Éric MONTBEL, Un rêve pictural : La Charmeuse de Serpents et Topanga

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Éric MONTBEL

Un rêve pictural

* La Charmeuse de Serpents

Le 29 mai 2004 avait lieu la première représentation de La Charmeuse de Serpents, spectacle imaginé par Éric MONTBEL et créé en résidence au Chantier de Correns, dans le Var, pour le Festival des Joutes Musicales.

À la tombée de la nuit, cinq musiciens (Gilles CHABENAT à la vielle à roue électro-acoustique, Alain BRUEL à l’accordéon, Nicola MARINONI à la batterie et aux percussions, Eric MONTBEL aux cornemuses et flûtes et Yvon BAYER au saxophone et à la seconde cornemuse) prenaient place sur scène devant deux immenses écrans. Les deux écrans ne tardèrent pas à s’illuminer, grâce à la main et à l’imagination de Serge ORTEGA (aux projections et à la création informatique), d’images de toiles du Douanier ROUSSEAU, agrémentées peu à peu d’effets colorés mêlant les toiles et les modifiant, au gré des mélodies jouées. Durant le spectacle, Yvon BAYER, également danseur, abandonne de temps à autre son instrument exécuter quelques chorégraphies et numéros d’acteur, sur scène, au-dessus de la batterie ou à terre. Un véritable ravissement pour les yeux et les oreilles, dans un cadre tout à fait approprié puisqu’il s’agissait du théâtre de verdure à Correns, scène située en plein air sous une falaise.

Quelque mois plus tard, en février 2005, La Charmeuse de Serpents a eu l’honneur d’ouvrir, à la Maison des Cultures du Monde à Paris, la nouvelle édition du Festival Planètes Musiques. Le spectacle, adapté dans une salle, avait eu le temps de subir quelques améliorations du fait de l’arrivée dans le groupe d’Éric MONTBEL de Maud BLANC à la danse.

Le 1er juin 2006, soit deux ans tout juste après sa première présentation sur scène, le disque La Charmeuse de Serpents voit enfin le jour pour nous permettre de ne pas oublier la magie de ce spectacle. L’ouverture nous plonge immédiatement dans cet univers étrange de rêve, et se transforme subitement en rythmique techno accompagnant la cornemuse (La Guerre, du nom du tableau projeté sur scène durant le morceau musical). Les effets sonores et programmations, réalisés sur le disque comme sur scène par Pascal CACOUAULT, sont plus appuyés que durant les représentations du spectacle et font merveille. Il est vrai que le disque a été enregistré après plusieurs mois et plusieurs représentations, et de ce fait la musique a eu le temps de mûrir, sur scène et en studio.

Vient ensuite une pièce plus aérienne et toute en finesse (Glassery Part. 1), illustrant la toile Joueurs de Football, bientôt rattrapée par sa Part. 2 sur laquelle le jeu de batterie, doublé de programmations, rappelle les tambours des fêtes d’antan. Le son d’un vieux vinyle qui craque ouvre Les Jours s’en vont (pour la toile Vue de l’ïle Saint-Louis), avec la voix de Guillaume APOLLINAIRE disant Le Pont Mirabeau, rattrapée bientôt par la flûte d’Eric MONTBEL et l’accordéon d’Alain BRUEL sur une mélodie enchanteresse. Ou plutôt devrais-je dire « charmeuse » !

Puis arrive la pièce maîtresse de l’album, étirée sur près de dix minutes, La Charmeuse de Serpents, qui fait frissonner dès les premières notes et prend rapidement possession de l’imaginaire de l’auditeur en l’envoûtant grâce au subtil mélange des sons des cornemuses et de la vielle à roue, rythmés par les tablas de Nicola MARINONI. On a effectivement l’impression d’être envoûté à cet instant par un serpent !

L’Air d’un Ange (illustration de La Liberté) qui succède à La Charmeuse… est loin de rompre le charme, encore accentué par une Valse minuscule légère et ensorcelante, qui accompagne la toile Un Soir de CarnavalLa Marche des jolies choses, évoquant L’Enfant aux Rochers, est plus sombre avec ses gongs qui remplacent la batterie et un traitement sonore ô combien chargé d’émotions. Avec L’Absente (sur le tableau Les Flamands), on retrouve l’univers de la musique mécanique de l’époque du Douanier ROUSSEAU avec une mélodie dansante, les percussions électroniques et la batterie, qui accélèrent sur L’Insolente (illustrant Le Rêve) jusqu’à tourner la tête avant d’hypnotiser à nouveau l’auditeur.

Pour accompagner la projection de La Bohémienne endormie, on ne pouvait rêver de plus bel hommage que Trip to the Hope avec les vocalises de Marie RIGAUD, enchaîné avec Deux nuits au palais idéal dont la mélodie, extraite du second disque de LO JAI (ancien groupe d’Éric MONTBEL), Acrobates et Musiciens, achève ce spectacle sur les tableaux Portraits d’enfant et L’enfant au pantin sur un air de fête foraine.

L’ensemble évoque à la fois le rêve mais aussi le style naïf du Douanier ROUSSEAU, y compris dans les passages les plus modernes. Par rapport au spectacle d’origine, la musique s’est étoffée et a pris de l’ampleur, la batterie au style « mécanique » s’est un peu effacée au profit d’autres ambiances mises en valeur au gré des pièces grâce au glockenspiel, aux gongs, au tuba, à la voix… Les compositions d’Eric MONTBEL réussissent, une fois de plus, à éveiller les rêves et l’imaginaire de l’auditeur.

* Topanga !

On retrouve ce style tout à fait typique sur la dernière création d’Éric, TOPANGA !, trio dans lequel on peut entendre aux côtés de ses flûtes, cornemuse et clarinette, Bruno LE TRON à l’accordéon diatonique et Laurence CHARRIER à l’harmonium. « Topanga » est d’ailleurs, comme il est rappelé dans le livret, le nom d’une petite ville près de laquelle vivait Edgar RICE BURROUGHS, l’auteur de Tarzan.

Il n’est donc pas étonnant que ce nouveau disque détienne lui aussi une formule dont Eric a le secret pour ensorceler les esprits.

Certes, la production est bien plus épurée que celle de La Charmeuse de serpents, sans aucun effet sonore, de même que les compositions qui sont ici destinées à faire danser, avec une instrumentation toutefois peu commune pour jouer dans les bals.

On y remarque autour des compositions originales d’Éric MONTBEL une reprise de L’Absente / L’Insolente, tirée de La Charmeuse de Serpents, un titre (L’année nouvelle) de Franco DELVECCHIO, joueur de cornemuse belge, ainsi que deux compositions de Bruno LE TRON (L’Oushka et En attendant la neige).

Cornemuse et accordéon épousent la douceur des sonorités de l’harmonium pour nous plonger, comme dans les précédentes productions d’Éric, dans le rêve et la fiction.

 

Article et photos : Sylvie Hamon
(Article original publié dans
ETHNOTEMPOS n° 22, novembre 2006)

Site : http://ulysse.ange.free.fr/ULysse_Productions_Disques.html

Dernières sorties Ulysse Productions :

* La Charmeuse de Serpents (Ulysse / Modal / L’Autre Distribution)

* Topanga ! (Intervalles / Ulysse)

En écoute, Topanga ! 
Extrait 1
Extrait 2

Vidéos La Charmeuse de Serpents :

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