Jacques PELLEN : De connexions en processions

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Jacques PELLEN

De connexions en processions

Des connexions, il n’est a priori pas facile d’en trouver quand, après avoir fait des études de guitare classique dès l’âge de 12 ans, on se passionne autant pour une certaine esthétique jazz contemporaine représentée par GARBAREK, METHENY ou Mc LAUGHLIN que pour le folklore celtique (Dan AR BRAZ, STIVELL…), tout en s’intéressant à la musique contemporaine (MESSIAEN, SCHÖNBERG…).

C’est pourtant ce qu’a fait Jacques PELLEN, guitariste brestois qui a développé son idée d’une « esthétique jazz sous influence bretonne » à travers une formation aux allures de moulin à vent (qui tourne !), la CELTIC PROCESSION, à la fois centre de catalyse et auberge de « genèse » pour virtuoses bretons ouverts à l’improvisation et jazzmen attirés par les résonances celtiques.

Le disque paru chez Naïve retraçant le concert donné en clôture du 20e festival « Les Tombées de la nuit » à Rennes, et le projet « La Scène bretonne à Ménilmontant » réunissant 60 artistes autour de Jacques PELLEN pendant 10 jours à la Maroquinerie en mars 2000, ont servi de rétrospective tout en laissant présager de nouvelles voies.

Sans qu’il soit question d’établir un bilan définitif, nous avons demandé à Jacques PELLEN de retracer l’histoire de son parcours et celui de la CELTIC PROCESSION, l’occasion d’évoquer aussi quelques « portraits » du jazz contemporain et de la mouvance bretonne.

Entretien avec Jacques PELLEN

Qu’est-ce qui a permis à la CELTIC PROCESSION de voir le jour ?

Jacques PELLEN : On peut remonter à plusieurs époques. Au début des années 1980, par exemple, il y a eu un trio autour de Kristen NOGUÈS comme compositrice et meneuse. Dans ce trio, il y avait un ancien membre de KOLINDA, Ivan LANTOS, et un batteur hongrois du nom de Peter GRITZ. Moi, je tournais autour comme un satellite. Un jour, Ivan LANTOS a été remplacé par un bassiste électrique avec qui je jouais et il y a eu des tournées en Belgique pendant lesquelles il m’est arrivé de prendre part à ce groupe. À ce moment, on avait déjà un orchestre qui ressemble à CELTIC PROCESSION. (Du reste, lors des concerts donnés à La Maroquinerie, à Paris, en mars 2000, on a joué des compositions qui remontent à cette époque-là.)

Par la suite, le groupe de Kristen a changé au fur et à mesure des saisons. C’était l’époque des grandes expériences avec des musiciens qui ont des noms imposants, comme Jean-François JENNY-CLARK, Cesario SALVIM, Denis BARBIER, qui nous ont amené à connaître d’autres gens encore. Peter GRITZ a amené par exemple le contrebassiste italien Riccardo DEL FRA, puis plus tard (en 1994) le trompettiste sarde Paolo FRESU.

Avec Riccardo et Kristen, nous avons formé un groupe qui a porté mon nom en tant que « leader » : JACQUES PELLEN CELTIC CONNECTION ; c’était en 1987, donc il y a 13 ans. Je me souviens d’un concert au Festival interceltique de Lorient en 1988 : il y avait Riccardo, Peter, Kristen, un trompettiste anglais du nom de Henri LAWZER (en remplacement du trompettiste anglo-canadien, Kenny WHEELER), et moi. En fait, le groupe de Kristen est devenu mon groupe. Ce n’est pas une prise de pouvoir, mais j’avais commencé mes recherches dans cette voie, que j’explore toujours, dès le milieu des années 1980.

Quelle était à ce moment l’orientation musicale prédominante, le jazz je suppose ?

JP : C’était quand même très jazz ! Quoique… Disons que c’était une branche cousine de Jan GARBAREK & Co. On pourrait appeler ça du jazz européen, la tendance européenne « froide », style ECM, pas franchement branché sur l’afro-cubain torride, le latino, bien qu’on ait utilisé les compétences de musiciens italiens…

Sinon, on peut remonter à plus loin : la première vague celtique, avec Alan STIVELL, Dan AR BRAS… Ça a été un peu la révélation pour tout le monde. De 10 à 50 ans, tous les musiciens ont compris qu’il se passait quelque chose, et j’étais dans le tas, plus proche de ceux qui avaient 10 ans d’ailleurs !

Entre la Breizh et Broadway

À cette époque, quelles étaient vos appétences musicales ?

JP : Oh, j’écoutais du rock anglais, du folk « à consonance celtique », style DONOVAN, Joan BAEZ ou encore Bob DYLAN, qui avait fait un album entier de ballades irlandaises sûrement piquées je pense, ou alors très influencées par des ballades irlandaises.  Après, j’ai découvert les versions originales de ces trucs-là. C’est une sorte de chemin initiatique. Avec SWEENEY’S MEN, PLANXTY, on a redécouvert les origines de ce son. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec Donal LUNNY, que j’ai rencontré pendant L’HERITAGE DES CELTES, et j’ai eu la chance de jouer avec Andy IRVINE. Je ne dis pas que lorsque Joan BAEZ a chanté des airs celtiques ce n’était pas authentique, mais il était plus intéressant de remonter les marches de l’escalier qui menait aux sources.

Donc à l’époque, beaucoup de gens de mon âge ont été obnubilés par la scène irlandaise, un brin plus âgée, et qui avait déjà une carrière internationale, avec une énergie incroyable : BOTHY BAND, Micheal O’DOMHNAILL… Tous ces gens-là, comme également René WERNER, Dan AR BRAS, Gabriel YACOUB, Triona NI DHOMHNAILL, se produisaient dans des MJC, là où on donnait des cours de guitare, de yoga et des permis de bateau ! J’ai fait le bœuf en 1973 avec Donal LUNNY à la MJC de Brest, alors que j’avais les cheveux longs ! Évidemment, quand je lui ai rappelé ça au moment où on s’est retrouvés dans L’HERITAGE DES CELTES, il s’en foutait complètement !

De mon côté, j’avais trouvé des choses qui m’avaient plus branché sur le plan guitaristique que de jouer la gavotte. Jouer la gavotte, la jig ou le reel à la guitare, c’est ch… ! Il faut bosser comme un fou pour un résultat pas forcément terrible. Autant jouer du biniou ! La guitare ne mène pas inéluctablement au jeu du genre de Pierre BENSUSAN…

Ainsi, j’ai découvert des gens plutôt tendance jazz qui avaient un jeu plus riche en couleurs. En plus, ayant eu une culture de musique classique, mélanger les influences harmoniques du jazz avec celles de la musique contemporaine, j’étais loin de vouloir jouer des jigs et des reels. C’est un peu incompatible. Entre bosser pour reprendre un reel à la guitare et comprendre comment fonctionne un standard de Broadway, on choisit.

Détournement

Le jazz vous a donc détourné du celtique ?

JP : Oui, quand même. Il y a eu une époque où j’ai accompagné des chanteurs, comme Melaine FAVENNEC. Là, on ne s’éloigne pas encore de la matière bretonne, même s’il y a des influences « variétés ». (Il faut bien vivre !) Cela dit, le disque que j’ai fait avec Melaine FAVENNEC, en 1979 je crois (NDLR : Chansons simples et Chants de longue haleine, chez Nevenoe), est super. Il y avait des connotations de musique écossaise et déjà un regard assez particulier sur la musique en général.

Mais ensuite il y a eu l’apprentissage du jazz, qui obnubile vite fait. C’est difficile, il faut mettre beaucoup d’énergie et ça fait un peu oublier le reste. Et puis un jour on se rend compte que ce n’est pas la peine d’insister. On n’est pas à Paris, on n’est pas à Boston, on n’est pas noir et ce n’est pas notre histoire. Mais on garde quand même le bénéfice des années d’apprentissage.

Et en jazz, y a-t-il eu des guitaristes qui vous ont marqué ?

JP : Il y a eu Pat METHENY, guère plus âgé que moi et qui a fait son premier disque à 19 ans. John McLAUGHLIN a également été intéressant, c’est une arme de guerre redoutable du point de vue rythmique, une déferlante rythmique ! En dehors des guitaristes, il y a eu Joachim KUHN, Jean-François JENNY-CLARK, John SURMAN, que j’ai eu la chance de rencontrer…

Gestation et évolution

Le disque qui est sorti au début au début des années 1990 avec Riccardo DEL FRA, Peter GRITZ, etc., peut donc être considéré comme un tremplin vers la CELTIC PROCESSION ?

JP : Oui, il a été enregistré en 1988 et a effectivement failli s’appeler comme ça. J’ai ainsi appris qu’on ne fait pas ce qu’on veut quand le séjour dans un studio vous est compté ! J’ai voulu faire une suite de morceaux, d’ambiances, que je voulais appeler « Celtic Procession ». Cette suite existe partiellement sur le disque. Chacun devait jouer un thème d’origine celte. Finalement, ça s’est goupillé d’une autre manière…

J’ai réécouté ce disque il y a peu de temps, et j’ai trouvé que c’était mon meilleur disque. Peter GRITZ m’avait branché sur Kenny WHEELER, alors que je comptais prendre Eric LE LANN (il est Breton).

Or, Kenny WHEELER venait d’enregistrer avec Keith JARRETT, donc ça me paraissait un peu fou ! Je lui ai écrit, et il m’a répondu positivement. C’est ainsi qu’il figure sur le premier disque de CELTIC PROCESSION et on a fait plusieurs concerts avec lui. Par la suite, Kenny WHEELER a été en quelque sorte remplacé par Paolo FRESU dans le monde de la CELTIC PROCESSION. Il joue du même instrument, mais pas du tout de la même manière. Paolo a été dès son arrivée intéressé par la matière bretonne, d’où le trio avec Erik MARCHAND.

Avec le premier disque de la CELTIC PROCESSION, ce n’est déjà plus un quartet qui se produit. Il y a pas mal de monde dessus. Comment est-ce arrivé ?

JP : Éric BARRET était venu jouer en Bretagne, notamment avec Didier SQUIBAN, Bruno NEVEZ (un guitariste de Brest), et c’est tout naturellement que je lui ai demandé de remplacer Kenny WHEELER quand celui-ci n’était pas disponible. De même, j’ai demandé à Gildas BOCLÉ de remplacer Riccardo DEL FRA quand ce dernier ne pouvait pas venir. Je me suis retrouvé avec un quartet qui me mettait dans une position assez instable. On était un groupe de professionnels, de jeunes loups jouant comme des fous ! C’était un peu comme se retrouver dans le peloton du Tour de France avec un VTT ! (rires)

Alors en fait, sur le disque, on trouve le premier quartet avec Kenny WHEELER, Riccardo DEL FRA et Peter GRITZ, et tous leurs remplaçants ! On trouve aussi des « petits nouveaux » qui ont fait que ce disque pouvait sans complexe s’appeler Celtic Procession : les frères MOLARD.

Avec lesquels vous avez conçu un trio et le disque Triptyque…

JP : Ce disque est d’ailleurs contemporain de Celtic Procession puisque certains morceaux prévus pour celui-ci se sont retrouvés dans Triptyque, et vice versa. Il n’y a pas eu de préméditation.

De la vacuité du nom

JP : Tout le monde n’est pas d’accord avec moi, mais je pense que toutes les musiques peuvent être jouées dans tous les sens par toutes les formules. Je crois plus au hasard qu’aux formules préméditées. Pour moi, Triptyque et Celtic Procession, c’est la même chose ! Si vous interrogez les autres, ils vous diront que non, mais bon… On peut facilement changer le nom d’un orchestre.

Par exemple, dans le dernier disque de Patrick MOLARD (Deliou), il y a trois morceaux où nous jouons tous les trois. Ça pourrait s’appeler TRIPTYQUE. Évidemment, il n’y a pas assez de morceaux pour que ça s’appelle TRIPTYQUE, mais les gens qui veulent écouter du TRIPTYQUE n’ont qu’à acheter cet album, génial au demeurant ! La formation TRIPTYQUE est dedans.

Le nom n’a pas grande importance. C’est comme les étiquettes. Pour moi, étiqueter un disque « ethno-celtico-jazz-trip-hop », ça ne veut rien dire. C’est pratique pour les magasins, sans plus. De même, donner un nom à un groupe, ça ne veut rien dire. Si vous voulez écouter le second disque de TRIPTYQUE ou le quatrième disque de GWERZ, il suffit d’avoir un graveur CD. Vous sélectionnez le premier morceau du disque Triptyque, Chypre, quelques morceaux du nouveau disque de Patrick MOLARD, etc. Enfin bref, si vous le voulez vraiment, vous l’avez déjà !

Enracinement en triptyque

Quelle était la démarche spécifique de TRIPTYQUE ?

JP : Il s’agissait d’insuffler de la liberté et de la sobriété dans la manière d’accompagner. À mon goût, la tendance de certains groupes folk est de surcharger. Or, à cette époque, avec Jacky MOLARD, Jean-Michel VEILLON et Patrick MOLARD, on a monté une sorte de label dans le label, à savoir Gwerz Pladenn, sous-division de Coop Breizh, pour aller au bout de cette idée-là, c’est-à-dire enregistrer des disques qui ne soient pas noyés sous des tonnes d’arrangements, lesquels pourraient être obsolètes trois ans après parce qu’un petit génie aurait tout foutu à la poubelle ! Ainsi, on a pu écouter des disques aussi intéressants que celui de Jean-Michel VEILLON, E Koad Nizan, et Triptyque.

Le label a illustré une certaine idée du dépouillement, allant jusqu’au dépouillement total dans le cas de Piobairaidach, l’album solo de Patrick MOLARD.

Le fait d’avoir fait un disque uniquement avec les frères MOLARD a pu faire croire que vous vous étiez tourné davantage vers le trad’…

JP : Non, je voulais que mon groupe prenne plus de sens. Lorsqu’on s’est retrouvés sur scène avec Eric BARRET pour jouer un morceau d’Alan STIVELL, ça ne nous a pas empêchés d’avoir une connotation sinon hard-bop, au moins groupe de jazz à la Eberhard WEBER. Mais je voulais que le message soit plus… enraciné. C’était pas pour faire « world » !

Jacky MOLARD en connaît autant dans le jazz que moi. Lorsqu’il a étudié le violon, il en est venu à bosser des thèmes de L. SUBRAMANIAM, de L. SHANKAR ou de Jean-Luc PONTY. Il ne connaît peut-être pas le même répertoire de jazz que moi, mais il en connaît au moins autant. C’est un improvisateur par nature et grâce à son frère, sa famille, il connaît le phrasé breton, irlandais, etc. Enfin, Jacky est le plus grand arrangeur breton, le seul qui peut rivaliser dans le genre celtique avec Donal LUNNY.

La technologie sans forcer

Dans le trio que vous avez formé avec Paolo FRESU et Erik MARCHAND, il semble qu’une plus grande place ait été accordée à la technologie moderne, notamment de par l’usage de la trompette multi-effet.

JP : Anecdote : je joue moi aussi avec la technologie avec ma guitare. La première fois qu’on a joué en trio, j’ai abandonné ma guitare-sampler parce que Paolo faisait ça beaucoup mieux avec des moyens techniques plus limités. Il a en revanche de gros moyens en matière d’imagination, de rythmes… Ça fait partie de sa manière de jouer. Mais on aurait très bien pu ne pas jouer de multi-effet. On ne s’est pas dits : « On va faire un truc branché sur le multi-effet. » Tout ça se fait naturellement ou ne se fait pas. Je joue aussi de la guitare électrique dans cet album, mais sur scène c’est rare. Il est difficile d’avoir un beau son a la fois acoustique et électrique sur scène… à moins d’avoir des « backliners », comme dans L’HÉRITAGE DES CELTES.

Lors d’une tournée en Afrique, Paolo FRESU trimbalait ses machines dans des sacs en plastique, genre « BHV », elles étaient complètement détruites. Il a utilisé ses machines pendant dix ans et maintenant, on a effectivement l’impression qu’elles sortent d’un sac poubelle. Mais ça marche tout le temps ! C’est ce côté « j’utilise la technologie mais je m’en moque » qui m’a plu. On n’a pas à s’inquiéter de savoir ce qu’on fait si ça ne marche pas, comme ça peut arriver pour un groupe qui utilise les ordinateurs. Dans ce cas, si un effet est manqué, on n’a pas l’air con !

À la nuit tombée

Avec le dernier disque, Les Tombées de la nuit, il semble qu’on soit entré dans une « nouvelle ère » de la CELTIC PROCESSION ?

JP : Le jour où j’ai décidé de graver le concert des « Tombées de la nuit », tout le monde n’était pas d’accord. Tout ne m’intéressait pas dans le concert, mais il y avait suffisamment de concepts nouveaux pour qu’il mérite d’être gravé. Le jour où j’ai décidé de faire ça, je ne me suis pas rendu compte à quel point ça me mettait sur d’autres rails. Je le pressentais, mais j’ai fait l’autruche. Je n’ai pas voulu voir ce qui se passerait après, en cas de bonnes ventes, mais j’ai été forcé de m’y intéresser. Un groupe dans lequel une gavotte est jouée à quinze, ça interpelle beaucoup de gens…

Il était amusant de faire jouer les membres d’AR RE YAOUANK avec Dan AR BRAZ, sur sa gavotte mythique, et d’y faire participer quelques autres comme Jacky MOLARD ou des musiciens en provenance de Berklee, tels les BOCLE BROTHERS ! Denez PRIGENT n’a pas pu figurer sur le disque à cause d’une histoire de contrat… Mais le gros symbole, c’est la réunion d’AR RE YAOUANK et de Dan AR BRAZ.

Mais le concert n’a pas été donné sous le nom CELTIC PROCESSION ?

JP : Non, mais pour moi le travail a été le même, c’est-à-dire aboutir à une fusion entre plusieurs artistes bretons avec des musiciens de jazz qui peuvent se coller partout et magnifier la chose.

En attendant la prophétie

On a compris que vous aimiez les formations à géométrie variable, puisque le trio avec FRESU et MARCHAND, par exemple, s’est vu selon les cas augmenté de Henri TEXIER ou de Jean-Marie MACHADO. Avez-vous prévu d’autres formules ?

JP : Ça me plairait bien de monter un groupe africain ! Pour la première fois de ma vie ! Je jouerais toujours la même musique bien sûr, mais j’ai compris ce que je pouvais faire dans mon style avec une rythmique africaine. Je sais même à qui demander. Toutefois, je ne sais si j’aurais le temps. Mais ça me plairait, de même qu’à Jacky MOLARD par exemple. Après, c’est une question d’énergie, de volonté et aussi de rencontres.

On a entendu plusieurs voix au sein de la CELTIC PROCESSION, principalement des voix bretonnes (Annie EBREL, Erik MARCHAND, Denez PRIGENT). C’est un choix ?

JP : J’ai des connaissances dans la « celtitude ». On pourrait très bien imaginer le concours d’une chanteuse écossaise ou irlandaise… Pourquoi pas ? Là encore, c’est une question de rencontres et d’opportunités..

Le « jouable » et le « non-jouable »

J’ai remarqué que vos compositions personnelles ne sont pas toujours mises en avant dans la CELTIC PROCESSION. Ces derniers temps, on a plutôt l’impression que ce sont celles de Kristen NOGUÈS qui dominent le répertoire…

JP : Oui… C’est la période qui veut ça. À un moment, celles de Jacky MOLARD étaient beaucoup jouées. Il y en a eu de Riccardo DEL FRA ; il y en a toujours… Il y a deux catégories : celle du compositeur jouable par tout le monde et celle du compositeur injouable par quelqu’un d’autre que lui-même. Si vous écrivez Les Feuilles mortes, vous êtes dans la catégorie des compositeurs jouables par tout le monde. La SACEM aidant, ça change votre niveau de vie ! Comme on est entre dix et vingt dans CELTIC PROCESSION, il y a les deux catégories.

Sinon, il y a aussi une raison pratique : on n’a pas toujours le loisir de répéter et de créer, alors on fait avec ce qu’il y a de disponible. Souvent, ça donne de bonnes surprises. C’est intéressant de voir les morceaux se transformer selon les interprétations.

« La scène bretonne à Ménilmontant », c’était une forme de rétrospective ?

JP : C’était un peu ce que je voulais, mais une fois encore on fait avec ce qu’on peut. On avait demandé à Didier LOCKWOOD de venir mais il ne pouvait pas ; Olivier KER-OURIOU ne pouvait pas, Paolo FRESU était très occupé avec MACHADO… On a fait avec les moyens du bord. La première semaine m’a rappelé des souvenirs, le groupe ressemblait à celui du début des années 1990. C’était un truc encore plus fou que le disque Les Tombées de la nuit. Aux « Tombées de la nuit », il n’était pas question de balancer dix minutes de musique free sans tempo ; c’eut été un scandale, j’imagine. Vingt secondes de solo d’un jazzman, pour ce public-là, c’est trop ! (rires) On ne peut pas aimer à la fois Tri Martolod et A Love Supreme. Il y a peut-être des exceptions… C’est mon cas, mais bon, c’est quand même pas légion.

Et puis il y avait un « cahier des charges » aux Tombées de la nuit : garder le morceau court, ne pas trop improviser…

Tout de même : la CELTIC PROCESSION permet à la fois de réécouter Breizh Positive et du John McLAUGHLIN !

JP : Exactement. C’est une structure d’accueil pour musiciens esseulés… (rires)

Article et entretien réalisés par Stéphane Fougère en mars 2000
– Photos : Sylvie Hamon (Lorient août 1998 – Paris mars 2000)

(Article original publié dans ETHNOTEMPOS n°8 – avril 2001)

 

Discographie Jacques PELLEN :

* Jacques PELLEN 4tet (avec Riccardo DEL FRA, Peter GRITZ et Kenny WHEELER) (1989, Caravan)

* Jacques PELLEN – Celtic Procession (1993, Silex)

* Jacky MOLARD, Patrick MOLARD, Jacques PELLEN – Triptyque (1993, Gwerz Pladenn / Coop Breizh)

* Jacques PELLEN  Riccardo DEL FRA – Sorcerez (1996, Gwerz Pladenn / Coop Breizh)

Paolo FRESU, Jacques PELLEN, Erik MARCHAND – Condaghes (1998, Silex) 

* Jacques PELLEN – Les Tombées de la nuit – A Celtic Procession Live (1999, Naïve)

* Jacques PELLEN – Éphémèra (2003, Naïve)

* Jacques PELLEN – Lament for the Children (2007, Naïve)

* Jacques PELLEN, Karim ZIAD, Étienne CALLAC – Off Shore (2010, Boutou Productions / Coop Breizh)

* Jacques PELLEN & Éric BARRET – Quiet Place (2013, L’Autre Distribution)

Xavier BODERIOU, Sylvain BAROU, Jacques PELLEN – Morenn (2014, Vocation Records)

GANGA PROCESSION – Ganga Procession (2016, Coop Breizh)

* OFFSHORE : Jacques PELLEN, Karim ZIAD, Étienne CALLAC & Sylvain BAROU – Shorewards (2017, Paker Prod / Coop Breizh)

* Jacques PELLEN – A-Hed an Aber (2018, Paker Prod)

 

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