TRIO EDF : Entretien 2011

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TRIO EDF

Entretien

Le Trio EWEN-DELAHAYE-FAVENNEC nous revient avec un troisième album superbe qui puise son inspiration musicale en partie dans la tradition bretonne. Dans la lignée des grands folk singers, les propos posent un regard lucide sur le monde d’aujourd’hui sans pour autant prétendre donner des leçons.

Nous avions pris rendez-vous avec les trois complices au printemps dernier, peu de temps avant la réalisation de ce dernier opus.

Comment vous êtes vous rencontrés tous les trois ?

Patrick EWEN : En décembre 1968, je fréquentais le Folk Club du Patronage Laïque Guérin, à Brest. Gérard en était le président et animateur. Nous sommes rapidement devenus amis, et à partir de 1971 nous avons chanté ensemble régulièrement.

Gérard DELAHAYE : En 1973, suite au refus de KELENN de nous signer, nous avons fondé la coopérative Névénoé afin de produire nous mêmes nos albums. Melaine nous a rejoint un an plus tard. Kristen NOGUES, ANNKRIST, le poète Yvon LE MEN puis le groupe rock STORLOK ont fait aussi partie de l’aventure qui a duré jusqu’en 1979.

(NDLR : KELENN est la Maison d’édition littéraire et musicale fondée par l’écrivain Alain GUEL, GLENMOR et Xavier GRALL qui a produit notamment certains disques de Gilles SERVAT et du groupe TRI YANN.)

Melaine FAVENNEC : J’avais entendu les disques de Gérard (La Faridondaine, premier album Névénoé) et de Patrick (Beggin’ I will go). J’ai eu simplement envie de les rencontrer. Nous avons réalisé ensemble de nombreux vinyles toujours dans le cadre de la coopérative. Puis chacun a mené une carrière solo sans pour autant se perdre de vue.

Parlez-nous de Névénoé ?

MF : On ne peut pas bien comprendre le choix des textes ou le son des albums de cette association si on ne se remet pas dans le contexte de l’époque. « Le rêve était possible » et ce n’était pas incompatible avec un certain sens de l’entreprise.

J’ajoute que nous étions déjà très ouverts sur différentes formes musicales et artistiques : il y avait de la chanson bien sûr mais aussi du jazz, du rock, de la poésie et de la chanson pour enfants.

GD : Nous n’étions pas dans la démarche d’une identité bretonne, mais dans la recherche d’une position artistique en Bretagne. Ce qui n’était pas forcément bien vu dans les années 1970… Maintenant tout cela s’est apaisé et chacun peut faire ce qu’il veut (rires) !

Comment s’est réalisé le Trio EDF ?

GD : On en parlait depuis plusieurs années. En 1999, Patrick a eu l’occasion de nous réunir lors d’un festival à Pont Croix. On a décidé de continuer et le premier disque est venu assez naturellement au bout de 4 ans. Cela a poussé lentement et ça continue de la même façon…

MF : C’est vraiment le public qui nous a incité à poursuivre. J’ai envie de dire qu’il nous a « élus » et nous essayons à chaque fois de le surprendre et de ne pas le décevoir.

Comment composez-vous et écrivez-vous vos chansons ?

MF : On a tous les trois les mêmes bagages mais dans des proportions différentes pour chacun : Gérard apporte beaucoup d’idées musicales et des paroles. Patrick est passionné par le récit et emmène avec lui son côté comédien. En ce qui me concerne, ce serait plus la danse, la poésie, la matière sonore et le rythme des mots. Pour moi, une chanson c’est une poésie qui est faite pour être partagée dans l’instant par le plus grand nombre.

L’ensemble de tout cela est la somme de ce qui nous rassemble, mais aussi nous différencie.

GD : La musique porte autant que le texte. L’essentiel est qu’il existe une harmonie la plus parfaite entre les paroles et la musique.

Nous nous connaissons très bien et depuis longtemps. Un de nous trois va amener une idée de base et on va « tourner autour » jusqu’à ce qu’elle prenne forme et nous appartenir… comme si on créait un être nouveau !

Chacun de nous a son angle de vision sur l’objet. C’est pour cela que nous sommes complémentaires ! Au fil des années, nous avons appris à proposer ou accepter des modifications. L’esprit du disque, la mise en forme finale des chansons et des arrangements doit nous satisfaire de la même manière.

MF : Imaginer, composer et écrire à trois est très difficile. C’est un travail qui permet à chacun d’apporter ses condiments sans que cela ne détruise le plat !

Quels regards portez-vous maintenant sur vos deux premiers albums ?

PE : Le premier disque (Kan Tri) a été réalisé dans l’ensemble sur des éléments préexistants, des compositions de chacun d’entre nous, mais arrangées et chantées à trois voix.

C’est réellement à partir de la seconde galette (Tri Men) que nous avons commencé à écrire des chansons spécifiques pour le trio.

Dans quel état d’esprit avez-vous réalisé Kan Tri Men (Octobre 2011) ?

GD : Il était important, peut-être encore plus dans cet album que dans les précédents, de donner aux arrangements une couleur qui nous soit propre.

MF : Il ne s’agit pas de simples suites d’accords mais d’éléments cohérents avec l’esthétique de notre culture « celtique ».

PE : En ce qui me concerne, j’étais assis dans mon fauteuil à écouter et plutôt d’accord avec ce qui se faisait (rires) !

GD : Nous nous sommes rendus compte au fil des années que le public était particulièrement touché par nos trois voix ensemble. On a donc essayé d’être attentifs à la qualité du chant, aux harmonies, aux polyphonies… Ce qui ne veut pas dire qu’on a négligé le reste! (rires).

MF : L’époque est plus sombre qu’avant… C’est un disque grave, mais pas triste.

PE : C’est un album fait pour tous ceux qui regardent autour d’eux les yeux bien ouverts.

Et la Bretagne dans tout ça ?

MF : Elle est moins présente dans les textes mais plus dans la musique et la danse… encore que !

Comment voyez-vous le passage du disque à la scène ?

GD : On essaye à chaque fois de faire en sorte que les chansons tiennent la route sans avoir à rajouter d’éléments extérieurs.

PE : Pendant le spectacle, c’est moi qui suis le plus bavard ! Cet équilibre est un peu « la marque de fabrique » d’EDF !

Une conclusion ?

MF : Nous ne sommes pas un groupe, mais des compagnons de voyage. Le trio permet de faire des allers-retours avec nos carrières solos.

PE : Se retrouver tous les trois est un peu comme une récréation. On a chaque fois beaucoup de plaisir.

GD : Il y a une dimension humaine derrière cette histoire. On est de vrais amis et depuis longtemps.

MF : On partage les événements de la vie dans un terrain vaste qui s’appelle la Bretagne.

GD : Chacun de nous a un passé et une histoire personnelle. C’est finalement ce qui ressort dans nos spectacles et dans nos chansons.

MF : Quand le public nous dit : « Vous nous avez fait du bien ! », c’est le plus important…Notre rôle est de transmettre ce qu’il y a l’intérieur de chaque être et de toucher ceux qui nous écoutent.

Propos recueillis par Frantz-Minh Raimbourg (2011)

Site : http://gerarddelahaye.over-blog.com

Discographie : 

-2003 : Kan Tri (CD) Dylie Productions

-2007 : Tri Men (CD) Dylie Productions

-2011 : Kan Tri Men (CD) Dylie Productions

DVD

-2004 : Salut les vieux frères ! (DVD) Documentaire 52′ réalisé par Alain Gallet (Aligal Productions) + concert enregistré à Bleu Pluriel, Trégueux.

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