Steve ROACH : Rétrospective – Troisième Époque, 2011 – 2020

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Steve ROACH

Rétrospective – Troisième Époque, 2011 – 2020

Suite et fin de l’exégèse de la discographie du musicien synthésiste de l’Arizona commencée ICI et continuée

The Desert Inbetween (2011, Projekt) avec Brian PARNHAM * * * *

Ce “Désert au milieu” est très peuplé : des ambiances ethno-mystère, des séquences d’aridité dronale inventives, des percussions tendues, une étonnante faune sonore; Steve s’est acoquiné avec l’avide Brian, lui aussi multi-instrumentiste, qui n’a pas son didgeridoo dans sa poche. Une instrumentation très variée, des voix humaines trafiquées et discrètes, des dédales aveugles dans lesquels on ne se perd jamais trop longtemps. La pénibilité des guitares éthérées interminablement étirées le long des pensums expérimentaux et bouffis des années 2000 est rachetée d’un seul bloc par la maitrise et l’aboutissement de ce disque. Un bon cru dans la veine tribal ambient, qui évoque les riches heures de Suspended Memories ou du Serpent’s Lair.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/the-desert-inbetween

Immersion V – Circadian Rhythms (2 CD) (2011, Timeroom Editions) *

Stridulation d’insectes & gargouillis digitaux ; nous voici à nouveau en transit intestinal dans les boyaux de la création sonore. Gastro-entérologie et chamanisme s’allient pour nous aider à conscientiser nos intérieurs, dont les parois sont très peu tapissées de cellules réceptrices de la douleur, ce qui explique pourquoi il est souvent tard quand on s’en rend compte. Immersion V, comme le Sputnik V, sera-t-il remboursé sur ordonnance ? La série Immersion est en phase terminale, au total il y a eu huit CD, si j’omets les dégâts collatéraux ultérieurs Ultra Immersion Concert, Vortex Immersion Zone, Groove Immersion, et pourtant ni la combinaison de plongée ni les bouteilles d’oxygène avec le détendeur ne sont offerts avec le pack.

À l’écoute de celui-ci, rien de bien engageant : des vents fétides parcourent les marécages sous des cieux vert sombre, annonciateurs de pluie radioactive aux abords de « Ker Vortex », la résidence secondaire acquise par Steve sur la lande bretonne. Des motifs émergent de la boue auditive. Des sons qui n’ont jamais été faits pour être perçus par une oreille humaine, évoquant la croissance muette de la mousse qui pousse sur le rebord des fosses où croupissent des prisonniers oubliés depuis trop longtemps, et qui par malheur n’avaient pas une bonne mutuelle santé.

Une synesthésie se met en place, un ballet cahotant, hypnotique et titubant comme une java martienne dansée par des paramécies en convalescence d’une épizootie sans remède connu. Moins claustrophobique que les précédents épisodes, mais encore beaucoup de remplissage dans les passages à vide si vous n’êtes pas prêts à méditer des heures durant sur votre troisième chakra. Au bout du premier CD, sortie en barque sur un lac souterrain, apaisante et bienvenue. Au début du second, ça repart : spéléologie des gouffres amers surplombés par des volutes de guitares célestes et trafiquées.

Odyssée pour gogos de l’advaita vedanta, ou invitation à faire le vide ? En tout cas, hymne vibrant à la somnolence au volant, comme beaucoup d’œuvres de cette décennie.

https://steveroach.bandcamp.com/album/circadian-rhythms-immersion-five

The Road Eternal (2011, Projekt) avec Erik WOLLO *

En 2008, Stream of Thoughts, une première collaboration entre les deux gars, le Norvégien et l’Arizonien, m’avait pas mal refroidi. Là, c’est un peu plus pulsé, mais ni très original ni très inspiré : des nappes, des structures rythmiques pas forcément moisies, mais je trouve Erik WOLLO clinquant, aseptisé, avec des sonorités dignes du rayon surgelés du Super U. Cascades cristallines, lénifiantes, lissées et asexuées. Le cahier des charges est rempli, les scintillements d’arpèges miroitants, les trainées de guitares synthétiques dans l’azur, la richesse des étoffes sonores brodées de mille détails mais j’y reste émotionnellement étranger. C’est froid.

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Live at SoundQuest Fest (2011, Timeroom Editions) avec Brian PARNHAM, Dashmesh KHALSA et Byron METCALF * * * * * 

On pourrait penser qu’une musique électro-acoustique fabriquée à la main avec 95 % d’électronique embarquée s’épanouirait mieux dans la pénombre des studios que sur scène, mais c’est pourtant en concert que « ça sonne » le mieux.

Soirée très festive en compagnie de Steve ROACH et de ses amis les Petits Chamanes à la Croix de Bois (en Plastoque de console de mixage) rameutés pour l’occasion. Steve doit faire du « channelling », (terme américain de la pensée New Age qui désigne un procédé de communication entre un être humain et une entité appartenant à une autre dimension : un ange, un « maître ascensionné », une entité du plan astral, une divinité, un extraterrestre, un ancien président républicain, etc.) et pirater en direct l’égrégore des spectateurs. Je ne vois pas d’autre explication rationnelle à la réussite manifeste des albums « live » de cette période. Comment savoir si c’est pour de vrai, ou s’ils ne se sont pas montés le bourrichon après avoir forgé de toutes pièces, un soir d’ivresse, pour déconner, des rituels pour invoquer des Forgotten Gods (1992) avant de passer au stade industriel, devant le succès de leur entreprise ?

Sans que le concert réponde franchement à la question, voici un réjouissant aperçu de la palette de Steve à l’époque, sans showroom pyrotechnique, ni foire-expo de la spiritualité chuintante et dronante. Un premier tiers de la captation évoque un raga indien (résonances et vibrations longues de sons analogues à des sitars) en mouvement perpétuel vers l’avant, magnifique. Puis vient un temps de recueillement, agrémenté de bâtons de pluie qui se font passer pour des serpents à sornettes, ou l’inverse. Mais je ne vais pas divulgâcher tout le film.

On pourrait décrire le concert tout entier comme une succession de passages entre les trois états de la matière sonore (solide, gazeuze, liquide, puis retour au gazeux, etc.) ou simplement saluer l’équilibre parfait entre les transes, les contemplations, les extases, sans reptations pénibles dans des tunnels sordides ni d’invocation d’entités poisseuses entre la méduse et le pied de veau comme sur le lugubre live de sinistre mémoire All is Now (2002).

À chaque fois que je vois une bande de petits blancs s’emparer d’instruments traditionnels (didgeridoo, bansuri), je ne puis m’empêcher de m’interroger sur leur légitimité : de quelle tradition se réclament-ils, tous ces chamanes auto-proclamés ? La profonde sagesse des traditions spirituelles multi-millénaires n’a empêché aucune de ces cultures de s’effondrer lors de sa collision frontale avec la nôtre, donc y’a quand même un truc qu’ils avaient pas bien anticipé au niveau des anticorps, et je range mon piédestal sur lequel j’allais les mettre. En l’absence de filiation clairement revendiquée, pas de doute, Steve et ses amis créent leur temples sur les ruines des précédents. Je devrais plutôt m’interroger sur ma propre crédulité musicale à les suivre.

https://steveroach.bandcamp.com/album/steve-roach-live-at-soundquest-fest

Journey of One (2011, Projekt) * * * * *

C’est un concert de 1996, resté inédit et conservé à l’abri de la lumière dans une crypte plombée pendant 15 ans. Ça valait le coup d’attendre : c’est un magnifique voyage à travers les immensités tribal-ambientes, à base de percussions ethno-claniques, de didgeridoo, de voix humaines, de cybergrooves cristallins, les ambiances se succèdent comme en un trip initiatique, c’est sombre et ensorcelant, intense, bouillant et envoûtant.

Si l’essentiel est invisible pour les yeux, on l’entend particulièrement bien dans ce disque, qui distille l’ensemble des vertus que je prêtais à l’ethno-ambient sans être certain qu’elles existent : un remède à la modernité, en même temps que sa rédemption.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/journey-of-one-the-tribal-ambient-era-live-1996

Quiet Music: The Original 3-Hour Collection  (2011, Projekt) *

Remastérisation d’une purge méditative incroyablement mollassonne et niaiseuse qu’on pensait à jamais bloquée entre 1983 et 1986, car elle n’était sortie qu’en cassettes audio. On avait tort : rien ne se perd dans le gourbi cosmique de Steve, ou plutôt, tout se retrouve un jour. Les mots-clés de cette œuvre sont minimalisme, piano électrique, et ennui mortel de trois plombes, sans possibilité de se défiler pour aller assister au procès Troadec. On y surprend parfois la beauté du chant des oiseaux. Une flûte. Des sons de la nature. Tout ça pour rendre hommage au silence, et pour envelopper l’auditeur dans une atmosphère suspendue, délicate et translucide. Après ça, on va pas bouder notre déplaisir : dans la liste des adorateurs de Steve prêts à ériger n’importe laquelle de ses galettes en divinité vivante et chatoyante, Derek POWER nous déclara sur la page bandcamp de l’album : « Je pense sincèrement que cet album m’a peut-être sauvé la vie, en fin de compte. »

Qui serais-je pour juger que sa vie, et les moyens par lesquels elle fut sauvée, est moins importante que la mienne ? Je dis juste que je trouve ce disque mièvre.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/quiet-music

Groove Immersion (2012, Timeroom Editions) *

La suite tant redoutée de la série Immersion (déjà cinq piscines parues, toutes pleines à ras-bord) : des pièces immersives et oppressantes qui évoluent insensiblement d’une langueur monotone et maladive vers un ennui mortel avec mélancolie aquatique post-opératoire. Chacune des plongées durant plus de 70 minutes, c’est largement au-delà du minimum syndical de la noyade. À la soupe protoplasmique habituelle, Groove Immersion adjoint une boite à rythmes qui crache un pattern imperturbable aussi structurant qu’une crème de jour si vous avez 80 ans et +, et quelques criquettements d’insectes numériques du plus morne effet. 

D’après la notice, « Groove Immersion s’inspire des éléments rythmiques que ROACH mêlait à Immersion: 5 et les étend avec des battements en boucle infinie en tapant sur un morceau de code hypnotique qui va directement au cerveau. ROACH place les battements sur des boucles familières, en spirale descendante de sons, de clics et de grognements de synthés analogiques, et l’appariement crée un espace de félicité sombre et méditative. » Ils ont oublié de préciser que quelques accords toltèques sont plaqués à la guitare sommaire dans l’arrière-salle, mais y a vraiment pas de quoi grimper aux rideaux. Attention : ne fais pas écouter ce disque à un contemplatif. « Si un contemplatif se jette à l’eau, il n’essaiera pas de nager, il essaiera d’abord de comprendre l’eau. Et il se noiera. » (Henri MICHAUX). Et après, finie la garantie.

https://steveroach.bandcamp.com/album/groove-immersion

Soul Tones (2012, Timeroom Editions) *

Le retour du pur éther atonal, de la nappe stratosphérique de haute altitude, si fine qu’on voit le fond du cosmos à travers. Certains y verront poindre une aurore sur un jardin de palmes. D’autres dénonceront l’imposture, brocarderont les boucles, les emprunts, les redites. D’ailleurs, on n’a pas déjà eu cette conversation à propos de A Deeper Silence, Afterlight, et quelques autres ? On aurait dû.

https://steveroach.bandcamp.com/album/soul-tones

Tales From the Ultra Tribe (2012, Projekt) avec Byron METCALF *

Après la réussite spectaculaire de The Serpent’s Lair, album d’ethno-transe endiablé, j’attendais plus de nos deux compères que ce tribal-ambient soporifique. On dirait qu’ils ont mis un polochon à leur place et qu’ils sont partis faire autre chose.

O combien sombres et glaciales sont les nappes de Steve ! O combien mornes les tambours de Byron.

https://steveroach.bandcamp.com/album/tales-from-the-ultra-tribe

Stormwarning (Live) (2012, Projekt) °

Dans la veine “retour de la vengeance des séquenceurs des fils à pénible”, un disque prétendument live et déjà affreusement ringard au moment de sa première sortie studio (1989) ce qui ne nous rajeunit pas.

https://steveroach.bandcamp.com/album/stormwarning-2

Low Volume Music (2012, Projekt) avec Dirk SERRIES * * *

Devant l’absurdité d’un monde dans lequel il y a beaucoup trop de notes sur les disques, et beaucoup trop de disques de Steve ROACH dans les bacs, Steve décide de frapper un grand coup en sortant un nouveau disque avec beaucoup moins de notes que s’il y en avait plus, et c’est ce qu’on appellera sa période minimaliste, que les exégètes pourront ensuite rapprocher de celle de Brian ENO et de Harold BUDD : trois notes au piano jouées très mollo, une dose de réverb, une nappe de synthé à grands carreaux mais pas trop voyants tendue par en-dessous pour soutenir le bastringue, un copain de trente ans pour enlever les miettes après le pique-nique, et roule ma poule. Dirk SERRIES prétend être le vrai nom de Vidna OBMANA, en fait on comprend à demi-mot que c’est le pseudonyme à l’envers du célèbre « Dick Reverse », qui joue du cornet à piston en sourdine sur beaucoup de galettes d’ambient des années 2000 après avoir déchiré avec les CHATS SAUVAGES dans les années 1960. Curieusement, le résultat n’est pas si déplaisant que ça, au vu des précédentes collaborations des deux cowboys spatiaux, qui avaient eu lieu du côté obscur.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/low-volume-music

Back to Life (2012, Projekt) (2 CD) * * *

Une fois de plus perché dans les hautes couches de l’atmosphère. Plutôt plaisant, pour qui apprécie la veine ambiente atmosphérique multi-couches à vocation sidérale, avec aurores boréales par un petit matin glacial. Spacieux et spatial.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/back-to-life

At the Edge of Everything (2013, Timeroom Editions) avec Vidna OBAMA et Jeffrey FAYMAN *

Un concert aux Pays-bas avec Vidna ObBMANA et sa flûte Fujara à six schtroumpfs, lovecraftienne en diable. Retour dans les limbes, assez inhospitaliers aux voyageurs égarés. Je ne suis pas fana de la période sépulcre digital et tagada saint suaire. Sur Cloudwatching with the Trancemaker ça s’agite un peu, mais ça ne trance-porte pas bien loin. Même le didgeridoo semble émaner du Jugement Dernier. On retombe bien sur les travers du couple ROACH-OBMANA, pour lequel il faudrait nommer un médiateur familial afin qu’ils reprennent séparément des vies électro-acoustiques plus saines. Et qu’est-ce qu’on va faire de tous les enfants qu’ils ont commis ensemble ?

https://steveroach.bandcamp.com/album/at-the-edge-of-everything-2

Spiral Meditations (2013, Timeroom Editions) *

L’école de Berlin : Klaus SCHULZE, « Popaul Vu », Von RIBBENTROP, « Finkielkrautrock, » Steve ROACH. Des hordes de séquenceurs égrènent des motifs géométriques à 180 la noire devant huissier, avec plein d’écho. Juste saoulant.

https://steveroach.bandcamp.com/album/spiral-meditations

Live in Tucson 2000 EP (2013, épuisé) avec Jorge REYES * * *

Jorge REYES produisit en solo une œuvre chamanique, dévotionnelle et tribale, inspirée des cultures préhispaniques et précolombiennes, bien qu’il fût (car il n’est plus) mexicain sans être indien, mais il avait baigné dans cette culture quand il était petit, et ça aide. 

DiscographieArticle

Au milieu des années 1990, il a fait partie du trio endiablé de tribal ambient SUSPENDED MEMORIES avec Steve et Suso SAIZ. Il joue ici à Tucson avec Steve pour le lancement de Vine, Bark, & Spore, leur première collaboration en duo. Dans la galaxie Steve ROACH, on évoque souvent des bandes perdues puis retrouvées, juste avant de vous refourguer un triple CD, là c’est dommage que celle du concert soit irrémédiablement endommagée pour de vrai, seul le début du concert a été sauvé et constitue cet EP qui commençait bien mais qui s’arrête à jamais au bout de 17 minutes.

https://steveroach.bandcamp.com/album/steve-roach-jorge-reyes-live-in-tucson-year-2000-ep-release

Live Transmission – From the Drone Zone at Soma FM (2 CD) (2013, Projekt) * * * * *

Cela faisait des années que Steve n’avait pas enregistré dans les conditions du direct. Il prépara ses éléments pendant des mois, puis s’en vint dans les locaux de la webradio Soma FM de San Francisco, familière des prestations ambient, avec tout son bestiaire bien replié dans une petite valise. Quand il l’ouvrit, les génies en jaillirent et répandirent sa légende à travers l’éther ; il entra instantanément de la petite musique dans la Grande Histoire : sa boite de Pandore contenait l’ensemble des couleurs, matières, textures et qualités pour lesquelles ce musicien est vénéré à travers le monde, et que cette prestation concentre : lents nuages dérivants, cascades harmoniques scintillantes, shakers, didgeridoo, sombres rythmes tribaux, interjections humaines perdues dans des cavernes chantantes, jolis arpèges de l’école berlinoise, et des tas d’échantillons d’environnements sonores naturels.

L’album n’est pas un « best-of ». La discographie de Roach est si vaste qu’aucun album ne pourrait même être considéré comme un résumé approximatif de son travail. Ce que Live Transmission donne à voir, c’est un un artiste en direct maîtrisant parfaitement son art, et toujours inspiré après plus de trente ans de création musicale. Il devrait venir plus souvent à San Francisco. Et pourtant, il n’a pas une tête à faire de la radio. Magnifique. Vraiment. Ce concert propage l’idée d’évènements naturels extra-terrestres d’une beauté indicible.

https://steveroach.bandcamp.com/album/live-transmission-2-cd-release

Future Flows (2013, Projekt) * *

Retour à l’ambient stratosphérique pur beurre (mais sans matière grave) directement issu de la canette d’air en bouteille regazéifiée avec son propre oxygène. « Le futur s’écoule à partir d’ici » proclame un des morceaux. Amenez vos bassines : il est éthéré, gazeux, nébuleux et somnifère. Certains peuvent ressentir cette ambiance comme une proposition d’accompagnement aux mourants, et partant, un support audio pour explorer ces espaces. D’autres vont éprouver cela comme affreusement anxiogène, en prétextant qu’ils ne sont pas pressés de mourir.

On flirte à la limite du gazeux et du liquide, pas très loin de la série Immersion.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/future-flows

Rasa Dance (The Music of Connection) (2013, Epona) °

Sélection de morceaux issus de l’usine de Steve pour soutenir le travail de sa femme Linda KOHANOV, entraîneuse de chevaux, coach et formatrice spécialisée dans le domaine du développement personnel par le cheval, une discipline qu’elle a sans doute créée de toutes pièces. Cette compilation de titres de son mari, servant de bande-son lors des ateliers Eponaquest® entièrement animés par des chevaux, n’a absolument aucun intérêt pour le roachmaniaque de base, sauf si vous êtes fan de Bojack Horseman, ou encore un jeune poulain et que vous venez d’apprendre que votre jument de mère est promise à la boucherie chevaline ; le cas échéant, adoptez l’attitude « cheval dire à ma mère » et passez-lui le disque, pour adoucir ses derniers moments et attendrir sa viande.

https://steveroach.bandcamp.com/album/rasa-dance-the-music-of-connection

Ultra Immersion Concert (2013, Timeroom Digital) * * * ½

Pour écouler le surplus de la production de Steve, mieux qu’une réunion Tupperware à la sauvette : un concert privé. Dans la nuit du 2 au 3 juin 2007, le roi de la fête électro-organico-tribale-ambiente organise chez lui un week-end d’Ultra Immersion (masques et tubas non fournis). Les 30 invités ont été sélectionnés parmi une liste de participants aux deux derniers concerts de Tucson, ils se retrouvent tout excités dans sa demeure isolée du sud de l’Arizona, et descendent plein de petits verres de tequila sans alcool pour se donner une contenance ; puis le maitre des lieux descend parmi eux et les envoûte 12 heures d’affilée, de 20 h 00 à 8 h 00 sans interruption, ne quittant son centre de contrôle galactique que pour un petit pipi de temps en temps (la téquila sans alcool, c’est très diurétique).

Avec les participants installés sur des oreillers, des sacs de couchage, des futons en algues recyclées ou mollement alanguis sur des couvertures en pilou, ils assistent à un concert de Steve presque aussi interminable que ceux de Francis LALANNE jeune, ce dont témoigne le côté un peu ralenti de la bande-son témoin de l’évènement, puisqu’il a bien fallu couper parmi les douze heures de rushes en temps réel, un peu délayés par rapport à un disque live de Steve sans futon ni pilou.

Des réminiscences de tous les grands lives telluriques de la période (Live Transmission, Journey of One) un peu ramollies – des moments plus méditatifs que d’autres, rien de désagréable – et même ramollie, la magie c’est la magie !

https://steveroach.bandcamp.com/album/ultra-immersion-concert

The Ancestor Circle (2014, Projekt) * * * *

On a retrouvé des bandes magnétiques, dont on ignorait même qu’elles fussent perdues. On en retrouve souvent, il suffit d’aller farfouiller dans le cabanon « bandes perdues avec étiquettes illisibles, pour disques inédits » à l’entrée du canyon Donnie Darko Ambiento, juste derrière l’hacienda de Stevie. Une fois entré dans l’appentis, y’a qu’à se baisser pour en ramasser, le bazar est pire que dans la buanderie de Frank ZAPPA, dont les successeurs s’arrachent les cheveux et les sous-vêtements depuis 30 ans en découvrant des palanquées de masters improbables derrière des piles de linge sale.

Pour en revenir à The Ancestor Circle, ces bandes retrouvées en 2014 furent enregistrées en 2000 par Steve ROACH et Jorge REYES, une semaine avant leur concert de Tucson, dont les bandes sont, elles, définitivement fichues, et se situent dans la veine ethno-chamano-ambient avec une bonne rasade de mauvais trip à l’ayahuesca, mais c’est un peu un passage obligé dans les cérémonies initiatiques, y’a toujours un moment où on tourne de l’œil quand le sorcier local nous ouvre le sternum psychique à l’opinel rouillé pour libérer nos énergies. Mais la brochure promotionnelle met plutôt en avant « un rinçage cathartique non filtré du monde technologique et moderne d’aujourd’hui, qui aide à appuyer sur le bouton de réinitialisation de la perception » pour ne pas faire fuir les clients.

L’apport de Jorge REYES, comme sur Vine ~ Bark & Spore (2001), ce sont les voix de sorcier de caverne électronique, propre à pétrifier le plus endurci des auditeurs de musique New Age, et son exotique bataclan de flûtes préhispaniques, ocarinas et petites percussions sud-américaines, bien sûr tout cela une fois passé à la moulinette dark ambient prenne un aspect un peu menaçant voire « chairdepoulogène », quand le vieux sorcier yaqui vous balance ses incantations trafiquées par des chambres d’écho analogiques, sépulcrales et revaudouisées par notre duo de dealers d’absolu sonique, on peut arrêter la drogue, c’est bon, on a trouvé mieux.

Pour peu qu’on se le colle entre les oreilles devant un bon feu de cheminée lors des frimas d’avril, on part assez loin dans les forêts primaires avec ce disque, même si le retour à pied pose, comme toujours, problème. Soyez bienveillant envers les baratineurs qui voudront vous faire accroire qu’il s’agit là d’une offrande cérémonielle aux dieux oubliés, ou les artefacts audio d’une tribu perdue où la préhistoire rencontre la technologie du futur créant un son impossible à dater au carbone 14. Ce sont les gars du marketing qui racontent ça ; il faut leur pardonner, car ils ne savent pas ce qu’ils vendent. C’est juste la bande-son idéale pour relire CASTANEDA, délaissé depuis l’adolescence.

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-ancestor-circle

Bloodmoon Rising Night 2 (2014, épuisé) * * * * 

Je suis d’ordinaire un peu étanche aux œuvres immersives et/ou purement atmosphériques de Steve. Quand commencent à s’étirer des nappes de sonorités célestes ralenties dix mille fois pour que le disque fasse bien 74 minutes 30 au bout du compte, je trouve que c’est un peu abusé, et ça serait pas la première fois que ce monsieur ROACH nous ferait le coup.

Pourtant ce Bloodmoon Rising Night 2, conçu dans les jours qui précédèrent la lune de sang du 7 octobre 2014, est ample et majestueux dans le déroulé de ses volutes. Steve y reconnait l’influence des phases lunaires sur son travail, et exprime sa gratitude pour les fins de nuit, qui sont chez lui des périodes d’intense création, périodes pendant lesquelles sa chère et tendre rentre chez sa mère pour retrouver un peu de sommeil.

https://steveroach.bandcamp.com/album/bloodmoon-rising-night-2

The Delicate Beyond (2014, Timeroom Editions) *

Steve se lance ici dans une expérience minimaliste zen-arty, un peu par hasard : en plantant un clou dans une cloison en placoplâtre dans son salon, ce qu’il ne faut jamais faire, celle-ci s’effondre, révélant l’existence d’un vide sanitaire inter-dimensionnel : un riff de piano constitué de deux notes réverbérées à l’endroit autant qu’à l’envers se déploie inlassablement dans l’espace du multivers de notre perception dans l’instant présent qui semble éternel au moins pendant 74 minutes, délicatement soutenu par les « plitch » et les « ploutch » de la chute des gouttes d’eau nées de la condensation en altitude, tombant au fond de la grotte après avoir suinté le long de stalactites cristallines. Nous n’en dirons rien de plus pour ne pas altérer votre perception de ce Délicat Au-Delà, car la nôtre se situe bien en deçà. Entendons-nous bien : ça serait chouette si c’était un passage de 3 à 5 minutes sur un disque de Steve « normal ».

Renseignements pris, il s’agit d’une version ultimement délayée, bouclée et étirée à mortel du titre d’ouverture de The Delicate Forever. Je sens qu’on est partis du mauvais pied avec cette série, réservée aux adorateurs béats de « La Note Qui Implique Toutes Les Autres, Et C’est Pour Ça Qu’elle Tourne En Boucle » qui aiment quand la musique de Steve fait l’amour avec le Silence, et Puis Avec Elle-Même, Aussi. Au bout de 44 minutes, alors qu’on commence juste à se faire au Dasein de la boucle, (littéralement « être-là », c’est l’infinitif substantivé du verbe allemand dasein, qui signifie, dans la tradition philosophique, « être présent ») elle s’efface au profit d’une petite horde de séquenceurs égarés émergeant du fond de l’infini pour vaporiser un nuage de notes surplombant la falaise de la Réverb et mimant une petite descente harmonique en rappel le long d’icelle, mais le mal est fait, et le ver de l’ennui est dans le fruit du disque.

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-delicate-beyond

The Delicate Forever (2014, Projekt) *

Les aventures répétitives des deux notes de piano du disque précédent reprennent à zéro, comme si elles n’avaient jamais eu lieu, et sont suivies de grandes plages de balbutiements glougloutants dans le droit fil tordu des entreprises expérimentales sans garantie de bonne fin : ballets désaccordés de carillons pour porte d’entrée de vétérinaire, chœurs d’appeaux pour méduses à marée basse, etc. C’est très délicat, sans doute, puisqu’il le prétend.

Errements froufroutants dans les limbes du futur. Quelle barbe ! Les petits-enfants de l’organiste viennent s’asseoir et pianoter un instant sur l’harmonium.

Je suis perdu. Je ne comprends pas. On jurerait que Vidna OBMANA est de la partie, et qu’elle est sponsorisée par Le choix funéraire. Croyez-moi, si j’avais le choix, il ne serait pas funéraire.

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-delicate-forever

The Desert Collection (2014, Timeroom Editions)

Compilation de titres déjà parus ailleurs, avec pour thématique commune le désert, mais sans Jean-Patrick CAPDEVIELLE dedans.

Pistes 1 & 5 extraites de Dust To Dust (Projekt, 1998)

Pistes 2 & 6 extraites de Desert Solitaire (Fortuna, 1989)

Pistes 3, 7 & 8 extraites de Western Spaces (Innovative Communication, 1987)

Piste 4 extraite de The Ambient Expanse (Mirage, 1998)

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-desert-collection-volume-one-2014

The Long Night (2014, Projekt) avec Kelly DAVID * * * *

Étonnante pièce en intérieur nuit, jouant surtout sur les drones et les bourdonnements dans les graves pour évoquer des ambiances nocturnes. Inspiré et pacifiant, mot que je n’ose jamais trop employer avec Steve puisque c’est le fer de lance de l’argumentaire de ses commerciaux. Il y a même des trouées de lumières tintinnabulantes, où l’on pressent qu’à la nuit succèdera le jour. En principe.

La dernière pièce, qui donne son nom à l’album, est magnifique.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/the-long-night

Monuments of Ecstasy (2015, Projekt) avec Byron METCALF et Rob THOMAS * * ½

Encore un album de tribal-ambient rythmé et roboratif avec Byron METCALF, encore un disque censé activer un état euphorique de conscience corps – esprit et l’expansion de l’attention par la conscience corporelle, encore un disque conçu pour transporter l’auditeur dans un monde d’énergie pure et d’illumination – encore un disque que je trouve mou du didgeridoo – plus creux et démonstratif que groovy.

Même avant que je prenne 18 kgs lors des confinements successifs et que mes Monuments d’Extase deviennent trop lourds à déplacer, cet album me laissait en rade. L’irruption molletonnée d’un thème qui n’est pas sans évoquer la mélodie et les orchestrations du générique d’Amicalement vôtre au milieu de l’avant-dernier titre de l’album est amusante, sans plus ; les vieux routiers du roc tribal sont érodés. Ou alors, c’est l’auditeur qui s’effrite.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/monuments-of-ecstasy

Invisible (2015, Timeroom Editions) * *

Steve : « Voici une pièce sombre et mal ventilée de mon studio d’enregistrement Timeroom dans laquelle je m’allongeai accroupi par les dernières journées froides et pluvieuses de 2014, à la recherche de bobineaux perdus au début des années 1980 dans lesquels on avait improvisé une longue mélopée chamanique sur des bols à punch un soir de pochetronerie védantique debout sur des chaises dans la cuisine avec Byron METCALF et Jorge REYES. Mais je ne les ai jamais retrouvées, sans doute que les étiquettes étaient écrites toutes de traviole alors de rage je me lançai dans Invisible, qui est un paysage de rêve primordial ultra-profond de zones de mercure changeantes. Des fantasmes amorphes enveloppés de brume apparaissent et s’éloignent au fur et à mesure que des murmures de substrats distants sont ressentis autant qu’ils sont entendus. C’est pour ça que ça fait un peu peur, on craint que Vidna OBMANA surgisse de derrière les tentures écarlates où il se tapissait partout, même dans les toilettes. Quelques jours à peine après la création de cette pièce, le disque a été offert en cadeau sur mon site le soir du Nouvel An et beaucoup ont pu voyager profondément dans la nouvelle année dans une expérience sonore collective mondiale, puisqu’on les a retrouvés pendus dans une magnifique synchronicité dès le matin du 2 janvier. »

Dans la veine toxic-groovy limbo, l’improvisation ce jour-là à base de vapeurs plombées (mais toute la musique générée par Steve n’est-elle pas qu’un gigantesque empilement d’expériences délétères, coagulées puis renforcées au stratifié de 1,5 mm ?) s’inscrit dans la veine « méditation de cave à charbon » récemment illustrée par InnerZone (2002)

Un good-feeling movie, comme y disent, mais pour claustrophiles uniquement.

https://steveroach.bandcamp.com/album/invisible-70-min-version

Bloodmoon Rising Night 3 (2015, épuisé) * * *

Il faut se rappeler qu’en français, la « lune cuivrée » parfois qualifiée abusivement de « lune de sang » ou « lune sanglante » désigne un phénomène optique de diffusion et de dispersion de la lumière qui se produit durant les éclipses de Lune mais aussi à d’autres occasions : la Lune prend une apparence cuivrée (parfois qualifiée à tort de rousse) à chaque fois qu’elle est basse sur l’horizon, car la lumière du Soleil qui l’éclaire est alors filtrée en passant au travers de l’atmosphère terrestre. La dernière lune de sang du 20 au 21 janvier 2019 a coïncidé avec une super lune et la pleine lune du loup, ce qui lui a valu le titre de « Super lune du loup de sang ».

Evidemment, à côté, Bloodmoon Rising Night 3 fait pâle figure, n’a rien de sanglant, est très contemplatif, au moins autant que Bloodmoon Rising Night 2, et il ne s’y passe objectivement pas grand chose. Il remplit le cahier des charges : lunaire, amblent, planant en gravité zéro, perturbant légèrement la perception temporelle. Des éléments de nappes sans attaque y apparaissent, durent un certain temps, puis s’évanouissent on ne sait où. Sauf ceux qui les sous-tendent, et qui étaient là de toute éternité.

La prochaine lune de sang se produira lors de l’éclipse lunaire totale du 26 mai 2021, qui sera visible de certaines parties de l’Amérique du Nord, de l’Australie, du Pacifique et de l’Asie. Mais le temps que paraisse cet article, elle aura sans doute déjà eu lieu. Ce en quoi ce que je raconte est absolument fascinant d’ennui et de péremption rétrofuturiste. Méfions-nous : Steve n’a pas promis de ne pas faire de disque pour cette occasion.

https://steveroach.bandcamp.com/album/bloodmoon-rising-night-3

Skeleton Keys (2015, Projekt) * * *

Le renouveau des synthétiseurs modulaires analogiques bat son plein. Magie de ces armoires électriques lourdes comme le piano de mon grand-père, ornées de potentiomètres gradués jusqu’à 11 qu’on peut tourner à la main, vers la gauche ou bien la droite, sans même faire usage de nos pouces opposables, qui nous différencient pourtant du chimpanzé fan de tech hardcore, pour en expérimenter des effets variés en termes de tension, de fréquences, d’amplitude, d’oscillations rythmées.

Voici donc huit mandalas sonores en spirale entièrement façonnés avec des vrais doigts pianotant comme des oufs sur des boutons en plastique qui s’allument au passage comme dans les films de SF des années 1960, programmant des séquenceurs vintage fleurant bon le modulaire des débuts de l’électronique, et que tu peux toi aussi acquérir auprès du fabricant Synthesizers.com comme l’a fait Steve, ça tombe rudement bien.

Il y a des morceaux magiques dans cet album comme It’s All Connected ; et d’autres plus prévisibles : guirlandes de séquences arpégées avec delay paramétrable, tout ce qu’on a aimé puis détesté dans la musique planante des années 1970.

https://steveroach.bandcamp.com/album/skeleton-keys

The Skeleton Collection 2005 – 2015 (2015, Timeroom Editions) * * *

Simultanément sort un disques d’inédits, dont la moitié des pistes furent enregistrées dix ans plus tôt, célébrant elles aussi la pureté du son analogique et des machines galactiques qui carburaient au fioul lourd, comme les tanks Sherman. L’accent est mis sur l’immédiateté de la musique générée à la main sur de vrais instruments physiques (sans doute en bakélite) : « Ressentez-le, accompagnez-le, façonnez-le à la main, enregistrez-le, passez à autre chose. »

Comme toujours avec les propositions de Steve, pour en retirer le meilleur il suffit de vous autoriser à flotter avec lui partout où il va, et de ne pas trop y penser.

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-skeleton-collection-2005-2015-companion-disc

Etheric Imprints (2015, Projekt) * * *

En arpentant les confins de son domaine, Steve glisse accidentellement dans un soupirail recouvert de branchages (comme dans un vieux Rahan) qui le précipite au fond d’une oubliette où gît un vieux piano. C’est l’occasion d’égrener quelques notes mélancoliques avec beaucoup de réverb, au risque de créer une mélodie, qui n’advient cependant pas dans l’effondrement introspectif Etheric Imprints, qui ouvre l’album sur de bien sombres perspectives existentielles. En l’absence de linge de rechange, la situation sanitaire se dégrade ensuite rapidement, et des arpèges atrocement disharmonieux s’échappent de la fosse, dans l’espoir d’attirer du monde et d’échapper à l’oubli (Indigo Shift). C’est pourtant une stratégie perdant/perdant, qui n’attire guère l’oreille du chaland vers le pavillon-témoin.

Dans un troisième temps, Steve a traversé les phases du deuil (Déni, Colère, Marchandage, Dépression, Acceptation) et les récapitule sobrement dans une pièce immersive un peu funèbre mais majestueuse : Holding Light. On sent que quel que soit son sort, il est prêt à partir. Puis, c’est le « happy end » de rigueur : en revenant aux sources de l’ambient « light » avec The Way Forward, Steve parvient à simuler une légèreté qui lui permet d’échapper à la gravité et de s’échapper à tire d’aile. Le problème étant qu’il va certainement recommencer à enregistrer.

https://steveroach.bandcamp.com/album/etheric-imprints

Bloodmoon Rising : The Complete 5-Hour Collection (2015, Timeroom Editions) * * *

L’intégrale des mélopées séléniques, pour sacrifier vos nuits blanches à la lune « cuivrée ». Si vos insomnies persistent après l’écoute successive de deux fois l’intégrale, n’hésitez pas à retourner au bureau sans avoir dormi, vos collègues vous trouveront quand même un petit air lunaire, et c’est toujours ça d’pris.

https://steveroach.bandcamp.com/album/bloodmoon-rising-complete-5-hour-set

Alive in the Vortex (2015, Timeroom Editions) * * * *

L’expérience nous a appris que quand il y a « Vortex » dans le nom d’un disque OU d’un morceau de Steve ET qu’il est paru dans les années 2010 ET que c’est une prestation scénique, on peut y aller. En principe. C’est un savoir relatif, mais assez absolu. Pour celui-ci, un an de préparation, et un spectacle déjà rodé lors du festival Ambicon, spectacle dont la partie visuelle consistait à regarder Steve appuyer debout sur les boutons de ses machines du diable et tourner ses potentiomètres à la main pendant deux plombes, spectacle qui trouve son apothéose dans cette représentation unique en octobre 2013 sous le chapiteau du Vortex Dome de Los Angeles, une salle hémisphérique où il fait bon venir digérer une poêlée de champignons magiques quand Steve est assez inspiré pour y interpréter ses meilleures musiques d’attente au téléphone.

Gageons que la partie visuelle était au moins aussi spectaculaire que ce « soundfest » auquel le roi du minéral chantant ne nous convie qu’en de trop rares occasions (Journey of One en 1996, Live Transmission en 2013) nous prouvant ainsi son génie alors que nous avions renoncé à l’y voir dans son Tour. Privés des images immersives de paramécies en rut grossies 10 000 fois et projetées à 360 ° sur la face interne du dôme, il nous reste pour vibrer la partie électroacoustique du show, soit un son et lumière sans lumière mais dans lequel on retrouve le meilleur de la Quincaillerie ROACH : séquences rutilantes d’arpèges cristallins, nappes infinies d’aurores boréales scintillantes, drumboxes ethnoambient chamaniques. On est peut-être un peu en dessous de Live Transmission 2013, mais ça plane quand même très haut.

Après avoir écouté les bandes, et juste avant de les égarer dans le studio Timeroom pour prétendre les avoir retrouvées dans deux ans et les rééditer avec des bonus, Steve a déclaré « J’ai senti que c’était le témoignage que je voulais laisser derrière moi pour que quelqu’un l’expérimente dans 50 ans. »

Rendez-vous dans 50 ans, donc, pour voir s’il ne s’est pas moqué du monde.

https://steveroach.bandcamp.com/album/alive-in-the-vortex

Vortex Immersion Zone (2015, Timeroom Editions) * * *

Ce n’est pas une version en Réalité Augmentée ou Diminuée voire en Réalité Ratée du concert précédent, mais plutôt un brouillon, inspiré par le projet de se produire au Vortex Dome de Los Angeles, et imaginé lors de la visite de repérages de cet espace géodésique en forme d’utérus, projet un peu virtuel, au sein duquel d’autres peuvent s’y caresser langoureusement le projet de progresser dans l’intention de pratiquer le bouddhisme, quand on se retrouve dans un utérus, les idées les plus folles peuvent germer. La pièce immersive fut retravaillée après les performances historiques qui s’y déroulèrent, on y perçoit d’ailleurs des fragrances de Live Transmission (2013), comme la Boucle Irradiante Qui Rend Ouf, dont la dynamique et la texture si particulières nous feraient acquérir les 132 versions si Steve choisissait de les mettre en vente en ligne.

Comme il est dit par un chroniqueur anonyme à propos de ces deux albums autour du même évènement, la version live possède certaines propriétés magiques spéciales qui ne peuvent résulter que d’une interaction avec un public.

http://www.expose.org/index.php/articles/display/steve-roach-alive-in-the-vortex-vortex-immersion-zone-3.html

https://steveroach.bandcamp.com/album/vortex-immersion-zone-2

Skeleton – Spiral Passage (2015, Timeroom Digital) * * *

Version 2 titres (32 minutes) « Squelette / Passage en spirale » du concert Live in Tucson : Pinnacle Moments qui ne sortira qu’un mois plus tard, fin janvier 2016, c’est-à-dire dans le futur puisque nous ne sommes encore qu’en 2015 selon la discographie, alors que la sortie bandcamp porte l’estampille « 1er janvier 2016 ». De qui se moque-t-on ? Et pourquoi sortir une version longue de 2 titres plus courte que la version courte qui sera plus longue, à moins d’être dans un flux temporel inversé par rapport à nous ? À moins aussi que je n’aie pas bien lu l’argumentaire en le recopiant. Au demeurant, c’est pas inintéressant, comme cavalcade d’arpèges pentatoniques avec delay + friselis mélodique néo-schulzien, mais comme il sera intégralement inclus dans la nouvelle version de l’album numérique du Live in Tucson qui sortira incessamment sous peu dans le futur, l’avenir de ce disque est un peu indistinct, à ce degré spéculatif qui n’intéressera qu’une poignée de spécialistes et qu’on pensait réservé aux thuriféraires de Frank ZAPPA.

https://steveroach.bandcamp.com/album/skeleton-spiral-passage-extended-version-live-in-tucson-02-14-15

Emotions Revealed (2015, Projekt) * *

Des bandes perdues des années 1980, retrouvées de façon inespérée. Deux pièces, sans trop de cuisine, l’une héritée de séquenceurs cadencés période Structures From Silence, avec des sonorités bien vieillottes de 1983, c’est envoûtant, entêtant, ou juste saoulant, selon votre sensibilité. Disons que dans le genre École de Berlin, je préfère le maître Klaus SCHULZE à ses disciples z-ailés. Ensuite une pièce purement atmosphérique, l’embryon de la genèse de l’origine de la clé de voûte de ce qui donnera naissance à la division blindée de la Voie Contemplative de Steve. Évidemment en 1983 les moyens sont frugaux, mais l’idée du Steve atonal et arythmique est là, en essence. C’est aussi émouvant que de retrouver le brouillon des symphonies que MOZART écrivait dès six ans. Ou pas.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/emotions-revealed

Live in Tucson: Pinnacle Moments (2016, Timeroom Editions) * * * * 

Les meilleurs moments du concert donné au Centre Galactique de Culture Solaire de Tucson en février 2015. Si vous le visitez un jour, dites que vous venez de ma part et ils vous feront 15 % de ristourne sur le cocktail vénusien aux algues. Demandez-vous pourquoi je reconnais pour la première fois dans une prestation publique des vrais bouts de morceaux de disques studio, comme ici Desert Solitaire (1989) ou le Skeleton Passage de Skeleton Keys (2015), ou encore la boucle de gargouillis cosmique qui rend fou même l’arabe dément Abdul Al-Hazred dans Going Gone dont le titre m’évoque la célèbre blague de Christopher PRIEST « ce fut moi qui restai à l’atelier tandis que je retournais à l’appartement » dans Le Prestige, page 125, et que seul l’arabe dément Abdul Al-Hazred peut comprendre.

Mais que voulez-vous, quand on aime, on ne compte pas ses sous, ou alors c’est qu’on n’est pas vraiment amoureux, tout cela est sans doute reboutiqué avec de subtiles variations & modifications, et c’est si plaisant que je pourrais sans doute me lancer dans la confection d’une anthologie rétrospective de morceaux contenant le passage neurotoxique, tout comme on peut élaborer un très chouette album posthume de Frank ZAPPA en boutaboutant toutes les versions de Torture Never Stops au fil des âges. Avec Steve ça serait un peu plus compliqué, car même ses patterns austères reçoivent des patronymes randomisés qui rendent malaisé l’identification des motifs.

Skeleton Passage et Spiral Passage closent la performance par un numéro de voltige de séquenceurs aériens, une Battlestar Galactica d’arpèges delayés dans la stricte application des règles apprises à l’école de Berlin.

https://steveroach.bandcamp.com/album/live-in-tucson-79-min-version

Second Nature (2016, Projekt) avec Robert LOGAN * *

Robert est un vieux fan de Steve encore très jeune qui s’est entiché de son idole malgré leur différence d’âge, mais leur amourette est compromise, car il est de trente-trois ans son cadet. Alors ils font de la musique ensemble, ce qui est une façon émotionnellement moins violente de prendre du bon temps. Encore que. Le problème c’est qu’après il faut trouver des couillons pour les écouter. C’est le père de Robert qui l’a initié à Steve ROACH quand il était petit, et il y a pris goût, alors que moi, quand j’ai voulu faire découvrir The Magnificent Void à mes enfants, ils m’ont ensuite interdit d’approcher le tourne-disque à moins de cinquante mètres, et encore, sans faire de gestes brusques.

Vous souvenez-vous du Thursday Afternoon de Brian ENO ? il était constitué de circonvolutions mélodiques inlassablement répétitives et « répétitées » autour d’un accord majeur dont les notes étaient égrenées au piano, égrenage sous-tendu par un tapis d’ambiance à gueule d’atmosphère et traversé de loin en loin par quelques zigouigouis cosmiques. On est bien ici dans ce type de proposition sonore, bien qu’à l’accord majeur ait été substitué une immensité atonale mollement inquiète et quinze tonnes d’écho supplémentaire pour faire genre. Nos deux compères redonnent ainsi leurs lettres de noblesse à la peinture tonale de la neurasthénie, sous prétexte de minimalisme romantique (sic).

On ne doute pas qu’ils arpentent les territoires de l’invisible les yeux fermés comme qui rigole, main dans la main dans le piano accordé en fa dièze, sans doute aussi qu’à faire tourner ce disque en boucle on induit des transes corps-esprit subtils, mais ça fait déjà trois fois que je le remets au début et tout ce que je vois de ce que j’entends c’est Ryan GOSLING tapotant les touches du piano qu’il découvre dans la luxueuse planque de Harrison FORD (baignant dans une lumière orangée permanente prompte à lui déclencher une dépression nerveuse de cyborg) dans Blade Runner 2049.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/second-nature

Biosonic (2016, Projekt) avec Robert LOGAN * * * * 

Surprise : sur Biosonic, ça stridule, ça warpe, ça craquette, ça pulse, ça breake et ça croustille (un peu comme chez Warp Records, justement) avec des éléments de noisy industriel inattendus sous ces latitudes ; le projet est né d’une correspondance entre Robert et Steve au cours des ans, sous forme d’échanges de fichiers sons, avec des sessions téléphoniques régulières et des e-mails décrivant la vision et les pièces qui finiraient par donner corps à l’étonnant album, sombre mais extatique, finalisé lors des vacances d’été longtemps fantasmées du petit Robert dans le Timeroom Studio de son tonton Steve, oncle incarné de la modernité futuristique de la phrase qui ne veut rien dire (celle-ci en est un bon exemple) pour un résultat à mon avis dix fois meilleur que toutes les bouineries limbiques funèbro-constipées produites avec Vidna OBMANA au début des années 2000.

Le traditionnel bestiaire sonore d’insectes parasites hantant des jungles numériques ne s’accompagne pas, pour une fois, de râles chamaniques, et Byron METCALF n’a pas été convié pour battre le rappel des troupes avec son petit tambourin poliorcétique ; et la dimension chamanique de la transe n’est pas convoquée non plus. On est plutôt dans les songes obscurs et tourmentés de racks de serveurs informatiques enterrés dans les infinis sous-sols de la basse-Californie et refroidis par des centrales nucléaires bioélectriques. Mais le labyrinthe est bourré de trouvailles futuristes.

Il y a des titres explicites comme The Biomechanoid Lifecycle Revealed qui évoque bien le risque inhérent à l’hébergement de termites numériques, malheureusement sans le tuto youtube pour vermifuger sa baraque une fois qu’on les a laissées s’installer dans le buffet de tante Henriette parce qu’on les trouvait trop mignons.

https://projektrecords.bandcamp.com/album/biosonic

This Place To Be (2016, Timeroom Editions) * * * *

Après toutes ces bamboches & javas biosoniques riches en émotions fortes et ces tours d’auto-tamponneuses à la Foire du Trône des Vortex, c’est le retour à la maison, où après s’être confectionné un sandwich réparateur, Steve ressent le besoin de rejoindre la Paix Immersive Des Grands Fonds, là où il se sent chez lui, nulle part ailleurs qu’ici, et je vous souhaite vous aussi de trouver dans votre cœur ce lieu de sérénité où ressentir un sentiment d’apesanteur et de contentement parfaits. Et sans faire usage de Google Street View, sinon ça vaut pas.

Pour le seul membre d’équipage du sous-marin de poche Le Vigilant, un long huis clos commence. D’ultimes tests en surface, puis claque l’affirmation : « Bâtiment paré à plonger ! » La concentration est maximale. Le barreur appuie sur son manche, l’écume de la mer s’épuise en ultimes clapotis sur la coque. Le submersible s’enfonce dans les profondeurs où le soleil n’est plus que l’ancien dieu d’une religion agonisante.

Pourquoi cette appétence pour les insondables fosses sous-marines ? Il est vrai qu’on y croise sans doute moins de cons qu’ailleurs, hormis les équipages malchanceux car engloutis des sous-marins indonésiens, russes, français, chinois qui en jonchent le fond.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27accidents_impliquant_des_sous-marins_depuis_2000 et dont le compostage prend de très nombreuses années du fait qu’il se déroule dans un milieu anaérobie.

La pochette du disque induit l’idée du Grand Bleu, ce paysage sonore est plus hospitalier (dans tous les sens du terme) que beaucoup d’autres propositions d’immersions générées par Steve.

https://steveroach.bandcamp.com/album/this-place-to-be

Shadow of Time (2016, Projekt) *

Encore une de ces immenses pièces atonales entièrement vidées de leurs meubles et emplies de suites d’accords pianotés se succédant au ralenti avec beaucoup de résonances réverbérées, suggérant un recueillement compassé, en essayant de faire croire que le silence entre les notes est aussi de Steve ROACH. Soit vous êtes friand de ces albums de guérison texturale qui sont pour vous autant de sanctuaires introspectifs, soit vous trouvez ça pompier, répétitif et un peu barbant. Quitte à penser que vous feriez à peu près pareil, voire carrément moins pire, en empruntant l’orgue Bontempi de votre petit-neveu hyperactif. Erreur à ne pas commettre : vous mettriez alors le doigt dans un engrenage fatal, qui vous mènerait à produire votre propre médecine sonore. Et vous cesseriez d’écouter Steve, pour vous écouter vous. Le risque étant de sombrer dans ce que CASTANEDA appelle l’auto-contemplation : « On est vide, et on ne peut pas se remplir avec de l’auto-satisfaction. Surtout pas, en fait. Car l’auto-contemplation est précisément ce qui empêche Dieu (l’état naturel) d’être présent. On essaie de se remplir de la pensée de soi, ce qui est impossible puisque la pensée est vide, comme le soi, mais le problème c’est qu’en attendant la place est prise, même si c’est par un fantôme. » (Flopinette de la Croisette, in « L’espoir n’est pas un steak » circa 2006)

On a largement le temps d’épuiser ces concepts pendant l’exécution, capitale, de Night Ascends, la seconde pièce du disque, qui fait 01:18:25 à elle toute seule, et qui ressemble bigrement à d’autres pièces profondément neurasthéniques de Steve comme A Deeper Silence, ou Darkest Before Dawn, ou encore « Throw this dark ambient CD away or my mother will shoot » mais je ne les connais pas tous par cœur, les ayant enclos dans un petit cabinet dont j’ai jeté la clé.

https://steveroach.bandcamp.com/album/shadow-of-time

Painting in the Dark (2016, Timeroom Editions) * * ½

Longue pièce atmosphérique aux horizons infinis comme on en a déjà beaucoup entendu chez Steve, période Landmass, Dynamic Stillness, la série des Immersions, Etheric Imprints, Soul Tones, The Hermetic Submarine Garage of Jerry Cornelius, n’en jetez plus, c’est pas avec mon écope que je vais vider son océan.

Ni pire ni meilleur qu’un autre, parmi les (d)éthérés immersifs.

https://steveroach.bandcamp.com/album/painting-in-the-dark

Fade to Gray (2016, Timeroom Editions) * *

Cette année 2016 s’avère abondante en flux de magma ambiants sombres d’immersion harmonique ultra profonde. C’est ce que disent les gars du marketing, et ils n’ont pas tort, tant mieux, parce que moi, à partir d’ici, les mots me manquent, et les bras m’en tombent. Le « Cinquante nuances de Gris » de Steve. Sans présumer de l’impact du boniment des télévendeurs, je ne pense pas qu’il en vende autant que l’autre, le roman cochon proute-proute. Bien sûr, je pourrais faire des blagues, pour meubler, le temps que le disque finisse de s’écouler / s’évanouir, mi-liquide, mi-gazeux mais 100 % plombant. 

« À faible volume et en lecture infinie, Fade To Gray est très efficace pour les voyages et le sommeil hypnogiques. » J’ai hâte de rêver que je pilote un drone dans un parking souterrain. « À un volume plus élevé, sur un système sonore qui prenne en charge l’impact émotionnel de la lecture en pleine résolution, la sensation d’un mouvement symphonique surréaliste amplifie et exprime la texture, l’humeur et l’émotion au niveau cellulaire. » Je ressens bien quelque chose de l’ordre du voyage intérieur dans un micro-ondes en mode décongélation, c’est certain. Mais est-ce bon pour ma santé ?

https://steveroach.bandcamp.com/album/fade-to-gray

Spiral Revelation (2017, Projekt) *

Essai de cohabitation entre des séquences arpégées au séquenceur et des nappes ambientes. Ca ne m’a pas transporté très loin. J’ai trouvé ça ramollo et répétitif. Et sans doute vite fait sur le gaz. Si j’étais jeune, je fumerais un gros jarpouette dessus, et me forcerais à trouver ça génial ; j’arrive trop tard. Ou alors, c’est le disque.

https://steveroach.bandcamp.com/album/spiral-revelation

The Passing (2017, Timeroom Editions) * * *

Hanté par le souvenir d’une courte pièce consacrée au cycle d’accords harmoniques majeurs jadis créée pour une compilation hyper-secrète dont il ignore l’emplacement exact au sein de son empire de bunkers de bandes magnétiques démonétisées, Steve s’enferme pendant cinq jours dans la Timeroom, négligeant le boire et le manger pour réaliser une longue pièce atmosphérique, tandis qu’à l’extérieur la vie continue d’être pleinement vécue, paradoxalement rehaussée par une série de décès dans la famille, parmi les amis et les compagnons animaux, toutes ces émotions confluant vers ce « Passage » qui peut prendre bien des sens pourvu qu’il ne soit pas unique, ni interdit, empreint de gravité, mais aussi de sérénité. Écoute agréable. En plus, la pochette ressemble à une de ces marines à l’huile que peignait au couteau mon oncle Marcel LE TOISER dans son atelier de Perros-Guirec.

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-passing

Traveler (2017, Timeroom Digital)

Réédition de l’album de 1983 chroniqué par notre glorieux ancêtre Héry, et Dieu sait ce que les Héry sont. (Voir l’article)

Si vous n’avez pas le temps d’aller voir, il dit que ce n’est pas brillant, et qu’il ne faut surtout pas l’acheter. Si vous n’avez pas l’argent, on vous remontre la pochette, tellement elle est datée.

https://steveroach.bandcamp.com/album/traveler

Nostalgia for the Future (2017, Timeroom Editions) * * *

Bulletin de la météo marine : situation générale et évolution : pas de coup de tabac en cours ni à venir sur la zone « roacheuse ». Longues plages enveloppantes en harmonies majeures, frangées d’océan azuréen et bienveillant. Mer : peu agitée, localement immobile. Consulter l’horaire des marées à Perros-Guirec pour plus de détails côtiers. Risques de somnolence accrus en cas d’écoute en boucle, et/ou en alternance avec son frère de lait Dynamic Stillness (2009). Pour l’accession aux Royaumes du rêve lucide, l’utilisation d’une lampe hypnagogique est un plus.

https://usbeketrica.com/fr/article/j-ai-teste-la-lampe-psychedelique-qui-fait-rever-eveille

https://steveroach.bandcamp.com/album/nostalgia-for-the-future

Long Thoughts (2017, Projekt) * * *

Bienvenue à la nouvelle attraction de notre foire immersive. Cette Fontaine de Jouvence renouvellera votre âme tout au fond de la piscine d’auto-réflexion en 73 minutes chrono. The Dream Circle, Slow Heat, Bloodmoon Rising et les six heures de la série Immersion font tous partie de l’ADN sonore de ce Pensées Longues. Plusieurs utilisations peuvent être expérimentées, permettant à l’auditeur de découvrir de nombreuses façons de créer sa propre zone de longue pensées : regarder dans le ciel nocturne d’été, mode boucle sans fin dans la maison à faible volume, engagement direct à un volume plus fort, utilisé comme environnement de sommeil, ou pour « tenue de l’espace » comme une sorte d’encens auditif brûlant doucement de jour comme de nuit. Ne convient pas aux enfants de moins de 15 ans, de petites pièces pouvant être inhalées (le boitier du CD, le livret contenant la garantie décennale).

https://steveroach.bandcamp.com/album/long-thoughts

Molecules of Motion (2018, Projekt) *

Après Spiral Revelation, Molecules of Motion est le second album de Steve nominé aux Grammy Awards dans la catégorie « Best New Age Album » ! Vu les nombreux handicaps que cumule le bébé à la naissance – arpèges majeurs et mineurs annonés aux séquenceurs mille fois rebattus comme si c’était sa première maquette sur un home studio 4 pistes circa 1983, indigence mélodique qui confine à l’art naïf sauf qu’on peut suspecter Steve d’être tout sauf naïf après 40 ans passés à sculpter des mondes sonores, à moins qu’il soit, tout comme moi, le pilote autiste dans son astronef intersidéral désert, on peut légitimement se demander ce que les membres du jury ont dans les oreilles pour sélectionner cet album. Pour certains c’est peut-être un émouvant retour aux sources de son art, avec une frugalité de moyens qui confine à la précarité, pour moi c’est juste le degré zéro de la préhistoire du transport aérien.

https://steveroach.bandcamp.com/album/molecules-of-motion

Return to the Dreamtime (2018, Timeroom Editions) * *

Il ne s’agirait pas de confondre Return to the Dreamtime avec son ancêtre Dreamtime Return. Nous sommes ici en présence de morceaux homonymes de l’album de 1998 mais retravaillés en février 2018 au Galactic Center de Tucson, diffusés en direct sur SomaFM, la radio à ne pas écouter en voiture, car la musique ambient n’est pas le mercurochrome de l’âme.

Concernant ce live normalement extra puisqu’enregistré au Galactic Center, lieu sanctifié de tant de succès passés, Steve précise qu’il a excavé les échantillons sonores et les enregistrements créés pour ce projet en 1987 et en 1988. Les sources étaient toujours cataloguées et stockées dans mon studio, ayant voyagé avec moi à travers de nombreux mouvements et différents emplacements de la Timeroom au fil des ans. Tous les sons et échantillons essentiels étaient toujours en état de fonctionnement sur des disquettes de 512 Ko et des disques durs des années 1980 pour les échantillonneurs Emu.

C’est ainsi que Towards The Dream (2018) qui ouvre le premier CD, fait surtout entendre sa dette envers Klaus SCHULZE, qui fut une influence majeure du chamane de Tucson. Enfin, chamane, mais aussi médecin, garagiste et épicier, car il n’y a pas grand-monde, à Tucson. Le reste de la performance va vers du moins daté, sans séquenceurs, avec des grosses percus, des nappes, de la réverb, du didgeridoo. Mais il accuse l’âge de ses artères, et sent le « new age old school », échantillonné sur des disquettes de 512 Ko à Villeneuve-la-Vieille.

https://steveroach.bandcamp.com/album/return-to-the-dreamtime

Electron Birth (2018, Timeroom Editions) *

Une nouvelle chevauchée des Walkyries à 160 la noire, des séquences pentatoniques stakhanovistes s’entrechoquant et tentant de se dépasser dans un couloir trop étroit pour que ça ne courre pas à la catastrophe humanitaire. Irrespirable et sans grand intérêt.

Le second CD de l’album est plus introspectif, mais le mal est fait, et c’est pas après que la poule a pondu qu’elle doit serrer les fesses, comme on dit dans le Berry.

https://steveroach.bandcamp.com/album/electron-birth

Mercurius (2018, Projekt) * *

Des nappes. Propres. Sèches. Repassées. Empilées jusqu’à l’infini, dans des armoires à linge de la taille d’un bras de la galaxie, comme si tous les restaurants devaient rouvrir demain, en faisant fi des jauges, en accueillant trois services par repas, et qu’une fois les terrasses bourrées on rouvre les salles, les arrière-salles, et qu’on serve copieusement à grandes louchées dégoulinantes jusqu’aux derniers clients arrivés et casés sur des tabourets dans les cuisines. Des nappes, vaguement célestes, méditantes, nommées Immanent, ou Aeon. Inutile de nous leurrer avec des fariboles : il fait un froid de gueux, dans ce disque. Les soleils sont trop distants, et leur lumière ne dépasse pas quelques lumens. À part un final un peu mieux pourvu en watts, Mercurius qui joue d’une alternance majeure/mineure du même accord et qui aurait fait un bon point de départ, alors qu’il est déjà l’heure de nous quitter.

https://steveroach.bandcamp.com/album/mercurius

Atmosphere For Dreaming (2018, Timeroom Editions) * *

L’album reprend le titre d’un morceau présent sur Australia – Sound Of The Earth (1990), mais on ne me la fait pas, à moi : nous voici emportés dans un flux atmosphérique empreint de sérénité et de pépiements d’oiseaux, un peu la bande-son idéale de votre anesthésie loco-régionale lors de l’extraction d’une dent de sagesse sous neuroleptiques, sauf que ni l’endormissement, ni le chirurgien et sa paire de tenailles ne surviennent jamais tout au long des 73’ de quiétude bienheureuse loin des vallées dérangeantes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vall%C3%A9e_de_l%27%C3%A9trange

Même si à la longue on peut se demander si ce n’est pas un disque réalisé par un clone de Steve pendant que l’original dormait.

https://steveroach.bandcamp.com/album/atmosphere-for-dreaming

Trance Archeology (2019, Projekt) * * * ½

Ça part un peu dans tous les sens, car il se livre ici un combat souterrain entre plusieurs factions de la musique qui rend nigaud. « Je suis continuellement fasciné, révèle Steve dans « Jours de Trance », par la juxtaposition du rythme et de l’atmosphère, de l’espace et du lieu. C’est le contrepoint entre les métagrooves psychoactives et la nourriture diaphane et immersive des zones texturales. »

La nourriture diaphane et immersive des zones texturales, je sais pas trop, mais les métagrooves psychoactives où je suis bringuebalé dans une rame de métro délabrée qui parcourt le gros intestin du Grand Cthulhu en me secouant à mort tandis que je tente de relire les Invisibles de Grant MORRISON en V.O. assis sur un strapontin cassé, en ayant hâte d’être sorti du boyau puant et en regrettant amèrement l’achat de ma carte orange trois zones… oui, ça j’ai bien capté. Ça me parle.

Sans doute que tout cela fusionne, s’emboite et s’auto-engendre chaotiquement dans la plus grande harmonie cosmique et le respect des Anciens, Grands et Petits, les éléments se combinant sans que j’aie à m’en soucier pour ouvrir un sens hyperréel du moment. Concernant les boyaux de Cthulhu parcourus à bord de ma carte orange trois zones, y’a des moments un peu pénibles, et d’autres plus plaisants. C’est toujours la même rengaine, on aimerait prolonger les seconds et voir disparaître les premiers, mais les lois de la thermodynamique et de l’impermanence ne sauraient le permettre.

https://steveroach.bandcamp.com/album/trance-archeology

HelioSphere (2019, steveroach.com) avec RADIANT MIND * * *

C’est pas mal, dans le genre nappes enveloppantes. L’invité RADIANT MIND se retranche derrière son anonymat pour co-signer cet agrégat flaqueux lénifiant. Mais quelle nécessité intime a pu les pousser à produire un énième nappage languide et somnifère, quand tant d’autres sont déjà sortis du four, alors que d’autres artistes s’immiscent sur le créneau en y introduisant des options narratives un peu plus intrigantes ?

https://steveroach.bandcamp.com/album/heliosphere

Bloom Ascension (2019, Projekt) * *

Kaléidoscopique, spiralé, frétillant dans l’onde pure et glacée, planant et lourdingue à la fois, le principal avantage de cet album est sa courte durée (41 minutes). Pour dire ce qu’il a à dire, c’est bien assez.

https://steveroach.bandcamp.com/album/bloom-ascension

Stillpoint (2020, Timeroom Editions) * * *

Overdose de vagues de sérénité en suspension pour $12.99, frais de port en sus. Tout cela est bien monotone, et finit par se révéler anxiogène face aux vagues successives de Covid_19, tout aussi insistantes à nous léchouiller les arpions quand les variants se grimpent dessus, se tirent à la courte paille et se font la courte échelle pour bouter l’Humain hors de la surface de la Terre, puisqu’aucun arrangement n’a pu être trouvé entre Gaïa et ses amants désunis. Le second cédé est plus intéressant en termes d’harmoniques et d’intensité, même si y’a pas d’quoi, en signe de joie, se passer les paupières à la crème de chester avec une tringle à rideau de fer. (Pierre DAC)

https://steveroach.bandcamp.com/album/stillpoint

The Sky Opens (2020, Projekt) * *

Les grands succès du Maître revisités en concert dans une église méthodiste de Pasadena. Les églises ont toujours réussi à Steve ROACH. Le premier cédé se caractérise par des pièces amples, placides comme un lac de montagne, comme ce Structures From Silence beaucoup entendu à travers ses incarnations successives ces dernières années, mais franchement, on ne s’en lasse pas. Qui se lasserait d’un lac de montagne, même si ses fenêtres donnaient sur icelui ?

Second Cédé : largement en dessous de tout ce que j’ai pu entendre dans le même genre (les live de 2011 à 2013), pour moi c’est l’album public à l’église du canyon du coin de trop, celui du moins-disant culturel. En tout cas, je suis loin d’être transporté. Alors soit il cesse de produire des disques, soit je cesse de les écouter, mais il faut en finir.

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-sky-opens

Nectar Meditation (2020, Timeroom Editions) avec Serena GABRIEL * *

Une collaboration avec une femme. Serena GABRIEL (harmonium, voix, clochettes tibétaines et balayage du temple quand tout le monde est parti). C’est si rare qu’on se dit qu’il va y avoir du sang neuf dans l’astronef. Hélas, pendant 74 minutes, des masses nuageuses générées par l’harmonioume s’accumulent mais surtout se répètent dans le coin supérieur gauche de l’écran, vaguement épaulées par une pulsation tribale distante, mais qui reste incertaine. Même la veillée funéraire de Nusrat Fateh ALI KHAN a dû être un peu plus enjouée que ça. La situation climatique n’évolue guère au fil du temps. C’est peut-être un disque à passer à bas volume en surveillant son curry de poulet vegan en train de bouillonner dans le caquelon de la tante Meera. Quand on pique du nez, bien avant la fin du disque, tante Meera nous envoie un petit coup de clochettes tibétaines, nous invitant à quitter notre transe, ou à y entrer, mais ça reste un effet d’annonce. Dommage.

https://steveroach.bandcamp.com/album/nectar-meditation

POV2 : The Case For Square Waves While Searching For Happy Accidents (2020, épuisé) avec Peter GRENADER et Miles RICHMOND * *

Inattendue, une triangulaire, avec de vrais instruments. On reconnait des guitares, et plein de sons qu’on ne reconnait pas.

On est ici dans le registre d’une certaine placidité, ouatée et bienveillante. Southwestern Businessmans’s Association réinvente presque les Frippertronics. Hattusha encore plus. On est dans l’expérientiel, entre potes, comme l’indique le titre de l’œuvre : « Le Cas des vagues carrées lors de la recherche d’accidents heureux ».

« L’idée maîtresse de POV était de sculpter un paysage sonore multitimbral forgé à partir d’une confluence de sources sonores(..) Ultimement, c’est à propos de la musique elle-même. Le point de vue fourni ici est le vôtre, ouvert à une myriade d’interprétations. »

Avec ça, si la mutuelle ne nous rembourse pas, c’est à désespérer.

https://steveroach.bandcamp.com/album/pov2-the-case-for-square-waves-while-searching-for-happy-accidents

A Soul Ascends (2020, Projekt) *

Très contemplatif. Ca c’est sûr, madame Chaussure. Mais j’ai dépassé depuis longtemps la dose de trop. Je deviens allergique à ce minimalisme, que je trouve à présent d’un mortel ennui. Je suis désormais perdu pour la cause.

https://steveroach.bandcamp.com/album/a-soul-ascends

Timeroom Livestream 8 – 22 – 2020 (2020, Timeroom Digital) * * *

Sortie directe de la table de mixage du premier concert depuis la Timeroom (le home-studio de Steve chez lui). Une demi-heure assez placide, jumelée avec une vidéo qui dévoile le faisage de la création : un gros plan des vieilles mains toutes burinées de Steve, pleines de ses doigts calleux, à force d’avoir sculpté tant de dièzes et tordu de bémols, ses grosses mains qui pèsent le poids discographique d’une bonne moitié de l’histoire de l’ambient music, que la caméra suit amoureusement en train d’effleurer les batteries de clavier disposées dans la Timeroom pour en extraire le suc de l’ambient-qui-flotte, tout calme et tintinnabulant ; ça commence à 4:35 sur la vidéo.

https://steveroach.bandcamp.com/album/timeroom-livestream-8-22-2020

Tomorrow (2020, Projekt) * * * *

Des séquenceurs chromés et rutilants, avides d’aspirer tout l’espace sonore, déroulent leurs volutes harmoniques, tantôt cristallins, tantôt suffocants, engendrant la sensation acoustique du déjà vu, trop entendu. Je crois que je suis devenu allergique à Steve. Mais au moment où je m’apprête à fondre en larmes sur ma médiocrité d’écoutant blasé si chèrement acquise, l’océan des arpèges retire ses vagues et révèle la plage miroitante de HeartBreath à marée basse, suffocante de sérendipité, cristalline et ruisselante comme si Chloé et Hiromi venaient de faire pipi dessus, et alors là c’est tout de suite plaisant, serein, et carrément magique, comme une crème de jour passée à la tombée de la nuit. Où se cachait le magicien qui se révèle soudain ici ? La piste rachète le disque, et moi aussi.

https://steveroach.bandcamp.com/album/tomorrow

LiveStream 09 26 2020 The Desert Eternal (2020, Timeroom Digital) * * * 

Les plus grands succès du cowboy solitaire de l’ambient atmosphérique exécutés « live » depuis son studio de l’Arizona. Au début, les pièces (extraites de Structures From Silence et de Dreamtime Return) sont chiches en oxygène et en cliffhangers : on est dans la nappe synthétique anaérobie méditative anxiogène de base.

À partir de Prometheus Rising, une section rythmique vient raffermir notre attention défaillante, toute en vrombissements, stridulations et craquètements. Des entités caverneuses affligées de gros problèmes respiratoires font de fugaces apparitions. Et là, l’univers bascule : soudain, l’irruption de la vie dans la morne plaine pulvérulente. Bien sûr, ces séquences insectoïdes en évoquent très fortement d’autres, dont elles sont issues et dont on peine à retrouver le nom et la source, tant la discographie est labyrinthique et protéiforme, mais qu’importe.

On baigne dans une inquiétante étrangeté, et c’était le but. La section rythmique ectoplasmique nous escorte pendant le reste de la performance, plutôt variée, explorant les versants amont et aval du tourisme chamanique, avec didgeridoo et tout le tremblement (qu’on appelle « vibrations telluriques » dans le jargon new age), on peut parler de « rétrospective » à prix malin. Rien qu’on n’ait déjà entendu sous une forme ou une autre, mais rien d’inaudible non plus.

https://steveroach.bandcamp.com/album/livestream-09-26-2020-the-desert-eternal

Remembrance in Waves (2020, épuisé) avec Serena GABRIEL * * * ½

Nouvelle collaboration avec Serena GABRIEL. Au début on entend sa jolie voix spatiale s’étirant dans l’éther. L’aspect solennel de la pièce, de la part d’un duo peu porté sur la gaudriole, provient de son inspiration :

« Cette pièce a été créée à la mémoire de tous ceux qui ont honoré nos vies, sont passés de l’autre côté et dont la présence reste si profondément ancrée en nous. » 

Vu de ma fenêtre, c’est une performance live à la gloire des morts, c’est pas mal pour clouter ce mémorial.

La vidéo est visible sur la chaine youtube de Steve.

durée totale : 14:58. 

C’est pas mal, mais c’est un peu court, du coup.

https://steveroach.bandcamp.com/album/remembrance-in-waves

Article réalisé par John Warsen

 

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