UNIT WAIL – Beyond Space Edges

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UNIT WAIL – Beyond Space Edges
(Soleil Mutant)

UnitWail-BeyondSpaceEdgesEn dépit d’une actualité scénique scandaleusement inexistante ou tout comme, du fait du manque de motivation des programmateurs de salles, le groupe français d’avant-rock UNIT WAIL (fondé par le claviériste et compositeur Vincent SICOT-VANTALON et le guitariste Franck FROMY, échappé du mythique SHUB NIGGURATH) continue contre vents et marées à écrire son histoire discographique à un rythme somme toute plutôt soutenu pour un combo underground. En 2012, il sortait son premier opus, Pangea Proxima. L’année suivante a vu la sortie de Retort, et 2015 celle de Beyond Space Edges. Troisième maillon de la chaîne, ce dernier semble vouloir se distinguer (juste un peu, dites !) avec ses prédécesseurs, en se présentant avec une pochette bigrement bigarrée qui tranche avec le noir et blanc de celles de Pangea Proxima et de Retort, tout en faisant montre d’une semblable appétence pour l’aspect « cartoon » débraillé et anarchique qui fait écho à la musique, volontiers dense et chaotique.

Dans le livret, chaque page comporte une illustration se rapportant à chacune des compositions du disque. Réalisées, comme la pochette, par Martin PERONARD, elles prennent l’allure de planches de bandes dessinées montrant des créatures aliens dans des lieux antiques et futuristes sur une planète en proie à une effervescence fatale. Il est clair que Beyond Space Edges nous raconte une histoire, et les onze morceaux de l’album sont comme des chapitres d’un roman de science-fiction inspiré par le réalisme fantastique, et dont le scénario est assez foutraque. Les titres des compositions illustrent également cette tendance, présentant des personnages comme Ziggurat on the Moon et Polymorphus the Wise, décrivant un Teralithic Spaceship ou une Psycho-Active Atmosphere ou évoquant des scènes telles que Through the Wormhole, Deep inside Megalopolis, Crash on Planet X, Engage Mutation, et culminant dans l’occultisme scientifique avec (respirez !) Deoxyribose Nucleic Acid Asychronous Transfer Mode ! Ou D.N.A.A.T.M. pour les intimes (ou les plus pressés). Pour un peu, on se croirait chez ACID MOTHER GONG !

La pièce d’introduction, Imminent Take-Off, fait du reste illusion, et donne l’impression de se balader dans la face obscure de la célèbre planète verte. Elle permet surtout au dernier arrivé dans le groupe, Emmanuel POTHIER (synthétiseurs), de faire sa présentation en bonne et due forme. Très vite, on retrouve la marque rock-zeuhl d’UNIT WAIL, avec ce son dense et saturé, propulsé par la basse aigre et véloce du tueur cosmique Adrian LUNA, et le jeu de batterie sec et foisonnant de Philippe HAXAIRE. Le son de guitare de Franck FROMY, à mi-parcours entre un Robert FRIPP irrité et un Roger TRIGAUX (PRÉSENT) exacerbé, et les sons d’orgues et de mellotron déployés par Vincent SICOT-VANTALON dépeignent des atmosphères oppressantes, glauques et acrimonieuses qui font écho au Üdü Wüdü de MAGMA, au Red de KING CRIMSON et au Triskaidekaphobie de PRÉSENT, générant une mixture avant-prog-zeuhl à haute tension, mais sans jamais sonner heavy métal conventionnel.

C’est quelque chose de beaucoup plus nucléaire et anxiogène qui se joue ici, avec une touche cinématographique connoté sci-fi fumeuse et horrifique. Imaginez le vaisseau Entreprise de Star Trek entre les mains d’une bande de psychopathes évadés d’un asile et atterrissant sur une planète occupée par des zombies, ou encore ce qui se passerait si le John Difool de JODOROWSKI et MOEBIUS, sous l’emprise d’une trop forte dose de cocaïne, se servait des pouvoirs alchimiques de l’Incal dans un « space café » croulant au fond d’une galaxie, et vous aurez une idée du genre de péripétie musicale à laquelle vous convie UNIT WAIL. Les deux précédents disques nous avaient déjà préparés à cet acid-trip aux résonances cauchemardesques, Beyond Space Edges enfonce le clou tout en peaufinant ça et là (sans la dégrossir) la palette sonore avec, outre les synthétiseurs déjà mentionnés d’Emmanuel POTHIER, la présence bienvenue du violoncelle d’Ana Carla MAZA (I See Earth…) et la voix de vieillard à moitié embaumé de Sam BENZO sur Polymorphus the Wise.

Avec toujours plus de maîtrise (tant dans le discours musical que dans la production) et au moins autant d’inspiration que ses prédécesseurs, Beyond Space Edges raconte une aventure profuse en rebondissements psychédéliques, en décors gothiques et en climats cosmico-infernaux qui contentera sans problème tout amateur d’avant-garde progressive au caractère bien trempé et aux grooves infectieux.

Page : https://www.facebook.com/unit.wail/

Label : www.soleilzeuhl.com

Stéphane Fougère

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