Richard WALLEY : À la découverte du bush australien

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Richard WALLEY

À la découverte du bush australien

 

Depuis que les vibrations du didgeridoo, instrument en bois aborigène creusé par les termites, se sont imposées à travers l’ethno-transe, les musiciens australiens sont restés discrets dans notre paysage sonore. 

Richard WALLEY est l’un des artistes les plus actifs en Australie. À la fois musicien, acteur, écrivain, peintre, danseur et cinéaste, celui-ci a enregistré entre 1994 et 1997, six CD ressortis sous forme d’un luxueux coffret en bois, The Six Seasons, en hommage au peuple Nyoongar. C’est bien sûr l’occasion de nous intéresser à ce peuple dont la culture traditionnelle est menacée.

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L’histoire

Il existait près de six cents tribus aborigènes lorsqu’a commencé l’exploration du continent australien au début du XVIIe  siècle par les Européens. « L’invasion », elle, n’a commencé qu’en 1770 lorsqu’un anglais, COOK, prit possession de la côte orientale et fonda la future ville de Sydney, qui devint d’abord une colonie pénitentiaire. Ce n’est qu’à la fin de ce siècle que les colons libres se sont installés sur le territoire. Puis un système de vente des terres a été mis en place et les colons en ont profité pour s’approprier « légalement » les terres des Aborigènes.

Vers 1830, les corichard-walley-six-seasonslons commencent à s’installer sur les terres du peuple Nyoongar, vivant au Sud-Ouest de l’Australie. Les Nyoongars étaient, avant la colonisation, environ 6 000 et on recense 13 dialectes possibles. À la suite de nombreux conflits avec les autochtones et de « raids » organisés par un guerrier aborigène, le gouverneur des terres décide de résoudre le problème en ordonnant tout simplement l’extermination de la tribu.

C’est ainsi qu’en octobre 1834 eut lieu à Pinjarra l’un des génocides les plus meutriers de l’histoire de la colonisation australienne, au terme duquel plus de 300 Aborigènes, hommes, femmes et enfants, ont été massacrés par l’armée britannique et des colons. Il y eut peu de survivants et ceux-ci furent forcés, au fil des années, d’adopter un mode de vie plus « européen », parqués dans des « réserves » ou des camps (à Carrolup et Moore River), les enfants retirés à leurs parents et scolarisés…

L’artiste

richard-walley-01Richard WALLEY est né à Meekatharra, en Australie occidentale. Très jeune, il émigre vers la côte ouest dans la petite ville de Pinjarra, à 80 km de Perth. Là, il découvre la culture des Aborigènes du Sud-Ouest, les Nyoongars. Une fois adulte, il s’implique dans la défense des droits des Aborigènes, notamment en fondant diverses organisations (services médicaux, fondation de sports, comité contre l’alcoolisme, etc.).

En 1987, Richard WALLEY fonde, avec Ernie DINGO et trois amis aborigènes, le MIDDAR ABORIGINAL THEATRE, troupe destinée à sauvegarder la culture du peuple Nyoongar, dont le succès l’amènera à tourner dans 32 pays.

Après un concert de didgeridoo au Royal Albert Hall de Londres en 1993, il enregistre une série de CD puis travaille comme directeur artistique sur un projet de CD-Rom sur les artistes indigènes australiens. Il a également joué pour les Jeux olympiques de Sydney en 2000.

Les six saisons

richard-walley-bilyaDans leur calendrier, les Nyoongars ont six saisons (contrairement à d’autre tribus d’Australie qui n’en ont, par exemple, que deux, la saison sèche et la saison humide), que représentent les six CD enregistrés par Richard WALLEY figurant dans le coffret édité par Trubach Digital, et pour lequel l’artiste a également réalisé les peintures reproduites dans les livrets. Ces six saisons sont ici symbolisées chacune par un animal : Bilya (le poisson), Kooyar (la grenouille), Yoowintj (la chouette), Waitch (l’émeu), Carda (le lézard) et Boolong (la grue). Les animaux sont en effet vénérés par les Nyoongars qui vivent, depuis leur origine, de leur chasse.

Les performances réalisées ici par Richard WALLEY, seul au didgeridoo, percussions en bois (sticks), boomerang et chant, rendent hommage bien entendu aux animaux, mais également à la nature, à laquelle son peuple est très attaché.

richard-walley-kooyarOn peut rapprocher l’œuvre discographique de Richard WALLEY des romans de l’écrivain anglais Arthur UPFIELD, créateur du « polar ethnologique », qui a écrit une trentaine de romans entre 1928 et 1963 lors de son séjour en Australie, mettant en scène un policier métis. Ses romans offrent, outre les enquêtes, une étude particulièrement intéressante des coutumes et des mœurs des Blancs et des Aborigènes rencontrés sur son passage, ainsi que de longues et fascinantes descriptions de la nature australienne et de sa faune.

richard-walley-yoowintjLes trois premiers albums de cette collection (Bilya, Kooyar, Yoowintj) sont consacrés principalement à la faune australienne. Le didgeridoo, que certains se plaisent à définir comme un « synthétiseur acoustique », prend ici toute sa dimension en évoquant bien plus que des cris d’animaux. Dingos, opossums, kangourous, aigles, papillons, lézards et autres bestioles sont évoqués par des sons, des déplacements et, surtout, au cœur de la nature qui les entoure, tels le vent, l’orage, la pluie, les lacs et les cascades, l’océan, l’herbe, les arbres… On y détecte la présence d’hommes au travers des rites tels le corroboree (fêtes et célébrations des Aborigènes), la marche… Mais cette présence humaine ne dérange pas la nature qui prédomine.

richard-walley-waitchLe quatrième album nous apprend que les Nyoongars sont, comme beaucoup de tribus qui doivent survivre en fonction des saisons, des voyageurs. Waitch nous conte donc le voyage d’un Nyoongar, qui démarre à l’aube à sa naissance pour se terminer à la tombée de la nuit à la fin de sa vie. Les notes de livret rappellent les différentes phases de la vie d’un homme : naissance, enfance pleine de découvertes, adolescence et la quête de connaissance, la cour et la découverte du « pays » de l’autre qui apprend le respect et la compréhension des êtres différents, la protection des siens et la passation des connaissances, la vieillesse et la sagesse, et enfin le voyage final où le corps devient partie de la Terre.

Le voyage évoqué par le jeu du didgeridoo nous emmène le long d’une rivière puis au bord de l’océan où chantent les baleines, puis dans le bush, accompagnés par les chants des oiseaux ; la nuit tombe et révèle les cris d’animaux, de créatures inconnues, tandis que l’orage approche ; le tonnerre éclate puis laisse place à la nuit. La vie d’un peuple est résumée là, en moins d’une heure, par le jeu incroyable de Richard WALLEY, qui utilise toutes les ressources de son instrument, appuyé par ses « sticks » et les bruits de la nature.

richard-walley-cardaLe cinquième CD de cette série, Carda, a pour thèmes les danses et les histoires. Différentes danses pratiquées à des occasions spéciales (changement de saison, compétition entre danseurs, méditation, apprentissage du rythme, célébration de leur pays…) côtoient les histoires d’un homme-kangourou dont le voyage à travers le bush l’amènent à rencontrer d’autres animaux, ou d’une pie qui défend son territoire et sa progéniture… Bien que ces histoires soient racontées exclusivement par les vibrations du didgeridoo, Richard WALLEY y intègre également un peu de chant.

richard-walley-boolongÀ travers ces cinq CD (le sixième étant une compilation, sans doute pour faciliter la compréhension des Occidentaux trop pressés), Richard WALLEY nous invite à découvrir le Sud-Ouest de l’Australie et son peuple, les Nyoongars, dont la vie et les coutumes tentent depuis des siècles de rester en harmonie avec la nature. Les mélodies, jouées entièrement en acoustique avec des instruments traditionnels aborigènes, réussissent à emmener l’auditeur dans ce monde lointain et malheureusement oublié. La simplicité et l’atmosphère heureuse qui s’en dégagent donnent une image vibrante de ce mythique « Dreamtime » (Temps du rêve) australien, dont Richard WALLEY ravive non seulement le souvenir mais aussi les valeurs existentielles.

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Site : http://aboriginalproductions.com.au/richard-walley/

Réalisé par : Sylvie Hamon
Photos : G. Hocking – Peintures : R. Walley 
(paru initialement dans ETHNOTEMPOS n° 8, avril 2001)

 

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