SPECTRUM ORCHESTRUM – Suburbs

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SPECTRUM ORCHESTRUM – Suburbs
(La Société du spectral)

spectrum-orchestrum--suburbs-2014Suburbs… De la part d’un combo de rock alternatif ou de hip-hop, ce titre aurait paru une évidence, voire un cliché. Mais de la part d’un groupe qui se revendique à la croisée de la musique progressive et de la musique improvisée, l’évocation des « banlieues » et des « événements » y afférents étonne. A moins d’y voir un subreptice écho, déformé par son passage dans un insondable tesseract, d’une lointaine Symphonie pour le jour où brûleront les cités…

On n’en est pas si loin, dans la mesure où SPECTRUM ORCHESTRUM est une créature sonique qui a été apparemment générée à partir d’un conglomérat coagulant les influences de SUN RA, KING CRIMSON, John COLTRANE, FAUST, NAKED CITY, MAGMA, SECRET CHIEFS 3, Herbie « MWANDISHI » HANCOCK, THIS HEAT et autres ténors sulfureux. Plus concrètement, il paraît que les membres de ce quintette (guitare, basse, batterie, soufflants et clavier électrique) se seraient rencontrés dans les brumes non moins insondables des faubourgs de Lille, hantés comme chacun sait. Et ces membres étant eux-mêmes hantés par les références susnommées, le choix de baptiser leur entité musicale SPECTRUM ORCHESTRUM tombait sous le sens !

Pour un amateur de musique construite, Suburbs constitue la face la plus amène de l’ORCHESTRUM, là où ses deux autres EP, Improvisarium I et II, sculptent des profils plus escarpés, avec des pièces conçues sur le vif, fruit d’improvisations collectives. Ce côté hydre à deux têtes n’est pas sans rappeler HENRY COW, avec qui SPECTRUM ORCHESTRUM partage le goût des extrêmes. Développer un langage jazz et oser creuser des interstices free et bruitistes au sein de compositions savamment dirigées et construites n’est pas une affaire donnée à tout le monde, mais le quintette « spectral » fait montre d’une belle maîtrise du propos, et parvient même à faire de son EP autre chose qu’un simple exercice de style, ou un catalogue de démos.

Car Suburbs (nanti d’une très belle pochette cartonnée) semble raconter une histoire qui se développe en cinq parties : une introduction, deux chapitres de taille moyenne (une dizaine de minutes), un chapitre « plat de résistance » qui dépasse les seize minutes, et une conclusion en forme de « cliffhanger »…

L’introduction (Prélude : La Profondeur du chant, pièce instrumentale comme son titre l’indique !) dessine un climat étrange dans lequel le moindre son flûté, le moindre couinement ou autre parasite percussif ajoute une teinte indispensable à une tapisserie qui va bientôt prendre vie, graduellement, par paliers, avec le morceau éponyme au EP et une curieuse reprise de Lonely Woman d’Ornette COLEMAN.

Tous deux sont construits de sous-parties aux ambiances variables, en fonction de la prise de parole soliste du saxophone, de la guitare, du clavier (septentrional !) et de leur implication dans un jeu de crescendos et de dé-crescendos alternant tensions et relâches, nuages et lumières, morsures et caresses, le tout sans systématiser les ruptures de ton trop flagrantes. Ici, on prend le temps de cultiver un état d’âme et de le nuancer.

Le summum est atteint avec Mantra, épopée souveraine aux allers et retours thématiques qui ménagent accalmies troubles et effrois contrôlés, introversion et véhémence, rage contenue et placidité bilieuse.

Le Postlude : Ascenseur pour nulle part fait l’effet d’un after qui n’aurait pas digéré complètement son trop-plein d’acide, tant il prodigue des effets hallucinatoires. Du reste, c’est bien simple, on y entend chantonner les fameux spectres ! Si, si ; là, derrière…

Il se passe décidément de drôles de nuits dans les banlieues hantées par le SPECTRUM ORCHESTRUM… Allez donc y faire traîner vos oreilles, vous y entendrez des créatures qui font leur pain de nuits blanches pleines de mirages tentateurs.

Site : www.facebook.com/SpectrumOrchestrum

Stéphane Fougère

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