Ian McDONALD : Un « Birdman » s’est envolé dans le vent…

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Ian McDONALD

Un « Birdman » s’est envolé dans le vent…

Le compositeur, musicien multi-instrumentiste et producteur anglais Ian McDONALD est mort le 9 février 2022 des suites d’un cancer, à l’age de 75 ans. Il doit sa notoriété au fait d’avoir été le co-fondateur de la première mouture du groupe King Crimson, en 1969, puis plus tard d’avoir formé avec Mick JONES le groupe FOREIGNER en 1976.

Pour Ian McDONALD, tout a commencé à l’automne 1968, lorsque sa petite amie de l’époque, la chanteuse Judy Dyble, qui venait de quitter le groupe folk Fairport Convention, le présente au trio Giles, Giles & Fripp, pour lequel elle s’apprête à enregistrer une chanson, I Talk to the Wind. Ian McDONALD venait, en tant que musicien de fanfare, de servir l’armée britannique pendant cinq ans, durant lesquels il a appris à jouer plusieurs instruments : saxophones, flûtes, clarinettes, ainsi que claviers et guitare. Peter Giles, Michael Giles et Robert Fripp, impressionnés par le talent multi-instrumentiste de Ian McDONALD, l’intègrent à temps plein dans leur groupe et enregistrent avec lui des démos qui seront publiées en 2001 dans l’album The Brondesbury Tapes.

L’unique album du trio Giles, Giles & Fripp (The Cheerful Insanity of…) a connu un cuisant échec commercial qui a mis assez vite fin à l’histoire du groupe, lequel a fini par muer, avec le remplacement de Peter Giles par le chanteur et bassiste Greg Lake et l’intégration du parolier Peter Sinfield, en King Crimson. La contribution de Ian McDONALD s’accroît dès lors que ce dernier acquiert un instrument qui va imprimer la marque sonore du groupe, le mellotron, sorte de clavier analogique et polyphonique qui génère des sons à partir d’enregistrements sur bandes magnétiques.

Le mellotron est particulièrement à l’honneur sur plusieurs morceaux du premier album de King Crimson, In the Court of the Crimson King (1969), notamment sur le morceau éponyme et sur Epitaph (avec ses crescendos de mellotron), dont les mélodies ont été écrites par McDONALD. Mais l’apport de ce dernier se distingue aussi dans la nouvelle version de I Talk to the Wind, qui se démarque de celle de Giles, Giles & Fripp par de nouvelles sections instrumentales enluminées par ses lumineuses et bucoliques interventions de flûte.

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McDONALD a également composé la partie centrale « be-bop » du mythique et tonitruant 21st Century Schizoid Man, empruntée à un morceau pour « big band » composé durant sa période militaire.

La polyvalence instrumentale et le talent de compositeur de Ian MCDONALD a largement conféré sa personnalité sonore à cet album devenu cultissime et pionnier d’un certain « rock progressif » fusionnant symphonisme, folk et heavy rock teinté jazz et blues.

Néanmoins, après une tournée américaine de King Crimson, Ian MCDONALD, dont les orientations musicales divergent de celles de Robert Fripp, qu’il juge « trop sombres », quitte le navire « crimsonien » alors qu’un deuxième album est en préparation, emportant avec lui le batteur Michael GILES, avec qui il enregistre un unique album sous le nom McDonald & Giles, avec Peter Giles à la basse et un certain Steve Winwood à l’orgue et au piano.

L’album paraît en 1970, soit la même année que In the Wake of Poseidon, le deuxième album de King Crimson, et contient des thèmes et des mélodies qui avaient été travaillés à l’origine pour cet album. Les deux disques ont notamment en commun une mélodie écrite par Ian Mc DONALD en 1969, laquelle connaît des développements différents dans l’un et l’autre disque : elle donne naissance à Cadence & Cascade chez King Crimson et à Flight of the Ibis chez McDonald & Giles. Le talent de composition de McDONALD se distingue aussi sur les deux plus longues pièces du disque : Suite in C et l’épique Birdman, qui occupe toute la façe B du LP (avec des paroles de Peter Sinfield).

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Toutefois, les talents d’écriture de Ian McDONALD ne trouveront guère à se développer, et c’est plutôt comme musicien de session qu’il se fait remarquer par la suite. Toujours en 1970, Ian MCDONALD a ainsi participé à l’enregistrement du double album du méga-groupe (50 musiciens!) Centipede, dirigé par le pianiste KeithTippett (et produit par Fripp). L’année suivante, on l’entend au saxophone sur le tube de T.Rex, Get it on, ainsi que dans des disques de Christine Harwood (Crying to be heard) et de Linda Lewis (Say no more). Outre ses participations aux albums de Keith Christmas (Brighter Day), de Silverhead (16 and Savaged), du flûtiste, saxophoniste et clarinettiste américain Herbie Mann (London Underground) et de Phil Manzanera (Diamond Head), Ian MCDONALD produit les disques Canis Lupus, One and Two et Wolf de Darryl Way’s Wolf et le cinquième album du groupe de rock-folk progressif Fruup, Modern Masquerades.

La contribution de Ian McDONALD aux premières (et prolifiques) heures du rock progressif s’arrête là, même si, en 1974, Robert Fripp refait appel à lui pour jouer du saxophone alto sur One More Red Nightmare et sur Starless, dans ce qui sera le dernier album des années 1970 de King Crimson, Red (1974). Une tournée du groupe avec été également envisagée avec McDONALD comme membre à part entière, mais Fripp en a décidé autrement et a préféré mettre un terme à l’aventure de King Crimson (pour mieux le ressusciter au début des années 1980 dans une mouture radicalement différente, mais cela est une autre histoire…).

Ian MCDONALD refait parler de lui en 1976, quand il forme avec Mick JONES (ex-guitariste de Spooky Tooth) le groupe de rock anglo-américain Foreigner, dans lequel il joue des claviers, des vents et de la guitare, et qu’il quittera après le troisième album, Head Games (1979), juste avant que le groupe ne connaisse un énorme succès commercial en tant que groupe de rock FM au début des années 1980.

La parution en 1997 du coffret d’archives live de King Crimson Epitaph, comprenant des concerts de 1969, rappelle l’importance du rôle joué par Ian McDONALD dans les débuts du groupe. Du reste, il accompagne à la même époque le guitariste Steve Hackett, jouant avec lui d’anciens titres de Genesis dans Genesis Revisited et de King Crimson dans The Tokyo Tapes.

Il faudra attendre 1999 pour voir sortir le premier (et unique) album solo de Ian McDONALD, Drivers Eyes, sur lequel il invite Steve Hackett, John Wetton, Michael Giles, Peter Frampton, Gary Brooker, Lou Gramm, John Waite, etc.

À la fin des années 1990, les publications d’archives de King Crimson au sein de son Collector’s Club ravive l’intérêt du public pour la musique qu’il pratiquait dans ses vertes années, et Ian MCDONALD se trouve bientôt impliqué dans la création d’un « tribute band » rejouant la musique des débuts de King Crimson et qui se fait appeler fort logiquement 21st Century Schizoid Band. McDONALD y joue avec ses anciens comparses les frères Peter et Michael Giles (le second cédera sa place à Ian Wallace, également batteur de King Crimson sur Islands), Mel Collins et, dans le rôle de substitut guitaristique à Fripp, un certain Jakko Jakszyck (Level 42)…

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Le 21st Century Schizoid Band donnera plusieurs concerts en Europe et aux Etats-Unis et enregistrera entre 2002 et 2006 pas moins de quatre albums live et un DVD. Le répertoire est bien évidemment majoritairement constitué de reprises de morceaux des quatre premiers albums de King Crimson, mais on y trouve aussi deux pièces issus du disque solo de Ian McDonald fraîchement paru (Let There Be Light et If I was).

Toujours durant les années 2000, Ian McDONALD continue à jouer en session pour différents musiciens, et on le retrouve dans les albums Happiness With Minimal Side Effects de Ian Wallace et Talking with Strangers de Judy Dyble, album auquel collabore également Robert Fripp ; c’est dire si la « King Crimson Connection » est toujours active ! Ian McDONALD fera également une apparition surprise lors de concerts de retrouvailles entre Keith Emerson et Greg Lake, reprenant I Talk to the Wind avec ce dernier, ainsi que Lucky Man.

La dernière métamorphose artistique de Ian McDONALD date de 2017, avec le groupe Honey West, qu’il a fondé avec Ted Zurkowski et qui n’enregistrera qu’un seul album, Bad Old World, dans lequel McDONALD fait une fois encore montre de ses talents de multi-intrumentiste, intervenant sur une multitude de guitares (acoustique, électrique, douze-cordes), de vents (saxophones alto et baryton, flûte alto, clarinette) et de claviers (piano électrique, orgue, harmonium, synthétiseur, harpsichord) mais aussi au sitar et aux percussions et célesta.

Ian McDONALD a été une cheville ouvrière déterminante pour la création de la musique de King Crimson et par voie de conséquence a beaucoup apporté à ce courant défricheur du rock qui fut appelé le rock progressif, comme en témoigne ses contributions musicales à bon nombre d’albums issus de cette mouvance. Son sens musical et mélodique et sa capacité à s’exprimer sur plusieurs instruments a été du reste saluée par Robert Fripp.

Adieu l’artiste, toi l’« homme-oiseau » qui parlait au vent…

Stéphane Fougère

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