VIOLONS BARBARES : Band of (Curious) Gypsies

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VIOLONS BARBARES

Band of (Curious) Gypsies

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Depuis près de deux ans, ils rôdent dans les territoires les plus sauvages de la world music de France et d’Allemagne. Et partout où les VIOLONS BARBARES jouent, les mauvaises herbes ne repoussent pas et les mauvaises langues n’osent pas l’ouvrir.

Car leur musique déjoue les attentes : on pense « groupe de violonistes », et on se retrouve avec un trio qui intègre aussi le chant ainsi que des percussions, au demeurant pas toujours très orthodoxes. Les violons, quant à eux, ont beau provenir de Bulgarie (la gadulka) et de Mongolie (le morin-khuur), le répertoire concocté par nos BARBARES pioche aussi dans d’autres contrées traversées par la Route de la soie. Et pour ne rien arranger aux affaires des puristes, les VIOLONS BARBARES se réapproprient même Jimi HENDRIX, sans cesser d’être acoustiques !

Ainsi, les instruments traditionnels bénéficient d’un traitement inédit qui leur donne une couleur rock et les fait jouer aussi bien la carte de l’énergie trépidante que celle de la suspension contemplative. On ne s’étonnera pas de trouver aux commandes de cet OVNI un musicien mongol rompu à la tradition comme à la fusion (Dandarvaanchig ENKHJARGAL) et deux saboteurs de frontières stylistiques (le Bulgare Dimitar GOUGOV et le Français Fabien GUYOT) issus du collectif strasbourgeois l’Assoce Pikante (L’HIJAZ’CAR, BOYA, ELEKTRIK GEM, etc.).

RYTHMES CROISÉS a pu arrêter un instant la cavalcade effrénée des VIOLONS BARBARES pour en connaître davantage sur leurs us et coutumes.

Entretien avec Dimitar GOUGOV (VIOLONS BARBARES)

VIOLONS BARBARES… pourquoi « VIOLONS », alors qu’on pourrait tout aussi bien parler de vièles, et pourquoi « BARBARES » ?

Dimitar GOUGOV : Déjà, « VIOLONS », c’est parce que je considère que nos instruments sont plus des violons que des vièles. Dans ma langue, il n’y a pas de mot qui sépare les deux. Je n’arrive pas à me faire une traduction… Et « BARBARES », parce que les deux membres du groupe qui jouent du violon, Dandarvaanchig ENKHJARGAL et moi, proviennent respectivement de Mongolie et de Bulgarie. Les peuples de ces pays ont été anciennement considérés comme barbares. À part ça, je voulais aussi trouver un patronyme qui accroche auprès du public, qui interroge et qui soit aussi représentatif d’une musique énergique, brute et raffinée à la fois.

Les traditions bulgares et mongoles servent donc de base pour votre musique. Faut-il comprendre que l’une d’elle joue le rôle de la musique brute et l’autre celui de la musique raffinée, ou les deux aspects se retrouvent dans les deux musiques ?

DG : Il y a forcément les deux aspects dans les deux musiques. En plus, VIOLONS BARBARES n’est pas qu’un groupe bulgaro-mongol, il ne se résume pas à ça. Déjà, ce n’est pas un duo et il n’a pas été pensé comme cela. Le résultat est tout à fait autre. C’est en fait un trio, qui comprend le percussionniste Fabien GUYOT, avec son propre monde sonore. Il vient de France. On pourrait dire également que ce sont des musiques bulgares et mongoles, mais ce qui est très important est qu’elles ont été élaborées en France. Il y a donc un tout autre regard sur les arrangements et sur la direction artistique. Donc on ne se rapproche pas de la tradition ; au contraire on s’en éloigne pour aller ailleurs.

Le répertoire n’est donc constitué que de compositions originales, il n’y a pas de reprises de thèmes traditionnels ?

DG : Ah si ! il y a des morceaux traditionnels ! Mais c’est un point de départ, non un point d’arrivée. On commence avec une mélodie traditionnelle, soit une mélodie de chanson, soit une mélodie instrumentale, qui est ensuite enrichie, arrangée par nos violons respectifs plus les bruitages des percussions. Et la musique des percussions, parce que ces choses-là font aussi de la musique ! Et selon les envies que nous inspire chaque morceau, on prend une direction et on la suit. De morceau en morceau, on peut donc se trouver dans des mondes très, très différents.

Dans quels mondes, par exemple ?

DG : Ça peut être des mondes très sereins, d’autres plus perturbants et qui envoient un paquet de décibels (rires) ; il y a des morceaux chantés et lyriques et d’autres qui font vraiment beaucoup de bruit !

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Vous intégrez également l’élément voix, notamment le chant de gorge d’ENKHJARGAL je présume ?

DG : Oui voilà, ce n’est donc pas un groupe instrumental, même si le nom VIOLONS BARBARES fait penser qu’il s’agit de musique instrumentale de violons. Il y a de ça, mais aussi beaucoup de chant. Et bien sûr, il y a le chant diphonique mongol, les différentes techniques de chant traditionnel de Mongolie, notamment le chant chamanique, grave, le chant diphonique aigu, qui consiste à sortir deux notes de la même gorge simultanément. En plus, ENKHJARGAL est un chanteur exceptionnel ; il a une technique vocale très impressionnante. À part cela, les deux autres membres du groupe chantent aussi. Il y a des chants à trois voix.

Les percussions de Fabien GUYOT sont-elles traditionnelles ou inventées ?

DG : Il y a bien sûr des percussions traditionnelles : la derbouka qui provient d’entre les Balkans et le Maghreb ; le cajon, qui vient d’Amérique latine, du Pérou… Il y a de même des bongos, des vieux tambours reconditionnés qui ont échappé à la casse, des cymbales chinoises, des gongs, et même des saladiers, bref des objets susceptibles de faire du bruit et de sonner. Et ces instruments traditionnels et autres se retrouvent comme des composants d’une batterie.

En dehors des percussions, il y a donc deux violons, la gadulka et le morin-khuur. Qu’est-ce qui vous a poussé à confronter les sons de ces instruments ? Quelles sont leurs différences, leurs caractéristiques communes ?

DG : L’idée n’est pas forcément d’avoir les deux instruments ensemble, mais d’avoir aussi les musiciens qui jouent ces instruments, ça c’est primordial ! (rires) Sinon, le morin-khuur est un instrument qui sonne un peu comme un violoncelle, son diapason est celui d’un violoncelle, donc un peu grave. La gadulka est un instrument qui se rapproche des sonorités d’un violon, un peu plus mat qu’un violon quand même, plus aigu. On ne se marche donc pas sur les pieds, on n’est pas exactement sur les même notes, ce sont deux instruments qui se complètent.

C’est ce qui a favorisé la rencontre…

DG : Voilà, et ça permet de croiser les répertoires. Ce n’est pas uniquement « le musicien bulgare va jouer ses mélodies de Bulgarie et le musicien mongol ses thèmes de Mongolie », ce n’est pas ce qui nous intéresse ! Ce qu’on veut, c’est mélanger tout. Et quand on arrange un morceau, chacun se mêle des affaires de tout le monde. Autant le joueur de gadulka et le joueur de morin-khuur disent au percussionniste quelle frappe sur quel instrument ils aimeraient entendre, quelle rythmique jouer, autant à l’inverse le percussionniste est très souvent en train de chanter des parties pour qu’on les joue. Cela donne une complémentarité au processus de travail.

C’est donc une vraie musique de trio, où chacun contribue à la composition, met la main à la pâte… Je suppose que l’improvisation est de la partie ?

DG : Oui, oui. En dehors des morceaux traditionnels des Balkans et de Mongolie, il y a aussi des compositions. Il y a de même d’autres pays sur le passage entre les deux extrémités : on a du répertoire de Géorgie et d’Afghanistan… On ne s’est pas limités. On fait ce qu’on a envie et on prend plaisir à le faire.

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À titre plus personnel, la gadulka a-t-elle été le premier instrument que vous avez appris ?

DG : Oui, c’est un instrument que j’ai commencé à jouer à partir de dix ans, dans une école de musique de Bulgarie.

Je crois aussi que vous avez joué avec Atanas VULCHEV ?

DG : Jouer, c’est un grand mot ! C’était l’un de mes derniers professeurs de gadulka que j’ai eu la chance de connaître. Je l’ai connu durant mes années d’études, à Plovdiv. Il était présent dans le jury à un concours de gadulka. C’est là que je l’ai connu. Un peu plus tard, je suis allé le voir chez lui et on a eu beaucoup d’échanges. J’ai appris énormément de choses de lui.

C’est lui qui vous a fait découvrir le plus de répertoires traditionnels de Bulgarie ?

DG : Non, pas tellement le répertoire. J’avais déjà un bagage avant de le connaître. Je dirais qu’il a plutôt été la personne de perfectionnement pour différentes techniques qui sont très importantes. C’est quelqu’un qui a fait énormément évoluer la gadulka. C’est sur son initiative que l’instrument a changé d’accordage dans les années 1960, il est devenu un peu plus aigu. Il a milité pour avoir un instrument plus professionnel que ceux qui étaient répandus dans ces années-là. Chaque luthier fabriquait les instruments qui lui semblait être bien, avec des proportions et des sonorités différentes. VULCHEV a modifié tout ça. Il s’intéressait beaucoup au violon, par quel moyen tenir l’instrument, où poser ses mains sur l’archet et sur l’instrument pour gagner un maximum de confort… et faire le plus de choses possible.

D’autant que la gadulka n’était pas à l’origine un instrument de scène, mais il en est devenu un avec les années…

DG : Oui. En Bulgarie, la scène n’existe pas depuis très longtemps. La gadulka est un instrument de tradition des villages ; elle n’est pas de culture urbaine, mais de culture rustique. Finalement, cet instrument s’est retrouvé dans une position très différente de celle qu’il avait au départ. D’abord, on tenait cet instrument positionné sur le genou et on en jouait toujours assis. Ensuite, il s’est retrouvé plus près du corps, tenu entre les jambes ou posé pas très loin du nombril. Après plusieurs essais, il s’est retrouvé sur une ceinture et aujourd’hui on peut en jouer debout et se promener en jouant.

C’est la position « concert », ça ?

DG : Oui, c’est une position de concert, mais elle s’est aussi généralisée depuis une cinquantaine d’années.

L’idée, avec VIOLONS BARBARES, BOYA ou ELEKTRIK GEM, n’est-elle pas de faire de la gadulka un instrument plus urbain, ou en tout cas de lui faire jouer un répertoire urbain ?

DG : (rires) Je ne sais pas si le répertoire est urbain… C’est plutôt la manière de le jouer. Parce que le répertoire de ces groupes est quand même souvent rustique au départ. Mais on donne une nouvelle sonorité à ce répertoire. On cherche de nouvelles techniques et moyens d’expression. Il y a aussi une recherche sur les timbres, car à l’origine la gadulka est un instrument purement mélodique. Et ce que j’essaie de faire depuis un certain temps, c’est de l’enrichir pour pouvoir faire un peu d’accompagnement, de la rythmique et donc de la recherche dans les timbres. Parfois, on va jusqu’à des expressions qui se rapprochent de la musique rock : jouer fort, jouer des quartes parallèles…

Avez-vous en l’occasion de jouer en Bulgarie, voire en Mongolie ?

DG : Non, on n’est pas trop sortis de l’Europe. En fait on tourne essentiellement en France et en Allemagne. On a une personne qui s’occupe de la diffusion pour chaque pays. Maintenant que notre premier disque est sorti, on va essayer de faire connaître notre musique le plus loin possible !

Propos recueillis par Stéphane Fougère et Sylvie Hamon
lors du Festival Planètes Musiques 2010

CD : VIOLONS BARBARES (L’Assoce Pikante / L’Autre Distribution)

Site : https://violonsbarbares.com/

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