Tanya TAGAQ : Un cri dans la toundra arctique

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Tanya TAGAQ

Un cri dans la toundra arctique

Tanya-Tagaq_01Artiste multidisciplinaire et hors normes, Tanya TAGAQ se distingue par une expression vocale liée à une pratique séculaire, celle du chant de gorge inuit, qu’elle extrapole dans une configuration toute contemporaine.

C’est dans une voie au confluent de l’improvisation et de l’expérimental qu’elle se réalise et se sent pleinement elle-même. Son impact vocal laisse rarement indifférent l’auditeur, qui est transporté dans une autre dimension à la fois sonore et spirituelle.

Les occasions de voir Tanya TAGAQ en France sont rares. Toutefois, dans le cadre de sa thématique « Canada – USA », le festival Metis, qui se déroule en région parisienne, dans la Plaine commune de Seine-St-Denis, avait invité cette année Tanya TAGAQ à se produire sur la scène du Pôle musical d’Orgemont, à Épinay-sur-Seine, suite à la sortie de son album Animism.

RYTHMES CROISES a saisi cette opportunité pour rencontrer cette artiste radicale et envoûtante.

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Une gorge profonde qui vient de loin…

Une respiration, une présence. Un murmure, une friction. Un grognement, une peur. Un cri, une douleur, une joie. Un silence, une immensité, un vide, un espace qui bascule… Un souffle, une force surnaturelle. Un râle, une jouissance, une mort… À partir d’une voix, d’une bouche, tout un monde émotionnel prend vie, ou meurt, stimule l’imaginaire, engendre des visions…

Derrière le langage parlé civilisé, il y a un autre langage, plus primitif sans doute, mais plus lié à l’affect, à l’instinct, au corps. Ces éléments de langage corporel et émotionnel, Tanya TAGAQ les exploite comme ceux d’une langue personnelle qu’elle a construite au long de ses performances scéniques improvisées, et qu’elle a fondée à partir du legs culturel de son peuple, les Inuits (« les gens » ou « les humains », dans la langue inuktitut).

Ces autochtones de l’Arctique nord-américain occupent un territoire de plus de 6000 kilomètres réputé inhabitable. Tanya TAGAQ GILLIS est plus particulièrement originaire de Cambridge Bay, dans le Nunavut (qui signifie « notre Terre » en inuktitut, dialecte inuit). C’est un territoire recouvert par la toundra arctique et qui s’avère le moins peuplé des territoires du Canada.

Riches d’une culture chamanique fondée sur des principes animistes, les Inuits ont généré une musique vocale caractérisée par le « katajjaq », une sorte de chant de gorge bien distinct de celui que l’on trouve en Sibérie et en Mongolie, par exemple. Transmis de manière orale de génération en génération, le katajjaq s’inspire des sons environnants, qu’ils soient animaliers, élémentaux (vent, eau…) ou humains (bruits de pas ou de traîneaux dans la neige…).

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Le kattajaq prend la forme d’un jeu vocal entre deux partenaires – le plus souvent des femmes – qui se font face. Elles doivent faire preuve de souffle et d’endurance pour se relancer continuellement. La première qui « lâche », s’essouffle ou se met à rire, a perdu. En tant que pratique ancestrale, il a bien sûr été stigmatisé et prohibé par les prêtres chrétiens au XXe siècle, avant d’être reconsidéré et accepté depuis seulement une trentaine d’années… Depuis peu, le katajjaq est devenu le premier élément déposé dans le patrimoine immatériel du Québec.

C’est à partir de ce fonds culturel que Tanya TAGAQ a développé sa propre expression musicale. Là où d’autres artistes de sa génération se sont contentés de verser dans la pop ou autres musiques « actuelles », elle a choisi une voie plus exigeante mais aussi plus libre, à base d’improvisation et d’expérimentation. Le KRONOS QUARTET et BJÖRK ne s’y sont pas trompés en l’invitant à enregistrer et à jouer sur scène avec eux. Ses trois albums studio (Sinaa en 2005, Auk / Blood en 2008, et Animism en 2014), son album live (Anuraaqtuq en 2011) témoignent de son positionnement avant-gardiste, ancré cependant dans une histoire et une culture.

Il serait donc inappropriée de faireTanya_Tagaq_116 de Tanya TAGAQ l’ambassadrice d’une tradition musicale inamovible ou d’un folklore muséal. C’est en tant que personnalité d’ici et maintenant qu’elle tient à s’exprimer. Du reste, la peinture, la photo et l’écriture font aussi partie de sa panoplie artistique… Il importe pour elle de revendiquer ses attaches à une culture ancestrale et de les déployer de manière à engendrer un art en prise directe avec le présent.

Ses performances scéniques tiennent du rituel, mais vécu dans l’instant, spontané, sans protocole ni garde-fous, cherchant à scruter, à débusquer et à exhiber les émotions les plus viscérales, qui ne peuvent s’exprimer que dans un langage non policé, non articulé, mais qui fait résonner la part bestiale composant aussi l’humain.

Une offrande possédée aux accents futuristes

Programmée au festival Metis de la Plaine commune de Seine-St-Denis, Tanya TAGAQ, après une ample introduction oratoire en guise d’avertissement bienveillant (on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas…), s’est livrée, devant un public aussi candide que curieux, en grande partie ignorant de son travail, à une offrande musicale sans concession. Exploitant jusqu’au paroxysme ses éblouissantes capacités vocales, elle a enchaîné sans prévenir susurrements et hurlements, murmures et cris primaux, raclements et grognements, faisant éclater toute forme de retenue pour délivrer ses esprits animaux, conjuguant bestialité et spiritualité, sensualité et agressivité, pleurs, rires, anhélations, halètements…

Immergée dans une forme de possession osant la radicalité et poussant jusqu’à l’indécence, Tanya TAGAQ a exhibé un bestiaire vocal en lien direct avec la culture inuit, cette dernière étant transposée, extrapolée, affinée dans un contexte musical aux accents futuristes. Car Tanya n’agit pas seule sur scène. Elle était en l’occurrence accompagnée par deux musiciens complices de longue date, Jesse ZUBOT au violon et à l’électronique, et Jean MARTIN à la batterie, aux percussions et à l’électronique. Rompus aux expériences musicales extrémistes et défricheuses, les deux musiciens ont souligné et étendu la dimension incantatoire des interventions de Tanya TAGAQ avec des habillages sonores amples et rêches, grinçants et rocailleux, et des mouvements rythmiques impérieux, combinant martèlements chtoniens et tintements de cymbales aériens.

Pareille célébration de la nature animale et élémentale ne pouvait se faire dans la demi-mesure ou l’approximation. Tanya TAGAQ et ses musiciens se sont donnés entièrement, sans faux-semblants, faisant montre d’une belle maîtrise de leur vocabulaire musical.

Ce genre de « spectacle » fait rarement l’objet d’une adhésion totale du public, et du reste ne la cherche pas. Tanya TAGAQ sait fort bien que des personnes partiront avant la fin de son concert. Ce soir-là, ce ne fut pas le cas. Cela ne signifie pas que tout le monde ait adoré, mais chacun a tenu à suivre l’artiste jusqu’au bout dans son épopée émotionnelle et spirituelle.

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Un défrichage nécessaire

Il se passe indéniablement quelque chose lors d’une performance de Tanya TAGAQ qui dépasse l’appréciation esthétique. En défricheuse enflammée aux penchants volontiers punk, la chanteuse inuite bouscule les repères, secoue les préjugés, quitte à provoquer le malaise, et met en branle un processus cathartique, projetant l’auditoire dans une dimension extatique qui ne laisse plus place à l’indifférence. Car son art entre en résonance avec une culture, un environnement, dont il entretient les échos et nourrit les projections.

Cette connexion est pour Tanya TAGAQ une nécessité. Et dans ses performances scéniques comme dans ses productions discographiques, elle concilie des tendances en apparence contraires, s’enracinant dans une culture séculaire pour mieux affirmer son identité contemporaine, conjuguant l’antique et le moderne, la sauvagerie et le raffinement, l’enracinement terrestre et la projection céleste, la souffrance face aux événements et l’émerveillement face au monde.

Témoin de la maturité artistique atteinte par Tanya TAGAQ, l’album Animism a été récemment plébiscité au Canada, ayant remporté le prestigieux Polaris Music Prize, dont la cérémonie, retransmise à la télévision, a permis à Tanya TAGAQ de se fendre d’une performance assurément peu commune dans ce genre de programme qui l’a littéralement propulsée comme phénomène artistique, faisant d’elle une « star », un comble pour cette âme rebelle dont les sorties sur des sujets politiques ou sociaux ont des accents délibérément punk.

Esprit libre et déterminé, Tanya TAGAQ n’est pas prête à se laisser apprivoiser, et sa musique, affranchie des étiquettes et des formats pré-mâchés, reflète ce profond désir d’indépendance créative. Écouter Tanya TAGAQ, c’est réveiller une pulsion vitale, réactiver une connexion perdue avec le fond de notre être.

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Entretien avec Tanya TAGAQ

Êtes-vous issue d’une famille de musiciens ou de chanteurs ?

Tanya TAGAQ : Non, mais mes parents avaient un tourne-disques, et on a écouté plein de bonnes musiques, comme PINK FLOYD, LED ZEPPELIN, Jimi HENDRIX, THE BEATLES… Ces musiques vous font vraiment sentir des choses, et pour l’époque, c’étaient des productions musicales vraiment exceptionnelles !

Comment avez-vous découvert le chant de gorge inuit ?

TT : Ma mère m’avait donné des enregistrements de chants traditionnels sur K7, mais j’ai mis du temps à en faire ma propre musique. Puis j’ai appris par moi-même, et j’ai aussi rencontré plusieurs chanteurs de gorge qui m’ont aidé à me perfectionner. Mais je n’ai jamais fait de concert de chant inuit traditionnel. Je pourrais le faire maintenant, mais j’aurais besoin d’un ou d’une partenaire. (On a besoin d’être deux pour faire du chant traditionnel inuit.) En fait, j’ai évolué à l’envers ! (rires)

Alors comment en êtes-vous arrivé à faire ce que vous faites ? En tant que chanteuse, faire juste de la musique pop ne vous a pas intéressée ?

TT : Non. J’ai toujours eu une sorte de dédain pour les musiques qui n’ont pas de sens, qui sont juste « distrayantes ». C’est un peu comme des bonbons ; ça ne fait pas de mal d’en avaler de temps en temps, mais on ne peut pas en faire son plat principal ; ça ne remplace pas les légumes par exemple… Je voulais faire quelque chose qui soit musicalement plus substantiel.

Enfin, c’est pas que je voulais, mais c’est ce qui s’est passé. Parce que je suis ainsi faite. Quand je fais de la peinture, je ne peins pas des pots de fleurs. C’est un peu plus compliqué que ça ! (rires)

Tanya_Tagaq_016Quand je pratique un art, j’y mets de la noirceur ; ça me permet d’être plus lumineuse. C’est comme une effet de balancier. Dans la journée, je peux marcher et me sentir heureuse et libre, mais en concert je sors tout ce qui est en moi. Le monde est tellement dingue, douloureux…

Quand on voit tout ce qui arrive sur le plan politique, mais aussi au niveau individuel… Quand on se connecte sur les médias et les réseaux sociaux, on apprend que des choses terribles se produisent partout et n’importe où. C’est difficile de ne pas se sentir heurté et de ne pas être démoralisé. Or, quand je suis en concert, que je peins ou que j’écris, je sens que je peux me concentrer sur ce que je ressens par rapport à tout ça, et je peux alors me sentir relativement plus libre.

Je ne sais pas comment réagissent les autres. Mais je trouve que c’est très lourd à porter. Quand on est gosse, on peut porter ça plus facilement, parce qu’on se dit qu’on peut faire ce qu’on veut. Mais peu à peu, quand on apprend comment fonctionne le monde, le système, quand on réalise combien les gouvernements sont corrompus, combien l’économie est corrompue, combien tout est corrompu (rires), on finit par perdre cette lumière qu’on a en nous. On la retrouve parfois au contact des enfants – leurs visages rendent heureux – ou quand on déguste un bon plat et du bon vin, ou quand on est en bonne compagnie. Mais je sens que cette corruption me poursuit, m’entoure. Et plutôt que de laisser me noyer dans cette masse, je préfère exprimer ce que je ressens à travers l’art. Ça permet d’éviter la déprime.

J’ai été élevée et éduquée pour devenir une bonne personne, c’est ce que je m’efforce d’être. Si je n’exprime pas cette noirceur, elle s’attache à mon être. Mais je veux rester brillante et lumineuse pour mes enfants. Et pour goûter à la vie !

N’êtes-vous pas effrayée par cette noirceur ?

TT : Non, je n’en ai pas peur. On la vit tous, et tous les jours, de différentes façons.

Quand on découvre au Nunavut tous ces horribles « axes de coalition », quand on connaît l’histoire du Canada et de l’Amérique du Nord par rapport aux populations autochtones et « indigènes » et la façon dont on en parle, c’est lourd à porter ! J’ai choisi de résoudre, d’absorber ces idiosyncrasies de société dans une épaisse couche de sons. J’y intègre aussi des joies de la vie, mais je dois aussi en garder pour moi ! (rires)

Avez-vous été influencée par d’autres chanteuses qui ont une démarche évolutive similaire à la vôtre, comme Mari BOINE, Sainkho NAMTCHYLAK… ?

TT : J’ai découvert ces artistes après avoir trouvé ma propre voie. Mais j’aimerai jouer avec d’autres chanteurs ou chanteuses pratiquant aussi l’improvisation. J’aime chanter avec des chanteurs de gorge de Touva…

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Vous a-t-il été facile de vous imposer au Nunavut avec le type de voie musicale que vous avez choisie ?

TT : Je préfère jouer en France ! (rires) Tu sais pourquoi ? Parce que les gens ici sont de vrais « freaks » ! Il aiment tout ce qui sort de l’ordinaire, tout ce qui est bizarre. Ils n’ont pas peur de ce qui est différent. Dans d’autres pays, ils en ont peur et ne savent pas comment l’aborder. Mais c’est en France que j’ai l’un de mes meilleurs publics.

Y a-t-il des circuits, des réseaux pour ce type de musique underground au Canada en général et au Nunavut en particulier ?

TT : Oui, j’ai joué pas mal au Canada. On a fini par m’accepter de plus en plus… Par contre, je ne suis pas retournée dans mon village natal au Nunavut. Les tickets d’avion ne sont pas donnés… C’est juste un problème logistique !

Mais sinon, j’aime faire des concerts. Bon, il y a toujours des personnes qui partent avant la fin, mais je suis toujours étonnée que des gens, quelle que soit leur culture, quel que soit leur pays, qu’ils soient homme ou femme, comprennent vraiment et ressentent ce qu’ils écoutent. C’est si beau. Et ça me donne de l’espoir que les cultures soient si différentes les unes des autres, que l’humanité ait autant de facettes.

Où avez-vous jouez le plus ?

TT : Principalement en Europe et en Amérique (Canada). Mais j’ai joué une fois à Shanghaï, ainsi qu’en Australie.

Chaque fois que je joue en France, ça me rend heureuse. Parce que c’est important pour moi de venir en Europe et de comprendre le Canada. Au Canada, en tant que « personne indigène », je croise des « hommes blancs ». Quand on vient ici, on découvre toute la richesse des cultures anciennes de plusieurs milliers d’années. En France, en Allemagne, en Espagne… Quand des gens ont émigré par exemple de l’Ukraine au Canada, ils ont juste été perçus comme des « Blancs ». Et c’est très intéressant de voir d’où viennent les racines de ces cultures. Ça permet de développer un certain respect pour les modes de vie de ces cultures, pour les populations, leur environnement climatique, leur environnement sociologique.

Les peuples ne réagissent pas tous de la même façon face aux choses. En Allemagne, quand j’ai sorti une vanne stupide, les gens m’ont regardé d’un air de dire « Ce n’est pas drôle ! » Et ça m’a fait rire ! Chaque culture a sa façon de réagir aux choses… J’adore ça ! J’aime ces maladresses. On apprend à se connaître soi-même à différents niveaux en observant les autres.

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C’est comme un miroir…

TT : Oui. Et on peut voir ce qui est bon et ce qui est mauvais ; ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas…

Quand je viens ici, je vois comment les gens se nourrissent. Je suis triste à voir combien se contentent des fast-foods, des surgelés, de toute cette malbouffe… Je ne comprends pas. Je ne mange pas ce genre de nourriture, et je ne comprends pas en quoi c’est agréable et pourquoi les gens pensent que c’est bon. Si on ne mange pas de ça, on ne peut pas comprendre. Moi, je sais que si je cède à la malbouffe, je blesse mon estomac. Mais il y a des gens qui mangent ça tous les jours, se rendent malades, deviennent obèses, se détruisent la santé, et ça, je ne le comprends pas.

Les gouvernements sont censés protéger les citoyens et leur santé, et plein de gens sont malades de cette malbouffe. Alors pourquoi privilégient-ils l’argent facile au détriment du bien-être de leurs citoyens ? Ça peut paraître stupidement idéaliste, mais je pense que les gens devraient prendre soin les uns des autres.

Parlons un peu de votre parcours discographique. Votre premier album, Sinaa, remonte à une dizaine d’années à peu près ?

TT : Environ dix ans, oui. C’était une sorte de journal. J’avais fait déjà plusieurs concerts, et j’ai voulu montrer l’étendue de mon répertoire, de mes capacités.

Il y a du reste plusieurs morceaux chantés a capella…

TT : Oui, mais il y a aussi une chanson avec BJÖRK, et des pièces avec des musiciens basques et galiciens qui jouent de la txalaparta (NDLR : instrument de percussion basque proche du xylophone ou du balafon, mais avec une technique de pilon). Du reste, l’album a été enregistré en Galice. Et j’ai une fille basque…

Sur mon deuxième album, Auk / Blood, j’ai réuni des pièces faites avec différents artistes, comme Mike PATTON, le rappeur BUCK 65, et c’était plutôt amusant. J’avais besoin de grandir, je voulais voir avec qui je pouvais travailler, qui pouvait m’aider. Les collaborations sont importantes, elles apportent des saveurs, des atmosphères différentes.

Comment avez-vous rencontré Mike PATTON et BJÖRK ?

TT : J’ai rencontré Mike par le biais de BJÖRK, et j’ai rencontré BJÖRK grâce à des amis à elle qui m’avait filmé en concert, et elle m’a appelée. Généralement, je ne cherche pas après les gens. Je les laisse venir quand ils veulent.

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Et c’est ainsi que vous en êtes venue à travailler avec Jesse ZUBOT et Jean MARTIN, qui forment votre trio…

TT : Oui. Jesse était déjà sur Auk / Blood. Je le connais depuis un bon bout de temps, je l’ai rencontré avant même mon premier album. Et maintenant, on travaille ensemble.

Par contre, je ne suis pas très satisfaite de l’album live (Anuraaqtuq). Parce qu’il est impossible de reproduire exactement dans un disque ce qui se passe sur une scène. C’est pourquoi je suis un peu déçue de ce disque ; c’est un concert qui remonte aux débuts du groupe, on venait de se rencontrer pour ainsi dire. Mon groupe de musique improvisée tourne maintenant depuis plusieurs années – environ six ans –, donc il a plus de bouteille, plus de vocabulaire sonore. En fait, j’aurais aimé faire Anuraaqtuq maintenant, car nous avons davantage développé notre langage musical.

Et avec le dernier album, Animism, je pense pour la première fois avoir acquis suffisamment de maturité pour faire un disque qui englobe davantage les impacts de mes performances en concert.

Animism est déjà plus composé qu’Anuraaqtuq

TT : Sur Animism, quelques morceaux sont en partie improvisés, reflétant ce qu’on fait en concert, et d’autres sont plus écrits. Ils partent d’improvisations que nous avons retravaillées pour arriver à quelque chose de plus solide, et il y a une ou deux chansons dont nous avons préalablement pensé l’idée, la structure. Donc l’album déploie le spectre complet de tout ce qu’on peut faire.

Vous jouez donc depuis plusieurs années en trio et semblez vous y tenir. Ça vous paraît la meilleure configuration ?

TT : Non, ce n’est pas encore la meilleure des configurations. J’aimerai que d’autres improvisateurs nous rejoignent.

Vous avez également participé à un album récent du KRONOS QUARTET, Tundra Songs. Comment est née cette collaboration ?

TT : J’adore les musiciens du KRONOS QUARTET. Ils sont si merveilleux. David HARRINGTON et moi nous connaissons depuis très longtemps. Nous avons réalisé deux projets ensemble, et nous travaillons sur un troisième. Je dois composer une pièce pour eux. Mais je ne sais pas lire la musique, donc ça va être intéressant.

Dans Tundra Songs, quel a été votre rôle ? Avez-vous composé quelque chose ?

TT : Je ne suis techniquement pas créditée comme compositrice. Derek CHARKE a composé une pièce et ne m’a pas donné de direction précise. Donc je pouvais faire ce que je voulais, et j’ai plus agi en soliste. On s’est bien entendu. Je comprends un peu le monde de la musique classique contemporaine, c’est différent… La musique improvisée est plus informelle, il n’y a pas de règles.

Article, entretien et traduction réalisés par Stéphane Fougère
Photos (2009 et 2015) par Sylvie Hamon et Stéphane Fougère

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Discographie TANYA TAGAQ

* Sinaa (Jericho Beach Music, 2005)

* Auk / Blood (Jericho Beach Music, 2008)

* Anuraaqtuq (Les Disques Victo, 2011)

* Animism (Six Shooter Records, 2014)

Participations :

* ILUANI : Erren (2003)

* BJÖRK : Medulla (2004)

* SHOOGLENIFTY : Troots (2007)

* KRONOS QUARTET : Tundra Songs (2015)

Lire la chronique du disque Animism

 

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