MOEBIUS – Musik für Metropolis
(Bureau B)

En 2012, MOEBIUS fut invité à réaliser un live improvisé dans le cadre d’un ciné-concert, avec la projection du célèbre film de Fritz LANG. De ce projet, il souhaitait ensuite en faire un véritable album, mais hélas son décès viendra interrompre sa finalisation. Heureusement, cette soundtrack peut voir le jour aujourd’hui grâce au label Bureau B et au travail collectif d’Irène MOEBIUS, d’anciens collaborateurs de Dieter (Tim STORY, Jon LEIDECKER) et du musicien berlinois Jonas FOERSTER.
Ce disque propose 40 minutes de musique inédite, bien loin de la Berlin School, de Klaus SCHULZE, d’Edgar FROESE, de Rolf TROSTEL ou de Bernd KISTENMACHER. Ce n’est pas du CLUSTER non plus. Plus de quatre décennies après les expérimentations obscures de KLUSTER, MOEBIUS façonne une musique toujours aussi sombre, dans la continuité de ses précédents albums ; c’est une musique construite à partir de samples, de bruits étranges (par exemple, nous pouvons distinguer comme des sons de cloches), de grésillements et autres bizarreries sonores que lui seul est capable d’inventer et qui semblent sortir de nulle part.
C’est assez peu mélodique (à titre de comparaison, pour ceux qui n’auraient pas encore compris, cela n’a rien à voir avec White Eagle de TD !) ; en fait, c’est comme si les rares mélodies détectées avaient creusé profondément sous cet amas de ferrailles soniques pour se cacher, ne sortant que furtivement : il faut vraiment être attentif pour pouvoir capter ces quelques bribes mélodiques identifiables par ces sonorités un peu world et toutefois assez dépaysantes qui sont une particularité dans la musique de MOEBIUS et qui contrastent avec le côté industriel de sa musique.
Il n’y a pas ces nappes douces et apaisantes, ni cet aspect de rêverie cosmique si caractéristiques chez Klaus SCHULZE, TANGERINE DREAM ou Adelbert Von DEYEN. Avec MOEBIUS, il y a toujours cette impression d’une musique dure, froide. En écoutant ses albums en solo, nous sommes plongés davantage dans la dureté de la vie réelle, le bruit des moteurs et des machines et nettement moins dans l’imaginaire. Dans ce paysage quelque peu familier, il n’ y a que la fumée noirâtre dans l’air et la couleur grisâtre du ciel. Pas de place donc pour les rêves.
C’est une musique machinique. Nous nous retrouvons à l’intérieur de cette machine, de cet organisme au cœur d’acier, d’un microcosme métallique, vivant et vibrant au rythme de palpitations électroniques répétitives. Tous les titres dégagent une atmosphère mystérieuse et pesante, très robotique, entrant parfois dans une sorte de transe technoïde, hallucinante avec une explosion de rythmes lourds et hypnotiques (Tiefenbahnen). Ce passage est hélas trop court, mais c’est très envoûtant et sacrément puissant.
Ce disque est prenant, intriguant car la musique, certes particulièrement sombre, n’est pas évidente, mais elle colle assez bien avec l’imagerie de ce célèbre film de science fiction. Et pour nous, cela reste avant tout très émouvant de pouvoir entendre le dernier projet de notre ami MOEBIUS.
Dieter MOEBIUS für immer !!!
Cédrick Pesqué
Label : http://www.bureau-b.com/