VIOLONS BARBARES – Wolf’s Cry

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VIOLONS BARBARES – Wolf’s Cry
(L’Autre Distribution)

Quatre ans se sont écoulés depuis le dernier méfait discographique du trio VIOLONS BARBARES, Saulem Ai ; il était temps de graver du neuf. Non que le groupe se soit endormi entre temps ! Il a même plutôt passé ce dernier à écumé les salles de spectacles et les festivals et s’est même payé le luxe d’une collaboration avec feu Didier LOCKWOOD. Par conséquent, pour le critique média comme pour l’auditeur insatiable de nouveautés, ce troisième CD devait fatalement changer la donne ! Les VIOLONS BARBARES allaient-ils enfin se mettre à l’électro, comme tout groupe de world music « bankable » ? L’album allait-il contenir des remixes effectués par les DJ les plus tendance ? Un DVD bonus avec des clips chébran, peut-être ? Le trio allait-il inviter quelque sommité artistique pour vendre davantage ? Les violons allaient-ils enfin être remplacés par des guitares, plus à même de capter l’attention du « grand » public ? Las ! Les VIOLONS continuent à faire les BARBARES comme ils l’ont toujours fait, sans rien changer à leur programme, et affichent leurs tronches devant un fond noir sur la pochette de ce CD digipack. Profil bas ? Pas vraiment.

Plus que jamais, Dimitar GOUGOV (gadulka et chant), Dandarvaanchig ENKHJARGAL (vièle morin-khuur et chant) et Fabien GUYOT (percussions multicolores et chant) font montre d’une inspiration gonflée à bloc. Aux rythmes chevalins, aux spirales de cordes grinçantes, au chant de gorge caverneux et aux autres voix porteuses qui ont fait leur marque de fabrique s’ajoute désormais… le cri du loup (Wolf’s Cry) ! Car oui, cet album hurle, barde, virevolte, tonitrue, rêve tout haut, danse de traviole, chante à la vie-à la mort, jubile à loisir, et ses géniteurs y affichent une bonne santé, avec l’œil vif, la truffe fraîche et le poil luisant !

L’énergie électrisante avec laquelle le trio use de ses instruments traditionnels et acoustiques fait de nouveau des étincelles dans ce Wolf’s Cry qui projette une fois encore l’auditeur dans un territoire eurasiatique aux multiples résonances émanant de l’Est européen au Grand Est asiatique, vu sous l’angle d’un printemps roboratif et d’un songe hivernal, un espace protéiforme où les larges étendues de steppes le disputent aux carrés boisés, avec quelque village rustique planté ça et là hors du temps et dont les autochtones cachent de bien singulières histoires de famille ou sentimentales, des danses locales psychédéliques et autant de liqueurs tord-boyaux à haute température. Et quand on est bien grisé, on aperçoit le fantôme d’un célèbre compositeur du XXe siècle soit disant paumé dans un désert oriental…

Fidèles à eux-mêmes, les VIOLONS BARBARES rasent les espaces verts (sans espoir de les voir repousser…) et foutent le feu partout où ils passent. Ils ne sont que trois, mais donnent l’impression d’être une vraie cavalerie ! Les seuls « étrangers » qu’ils croisent sont les musiciens d’une fanfare qu’ils ont convié le temps d’un twist balkanique.

Alors oui, n’en déplaise aux assoiffés de nouveauté tout azymut, ce troisième opus n’apporte à première écoute rien de radicalement nouveau à la musique des VIOLONS BARBARES. Mais si nos lascars se sont évertués toutes ces années à travailler leur son, leur cohésion, la canalisation de leurs inspirations et de leurs énergies, ce n’est certes pas pour les sacrifier sur l’autel d’une exigence commerciale qui les enjoindrait de diluer leur cocktail molotov sonore dans de l’eau bénite.

Une écoute plus approfondie permettra de se rendre compte que nos trois hors-la-loi ont davantage affûté leurs armes sonores. Que l’on écoute le travail effectué sur les voix, tantôt solistes, tantôt polyphoniques, qui se renvoient la balle avec encore plus de complexité et d’efficacité. C’est bien simple, on ne sait même plus qui chante exactement à quel moment, tant chacun brouille les pistes en s’inspirant ou en s’emparant des « spécificités » vocales de l’autre.

En revanche, on arrive encore à distinguer la gadulka de la morin-khuur, qui n’ont décidément pas le même timbre, mais on est bluffés par l’aptitude des VIOLONS à mitonner des riffs en acier acoustique trempé, à concocter des mélodies tournoyantes, à cuisiner des soli qui font mouche, à tricoter des rythmiques époustouflantes, et on vous défie de distinguer le nombre de percussions différentes dont joue Fabien GUYOT, et leur provenance d’origine !

Chaque composition, qu’elle soit chantée ou instrumentale, est la promesse d’un beau jeu de pistes, quand bien même elle peut prendre appui sur un thème traditionnel bulgare, ou mongol, ou autre. Mais il s’agit le plus souvent de compositions originales qui mélangent les repères géographiques pour dessiner un imaginaire musical au regard pétillant et à la verve intarissable.

Alors, routinier ce Wolf’s Cry ? Une routine comme celle-là on en veut bien tous les jours, car elle est fichtrement addictive ! Vous craigniez qu’à force de crier au loup on finisse par ne plus y croire ? Écoutez, réécoutez bien Wolf’s Cry. Et vous vous rendrez compte qu’à force de parler du loup, on en voit pas seulement la queue, on en mesure aussi les crocs !

Stéphane Fougère

Site : https://violonsbarbares.com/

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