un aspect résolument plus chansonnier, la quasi-totalité des chansons ayant été écrites en français.

Entre deux résistances poétiques ont parfois été insérés des interludes instrumentaux assez sanguins, histoire de laisser le temps de digérer les oracles. Mais au bout du compte, on en ressort toujours “ pleins ”, pleins de liquides froissés et de lumières cinglantes.

Réalisé par Stéphane Fougère

(Article original publié dans
ETHNOTEMPOS N° 2, mai 1998)

 

 

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