RED CARDELL – Naître

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RED CARDELL – Naître
(Keltia Musique)

Si l’on ne présente plus ce groupe bien ancré dans la scène rock et folk de Bretagne, saluons toutefois son retour en force dans les bacs des disquaires, après une période de repli occulte durant laquelle ses disques n’étaient guère plus disponibles que via son site Web. Le trio, habitué par souci d’indépendance artistique à travailler avec les seules ressources instrumentales et vocales de chacun de ses membres, a pour cette nouvelle création ouvert ses portes à une palanquée de collaborateurs extérieurs ! Bref, avec Naître, RED CARDELL est passé de la cave au moulin !

On peut à priori s’étonner de ce revirement d’attitude, le groupe s’étant jusqu’à présent interdit ce genre de démarche dont il semblait par ailleurs fort bien se passer. Les accordéons acoustique et numérique de Jean-Michel MOAL, les guitares, la bombarde, les textes et le chant de Jean-Pierre RIOU, et les percussions, claviers et samples de Manu MASKO ont toujours suffit à façonner la « pâte » sonore de RED CARDELL, quelque part entre rock n’ roll, chanson et folklore français, breton, berbère ou tzigane, et une poésie de soufre taillée par les affres du monde, la poussière des routes et le ricanement des mots.

C’est toujours de tout cela dont il est question avec Naître, sauf que cette fois RED CARDELL a entraîné dans son bal existentiel et cosmopolite une bonne dizaine de musiciens, chanteurs et chanteuses. Parmi eux, on retrouve Farid Aït SIAMEUR, ancien confrère de Jean-Michel MOAL et de Jean-Pierre RIOU au sein de PENFLEPS (et également ancien chanteur de TAYFA), la grande chanteuse traditionnelle bretonne Louise EBREL, un violoniste, des cuivres et un choeur de femmes rencontrés lors de voyages en Ukraine, et d’autres encore.

Et vous savez quoi ? Ce renfort d’invités fait un bien fou à RED CARDELL ! Non pas parce que ça permet au trio de suivre la mode des métissages ethno-quelque chose (la musique de RED CARDELL est à la base le fruit d’un métissage qui n’a cessé de se creuser), mais parce que ces interventions externes permettent au trio de souligner et d’accroître la richesse des ingrédients à partir desquels il a conçu son propre son.

Musiques actuelles, musiques folk et ethniques, proches et lointaines… elles se croisent ici avec une audace et une intelligence qui devraient servir d’exemples à d’autres qui ont moins bien réussi leur coup dans ce domaine.

Mieux encore, la contribution de ces musiciens, chanteurs et chanteuses bretons, berbères et ukrainiens (sans parler de ces samples de voix tirées d’archives sonores, comme dans le pimpant Poitou…) amplifie les résonances propres à l’univers de RED CARDELL et en déploie les horizons.

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Qu’on en juge avec ce rap ethnique mêlé de cordes orchestrales, de cymbalum et de voix diverses qu’est Davaï, le rock n’ roll cuivré de Gare de Guer, les « balkaneries » de Kazaktchok serties des percutantes jongleries verbales de Jean-Pierre RIOU, et cet émouvant moment de suspension poétique créé par les psalmodies vocales simultanées des voix de Farid Aït SIAMEUR, d’Olena GONCHARENKO et de Louise EBREL dans Cœur léger, qui en dit bien plus long que n’importe quelle rhétorique sur la tolérance et le partage…

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Loin de se laisser aller aux sirènes du « tout-métissage » aléatoire, RED CARDELL a soigneusement choisi ses invités en fonction de ce que sa musique a toujours porté en elle. Au fond, il n’y a rien dans Naître qui bouleverse ou modifie les données de base de la musique de RED CARDELL.

Rock, chanson, électro, musette, gavotte, valse, berbérismes et balkanismes : c’est toujours le même univers, reconnaissable entre mille, mais devenu plus ambitieux, plus sophistiqué, sans que cela nuise à la verve originelle du trio.

Neuf albums plus tard, RED CARDELL tient toujours la barre, et la pose même un peu plus haut.

Stéphane Fougère

Site : www.redcardell.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°22 – mai 2006)

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