Yungchen LHAMO – Tibet, Tibet

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Yungchen LHAMO – Tibet, Tibet
(Real World)

Son nom, donné par un lama tibétain, a manifestement déterminé le karma de Yungchen LHAMO, puisqu’il signifie « divinité de la mélodie et du chant ». Et indubitablement, Yungchen LHAMO est aujourd’hui reconnue comme une artiste majeure dans le domaine des musiques du monde, en tant qu’ambassadrice de la culture tibétaine, dont on ne connaissait surtout que la musique rituelle des monastères tibétains, avec en première ligne les sépulcraux chants de gorge des moines. Yungchen LHAMO a fait entendre une autre voix, la sienne, plus suave et féérique ; et c’est avec cet album que tout l’Occident l’a probablement découverte.

Son histoire ressemble à celle de tout autre exilé tibétain. À 23 ans, elle prit les routes escarpées de l’Himalaya pour aller recevoir la bénédiction de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, exilé en Inde. Depuis, elle n’a jamais été autorisée à revenir dans son pays natal. Réfugiée en Australie en 1993, elle a cherché à sensibiliser le public occidental à l’immense pouvoir dévotionnel des chants profanes et sacrés du Tibet. C’est de ces incantations qu’est constitué son premier album solo, Tibetan Prayer, paru uniquement sur le sol australien, et dont ce Tibet, Tibet est une copie revue et corrigée qui a connu une diffusion nettement plus large, puisque paru sur le label Real World, de Peter GABRIEL.

Recueil de chants traditionnels tibétains, de mantras secrets (on y trouve une adaptation très personnelle du célèbre Om Mani Padme Hung) et de dédicaces à l’adresse des lamas qui ont initié Yungchen, Tibet, Tibet jouit d’une production épurée favorisant la mise en espace de la voix de Yungchen LHAMO, qui chante a capella sur une bonne moitié du disque. Sur l’autre, elle est accompagnée ou précédée par des chants rituels de moines du monastère de Drepung et de Gyüto, ou bien ses vocalises ondulées et ses syllabes alanguies sont soutenus par un dranyen (instrument à cordes tibétain), une mandoline ou une percussion. On reste de bout en bout connecté à un univers tibétain et bouddhiste.

La sauce « fusion » dont Real World arrose souvent ses productions fait ici preuve d’une retenue assez judicieuse et, surtout, respectueuse de la densité spirituelle des interprétations de Yungchen. Ce n’est peut-être pas ce qui avait été envisagé au départ, mais la sobriété du résultat renforce l’ambiance méditative et la nature dévotionnelle du propos, quitte à paraître peu accessible à des oreilles non habituées. Ces dernières devront donc accepter d’avancer « sans filet » dans ce disque.

Leur effort ne sera pas vain, puisque le dernier morceau, Gi Pai Pa Yul Chola, est en effet plus arrangé et fait intervenir une instrumentation acoustique et synthétique qui, malgré tout, relève du bon goût. Au demeurant, cette chanson appelle un peuple brimé et aveuglé par d’obscures puissances à recouvrer la foi en le retour d’un rayon de soleil dans son destin. Peut-on rêver d’une incantation plus optimiste ?…

Écouter Yungchen LHAMO, c’est pénétrer au cœur des mystères vibratoires de la ferveur spirituelle, sous condition de fermer les écoutilles de la machine mentale. Ça nécessite une certaine disponibilité, mais on y gagne en découverte d’une autre approche du chant qui connecte le cœur avec l’esprit.

Stéphane Fougère

Site : www.yungchenlhamo.com

Label : https://realworldrecords.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n° 1, novembre 1997,
et remaniée en 2017)

 

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