Didier MALHERBE / Loy EHRLICH / Steve SHEHAN (HADOUK TRIO) – Shamanimal

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Didier MALHERBE / Loy EHRLICH / Steve SHEHAN (HADOUK TRIO) – Shamanimal
(Celluloid)

1999 : alors que de bien opportunistes prophètes de malheur nous prédisent la fin du monde, une étrange créature ailée, le Shamanimal, atterrit sur notre bonne vieille Terre pour nous faire tendre les oreilles vers d’autres mondes. Qu’est-ce donc que ce « Shamanimal » ? Peut-être une créature éthérique dont on ne perçoit la présence que lorsqu’on est dans des dispositions bien particulières, ou un égrégore formé par la symbiose des esprits sur une idée ou un affect bien défini, ou une apparition divine révélée par un « dispositif » impalpable, comme la musique.

En l’occurrence, les sons émis par le Shamanimal proviennent d’une palette instrumentale richement garnie en vents, en cordes et en peaux. Elle est le fruit d’une association entre deux complices de longue date, le souffleur, Didier MALHERBE (ancien résident d’une certaine « planète verte » peuplée de Pot-Head Pixies…) et le manieur de claviers et de cordes, Loy EHRLICH – dont les vertes années en ont vu de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel psychédélique (CRIUM DELIRIUM, NYL…) avant qu’il ne se tourne vers le continent africain, la Réunion et autres Îles du désert.

Passionnés par les instruments acoustiques aux origines lointaines, EHRLICH et MALHERBE en combinent les saveurs ethniques sans s’attacher aux règles des musiques traditionnelles et génèrent une musique neuve, faite ici mais nourrie d’ailleurs. Didier MALHERBE privilégie le doudouk, un instrument à anche double symbole de la musique arménienne ; Loy EHRLICH opte pour le hajouj (ou guembri), instrument à cordes pincées emblématique de la musique nord-africaine gnawa. Mélangez hajouj et doudouk, et vous obtenez « hadouk », mot-valise devenu titre d’un album du duo paru sur le label Tangram en 1995.

Sur ce disque intervient aussi subrepticement le globe-trotteur frappeur et caresseur de peaux Steve SHEHAN, lequel ne tarde pas à être intégré au projet en tant que troisième membre de ce qui deviendra le HADOUK TRIO, auteur de ce Shamanimal, même si le nom du groupe n’apparaît pas encore sur la pochette. C’est donc une combinaison musicale duelle devenue tripartite qui a engendré cette créature animale habitée par un chamane (ou le contraire, bref..). C’est dire si, avec le HADOUK TRIO, on nage en plein univers mutant !

Exotique, ondulante, chamarrée, volatile, suavement capiteuse et occasionnellement facétieuse, la musique de Didier MALHERBE, Loy EHRLICH et Steve SHEHAN possède des facultés magiques, surnaturelles, ensorcelantes. Il est vrai qu’elle a ce don, réservé aux initiés, d’être en même temps faune et flore, métamorphique et anamorphosée, donc pleinement animée par l’esprit du Shamanimal, dont on nous dit qu’il peut être « serpent ou gazelle », et même plante et nuage.

Pour jouir des bons auspices de la créature « shamanimalière », rien ne sert d’avoir quelque concept musical fumeux pré-établi : il suffit de jouer de son instrument, être à l’écoute des instruments des autres et se laisser porter par cette énergie circulaire qui a tôt (ou tard) fait d’investir les âmes en présence. Et puisqu’il est dans la nature du Shamanimal de se transformer, plus les ondes sonores qui « l’appellent » sont variées, plus ses métamorphoses varient également.

De ce côté-là, il n’y a pas en s’en faire : nos trois « animistes des sons » ont assez baroudé aux quatre coins de la planète pour en rapporter quantité d’épices instrumentales aptes à parfumer leurs harmonies cérémonielles. Outre son soprano sax et ses flûtes, Didier MALHERBE souffle dans un doudouk et un pékou arméniens, une clarinette et des ocarinas. Le claviériste Loy EHRLICH officie également au hajouj – la basse des Gnawas – à la kora et autres curiosités africaines. Quant à Steve SHEHAN, il s’y entend à faire vibrer tous les sols terrestres avec son djembé, ses congas, ses balais, sa derbouka, sa sanza, etc.

Le HADOUK TRIO et son Shamanimal enjambent ainsi les continents, de l’Afrique à l’Inde et passant par le Maghreb et l’Amérique du Sud, distillant tantôt un brin de blues, tantôt une tige de spleen, mais plus souvent de grandes rasades de jovialité et d’hédonisme, alliant la sensualité végétale à la pulsation lunaire, et le groove maritime au manège des étoiles, tout en s’autorisant – origine « lutine » de Didier MALHERBE oblige – quelques insolences buissonnières.

Le Shamanimal ne se dompte pas ; c’est lui qui, au contraire, adopte les imaginations humaines, de préférence celles qui fertilisent les arabesques plutôt que les lignes droites. On comprend que le HADOUK TRIO le nourrisse de ses envoûtants nectars jazzo-ethniques.

Stéphane Fougère

Page : www.didiermalherbe.com/trioe.html

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°5 – octobre 1999,
et remaniée en 2020)

 

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One comment

  1. Une chronique qui revient tous les 10 ans, pour un disque qui a pris un sacré coup de vieux…

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